Déposé le 11 mars 2016 par : M. Giraud, M. Charasse, M. Claireaux, M. Falorni, M. Giacobbi, Mme Hobert, M. Krabal, M. Jérôme Lambert, M. Maggi, M. Moignard, M. Robert, M. Schwartzenberg, M. Tourret.
Compléter cet article par l'alinéa suivant :
« En ce qui concerne les pulvérisations foliaires de ces substances, des dérogations provisoires peuvent être accordées par l'autorité administrative en cas de danger grave pour les cultures, dès lors qu'il n'existe pas de solution alternative. Ces dérogations font l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé. »
Plusieurs centaines d'études scientifiques, réalisées dans le monde entier, démontrent l'impact des molécules néonicotinoïdes sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages mais aussi les invertébrés aquatiques et terrestres, les poissons, les amphibiens, les oiseaux et au final l'être humain.
L'avis publié le 7 janvier 2016 par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) valide et confirme ces éléments. Il ne fait plus aucun doute que ces produits sont néfastes pour notre environnement et les premiers signaux d'alarme apparaissent sur la santé humaine. Économiquement, au-delà de la survie de la filière apicole, ce sont les services écosystémiques vitaux rendus par les pollinisateurs domestiques et sauvages et par les organismes des milieux aquatiques et des sols, qui sont en jeu.
Le législateur doit donc prendre ses responsabilités et ne peut renvoyer à un simple arrêté ministériel les conclusions à tirer de l'avis de l'ANSES.
Les conséquences de l'usage des néonicotinoïdes sont encore plus brutales que celles des autres insecticides : la toxicité (5000 à 10 000 fois supérieure à celle du DDT), la systémie (l'insecticide est transporté dans l'ensemble des tissus de la plante, qui devient une plante pesticide), la persistance dans les sols (de quelques mois à quelques années) et la dissémination dans l'eau (l'imidaclopride est ainsi passé du 50ème au 12ème rang des pesticides les plus retrouvés dans les cours d'eau français en 2013), combinées à une utilisation sur des millions d'hectares et sur de nombreuses cultures, conduisent à une contamination généralisée de tout l'environnement et ce tout au long de l'année.
À l'initiative de la France, l'Union européenne a restreint certains de leurs usages en 2013, mais ils sont encore très largement utilisés. En France, plus d'une centaine de produits à base de néonicotinoïdes sont autorisés pour de très nombreux usages, tant phytosanitaires que vétérinaires (désinsectisation et traitement des animaux domestiques).
Les propriétés de systémie et de persistance des néonicotinoïdes font que les mesures de réduction des risques mises en pratique (par exemple les déflecteurs sur semoirs pneumatiques) ou d'interdiction partielle (Gaucho sur tournesol et maïs, ainsi que la suspension européenne de 3 molécules) n'ont pas eu d'effet suffisant pour réduire l'intoxication chronique de l'environnement en raison des usages restant autorisés.
Seule une interdiction de portée générale peut être efficace.
Cette mesure n'aura pas d'incidence négative sur la productivité agricole. De nombreuses études scientifiques constatent qu'aux USA, au Royaume Uni, en Italie, au Canada, il n'y a pas de différence significative de rendement des récoltes de céréales et d'oléagineux traitées ou non avec les néonicotinoïdes. En Allemagne, second producteur européen de céréales, le traitement des céréales d'hiver par les néonicotinoïdes est interdit depuis 2008, ce qui n'a pas provoqué de diminution des récoltes. Au sein de l'Union européenne, le niveau de production atteint un taux record en 2014 pour les graines oléagineuses (colza, tournesol, soja et lin), malgré la suspension de trois molécules néonicotinoïdes.
Par ailleurs la France dispose des éléments pour interdire ces produits à très courte échéance, sans que cela n'occasionne de désastre dans les rendements agricoles car de nombreuses alternatives existent. La directive européenne du 21 octobre 2009 oblige d'ailleurs l'ensemble des pays européens à pratiquer la lutte intégrée contre les ravageurs, issue de dizaines d'années d'expériences sur le terrain et de recherches scientifiques. Celle-ci prévoit une surveillance préventive suivie, en cas de besoin, par des traitements agronomiques puis si nécessaire biologiques ou physiques, enfin, si cela se révèle indispensable par des traitements chimiques en ciblant ceux-ci et en privilégiant ceux qui sont les moins risqués pour l'environnement et qui minimisent la résistance des insectes.
La France peut le faire tout en respectant la réglementation européenne, elle l'a déjà fait avec l'arrêté du 19 avril 2005 ( JORF n°96 du 24 avril 2005 page 7184 texte n° 11 ) dont l'article 1 interdit « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active dénommée fipronil et des semences traitées avec ces produits ».
L'article 1.4 du règlement européen 1107/2009 permet cette interdiction : “En particulier, les États membres ne sont pas empêchés d'appliquer le principe de précaution lorsqu'il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l'environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire”.
Par conséquent, la commission du développement durable a confirmé la disposition adoptée par l'Assemblée Nationale en première lecture, interdisant l'utilisation des néonicotinoïdes.
Pour prendre en considération les objections évoquées lors du débat sur les cas particuliers de ravageurs représentant un danger grave pour les cultures qui ne pourrait être traité autrement que par l'usage en pulvérisation foliaire d'une substance de la famille des néonicotinoïdes, et en l'absence de solution alternative, il est proposé de compléter cet article par une possibilité de dérogation exceptionnelle. Ainsi l'interdiction des néonicotinoïdes est bien la règle, et leur usage une exception strictement encadrée.
Ce dispositif s'inspire de celui qui a été décidé par le législateur avec la loi portant engagement national pour l'environnement de 2010, qui a interdit l'épandage aérien de pesticides, sauf dérogations limitées. Le nombre de ces dérogations a été réduit au fil des années jusqu'à une extinction progressive de celles-ci, comme l'a annoncé le gouvernement.
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