Déposé le 27 février 2016 par : Mme Gaillard, Mme Le Dissez.
Rédiger ainsi l'alinéa 2 :
« L'utilisation des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits, est interdite à partir du 1er janvier 2017. »
Plusieurs centaines d'études scientifiques, réalisées dans le monde entier, démontrent l'impact des molécules néonicotinoïdes sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages mais aussi les invertébrés aquatiques et terrestres, les poissons, les amphibiens, les oiseaux et au final l'être humain. L'avis publié le 7 janvier 2016 par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) valide et confirme ces éléments. Il ne fait plus aucun doute que ces produits sont néfastes pour notre environnement et les premiers signaux d'alarme apparaissent sur la santé humaine. Économiquement, au-delà de la survie de la filière apicole, ce sont les services écosystémiques vitaux rendus par les pollinisateurs domestiques et sauvages et par les organismes des milieux aquatiques et des sols, qui sont en jeu.
Si les détails pratiques pour la mise en place de la fin de l'utilisation des néonicotinoïdes peuvent être définis par arrêté ministériel, en lien avec l'ANSES, il est cependant nécessaire d'envoyer un signal clair en inscrivant formellement dans la loi leur interdiction pour enclencher une véritable recherche d'alternatives.
Les conséquences de l'usage des néonicotinoïdes sont encore plus brutales que celles des autres insecticides : la toxicité (5000 à 10 000 fois supérieure à celle du DDT), la systémie (l'insecticide est transporté dans l'ensemble des tissus de la plante, qui devient une plante pesticide), la persistance dans les sols (de quelques mois à quelques années) et la dissémination dans l'eau (l'imidaclopride est ainsi passé du 50ème au 12ème rang des pesticides les plus retrouvés dans les cours d'eau français en 2013), combinées à une utilisation sur des millions d'hectares et sur de nombreuses cultures, conduisent à une contamination généralisée de tout l'environnement et ce tout au long de l'année.
L'Union européenne a restreint certains de leurs usages en 2013, mais ils sont encore très largement utilisés. En France, plus d'une centaine de produits à base de néonicotinoïdes sont autorisés pour de très nombreux usages, tant phytosanitaires que vétérinaires (désinsectisation et traitement des animaux domestiques).
Les propriétés de systémie et de persistance des néonicotinoïdes font que les mesures de réduction des risques mises en pratique (par exemple les déflecteurs sur semoirs pneumatiques) ou d'interdiction partielle (Gaucho sur tournesol et maïs, ainsi que la suspension européenne de trois molécules) n'ont pas eu d'effet suffisant pour réduire l'intoxication chronique de l'environnement toujours alimentée par les usages maintenus.
La seule décision efficace est l'interdiction totale de leur utilisation.
Cette mesure ne provoquera pas la catastrophe annoncée par certains en termes de productivité agricole. De nombreuses études scientifiques constatent qu'aux USA, au Royaume Uni, en Italie, au Canada, il n'y a pas de différence significative de rendement des récoltes de céréales et d'oléagineux traitées ou non avec les néonicotinoïdes. En Allemagne, second producteur européen de céréales, le traitement des céréales d'hiver par les néonicotinoïdes est interdit depuis 2008, ce qui n'a pas provoqué de diminution des récoltes. Au sein de l'Union européenne, le niveau de production atteint un taux record en 2014 pour les graines oléagineuses (colza, tournesol, soja et lin), malgré la suspension de trois molécules néonicotinoïdes.
Par ailleurs la France dispose des éléments pour interdire ces produits à très courte échéance, sans que cela n'occasionne de désastre dans les rendements agricoles car de nombreuses alternatives existent. La directive n°2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable oblige d'ailleurs l'ensemble des pays européens à pratiquer la lutte intégrée contre les ravageurs, issue de dizaines d'années d'expériences sur le terrain et de recherches scientifiques. Celle-ci prévoit une surveillance préventive suivie, en cas de besoin, par des traitements agronomiques puis si nécessaire biologiques ou physiques, enfin, si cela se révèle indispensable par des traitements chimiques en ciblant ceux-ci et en privilégiant ceux qui sont les moins risqués pour l'environnement et qui minimisent la résistance des insectes.
La France peut le faire tout en respectant la réglementation européenne, elle l'a déjà fait avec l'arrêté du 19 avril 2005 dont l'article 1er interdit « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active dénommée « fipronil » ayant des usages en traitement du sol dans le cadre de la lutte contre les taupins et charançons et des semences traitées avec ces produits ≫.
Le point 4 de l'article 1er du règlement n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques permet cette interdiction car il dispose que « les États membres ne sont pas empêchés d'appliquer le principe de précaution lorsqu'il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l'environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire ».
L'Assemblée Nationale a déjà interdit l'utilisation des néonicotinoïdes et des autres produits phytopharmaceutiques par les jardiniers amateurs et les collectivités, elle peut donc voter leur interdiction totale sans être en désaccord avec la règlementation européenne.
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