Déposé le 12 avril 2016 par : M. de Rocca Serra, Mme Le Callennec, M. Marcangeli, M. Courtial, Mme Grosskost, M. Gandolfi-Scheit, Mme Poletti, M. Morel-A-L'Huissier, M. Couve, M. Gorges, Mme Grommerch, Mme Pons, M. Tardy, M. Schneider.
I – L’État peut autoriser la mise en place à titre expérimental d’un contrat de travail à durée indéterminée à vocation saisonnière.
II. – Le titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Expérimentation relative au contrat à durée indéterminée à vocation saisonnière
« Section 1
« Définition et modalités
« Art. L. 3125‑1. – Le contrat à durée indéterminée saisonnier peut être contracté dans le cadre de tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectif et qui sont effectués pour le compte d’une entreprise dont l’activité obéit aux mêmes variations.
« Art. L. 3125‑2. – Le contrat à durée indéterminée saisonnier est un contrat à durée indéterminée. Ce contrat est écrit. Il mentionne notamment :
« 1° La qualification du salarié ;
« 2° La justification de l’activité saisonnière ;
« 3° Les éléments de la rémunération ;
« 4° La durée annuelle minimale du travail du salarié ;
« 5° Les périodes de travail ;
« 6° La répartition des heures de travail selon ces périodes.
« Le contrat doit comprendre toutes autres clauses que les contractants jugent nécessaires d’inscrire en particulier quant à ce qui est relatif aux durées de travail et leur répartition mais aussi la flexibilité des périodes de travail.
« Art. L. 3125‑3. – La justification de l’activité saisonnière découle d’une autorisation délivrée par l’autorité locale compétente qui se dote du droit de regard sur les contrats procédant de cette justification.
« Art. L. 3125‑4. – La flexibilité des périodes de travail doit être inscrite dans le contrat et si ce n’est pas le cas il est alors du ressort du salarié d’entamer la procédure. Les modifications ne doivent pas porter atteinte au revenu ou aux droits du salarié.
« Art. L. 3125‑5. – La durée annuelle minimale du travail du salarié peut être modifiée dans les mêmes dispositions que celles indiquées à l’article L. 3125‑4 à la limitation près qu’elles ne peuvent être modifiées, positivement ou négativement, que dans une mesure d’un tiers du temps indiqué dans le contrat.
« Art. L. 3125‑6. – Le salarié titulaire d’un contrat à durée indéterminée saisonnier bénéficie des droits reconnus aux salariés à temps complet sous réserve de modalités spécifiques prévues par le contrat.
« Pour la détermination des droits liés à l’ancienneté, les périodes non travaillées sont prises en compte en totalité, à l’exception des droits liés à l’assurance chômage ou à l’assurance vieillesse.
« Section 2
« Dispositions particulières au contrat à durée indéterminée saisonnier
« Art. L. 3125‑7. – L’ensemble de ces dérogations et dispositions est acceptable sous caution de l’article L. 3125‑4. Toute remise en question de ce statut met fin aux dispositions particulières du contrat à durée indéterminée saisonnier.
« Art. L. 3125‑8. – En dérogation à l’article L. 3121‑42 les salariés dotés d’un contrat à durée indéterminée saisonnier peuvent conclure une convention de forfait en heures sur l’année et en dérogation à l’article L. 3121‑39 cette convention n’est pas forcé de faire l’objet d’une convention collective mais entre dans le cadre de la répartition des heures et des périodes travaillées indiquée dans le contrat.
« Ainsi les entreprises visées peuvent dans le cadre du contrat établir un plan d’annualisation des heures de travail sans contrainte autres que le respect des durées maximales telles qu’indiquées à l’article L. 3124‑8.
« Art. L. 3125‑9. – Le statut défini à l’article L. 3125‑3 accorde aux entreprises la permission d’élever le seuil des heures maximales dans le cadre conféré par le surcroit temporaire d’activité mais aussi de bénéficier de l’article L. 3121‑36 sur une période annuelle n’excédant pas trois mois inscrite dans une convention et renouvelable chaque année.
« Art. L. 3125‑10. – Lors des périodes non travaillées l’État assure le paiement de l’ensemble des charges patronales induites par les employés ayant contracté un contrat à durée indéterminée saisonnier.
« Art. L. 3125‑11. – Tout non-respect des règles indiquées dans les précédents articles entraîne la requalification du contrat à durée indéterminée saisonnier en contrat à durée indéterminée simple et fait donc perdre à l’employeur toutes les dispositions précédemment citées. ».
III. – La présente expérimentation prend fin deux ans après sa mise en place. Elle fait l’objet d’une évaluation.
La précarisation de l’emploi est aujourd’hui un problème majeur dans notre pays. Nous devons faire notre possible pour offrir aux entrepreneurs les marges nécessaires afin de produire de l’activité dans un contexte économique morose. Cependant cette intention, aussi louable soit-elle, ne doit pas entrer en contradiction avec les conditions de vie des plus nombreux ; or il est reconnu que la stabilité de l’emploi est aujourd’hui une condition nécessaire à l’épanouissement personnel, ne serait-ce que parce qu’elle permet d’accéder à l’emprunt et à l’investissement.
L’emploi saisonnier n’est en rien un emploi transitoire ou que l’on pourrait qualifier d’inférieur à un emploi à plein temps annuel. Il répond uniquement à un contexte économique particulier, basé sur des cycles d’activités plus ou moins définis. Le territoire Corse en est un parfait exemple : il existe certes des activités que nous pouvons dire annuelles mais une partie importante de l’économie de l’île reste liée à la saison touristique. C’est aussi le cas de toutes les stations balnéaires ou même des stations de ski. Or ces cycles d’activité impliquent des périodes d’emploi avec toute une population qui se retrouve en situation d’alternance entre phase travaillée et phase chômée qui nécessite des ajustements (double emploi, déplacement entre différentes zones selon les saisons…) qui ne sont pas réalisables par chacun.
Cette alternance devient donc problématique dès que l’on pense aux populations qui sont dépendantes de ces emplois saisonniers qui, au cours d’une courte période de travail souvent intensive, doivent subvenir à leurs besoins annuels. A ce problème de base, s’ajoute l’insécurité de l’emploi. En effet, les contrats saisonniers sont le plus souvent des Contrats à Durée Déterminée (CDD), et dans de plus rares cas des Contrats à Durée Indéterminée Intermittents (CTI). Le CDD restant la règle on voit de suite quel est le risque : un saisonnier, indépendamment du nombre d’années durant lesquelles il a travaillé en saison pleine, peut se voir sans contrat et ainsi dans une situation très difficile. Un grand nombre de jeunes n’ira d’ailleurs pas conclure un contrat dans un domaine où il risque chaque année de voir sa situation disparaitre.
Il convient également d’ajouter que les actifs concernés s’inscrivent en fin de saison au Pôle Emploi, générant une augmentation importante du nombre de chômeurs et d’indemnités correspondantes à verser, à la charge de l’État. C’est perdant-perdant. Le coût pour l’État est supérieur à ce que nous proposons dans le présent texte.
De nombreuses décisions de la Cour de Cassation (telle que la décision Cass soc 18/6/2008 N° 07‑40123) ont déjà défini dans quels contextes un contrat saisonnier est considéré comme établissant une relation de travail à durée indéterminée, avec comme facteurs principaux une clause de reconduction ou bien encore la régularité de l’emploi et le fait qu’il occupe toute la saison. Dans ces situations, la Cour de Cassation a à chaque fois rendu comme jugement la requalification du contrat de l’employé en un CDI.
C’est ce constat qui motive la présente proposition de loi dont l’objet est l’instauration d’un Contrat à Durée Indéterminée à vocation saisonnière (CDIS).
Le dispositif se singularise sur les points suivants :
- Le CDIS est basé sur des temps de travail fluctuants, la répartition des horaires variant en fonction de la période conformément au principe d’annualisation du temps de travail.
- L’employé étant soumis aux mêmes droits que ceux d’un titulaire d’un CDI, l’entreprise est tenue de payer les charges relatives à l’employé. Ces charges seront assurées, pendant la période non-œuvrée seulement, par l’État afin de favoriser la contraction de ce type de contrat. Elles seront en réalité compensées par la non inscription massive desdits salariés en fin de saison puisqu’il n’y aura plus de variation saisonnière des chômeurs.
Dans les territoires concernés par cette fluctuation de l’activité, les employeurs sont demandeurs de ce type de contrat adapté pour avoir une pérennité de l’emploi, pour ne pas rechercher chaque année de nouveaux salariés sur le marché de l’emploi avec toutes les incertitudes que cela implique, et pour assurer une qualification de l’emploi en mettant à profit la période non œuvrée pour effectuer des formations en alternance.
C’est gagnant – gagnant – gagnant.
Gagnant pour l’employé qui dispose d’une stabilité dans l’exercice de son emploi.
Gagnant pour l’employeur qui assure son recrutement et une équipe pérenne au-delà de la saison, avec une qualification possible pendant le temps non œuvré par le biais de formations.
Gagnant pour l’État qui réalise des économies en termes d’indemnités de chômage, économies supérieures aux exonérations patronales prévues dans le texte.
Cette évolution de notre législation permettrait d’allier flexibilité et stabilité au bénéfice de l’emploi et de l’économie.
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