Amendement N° 190 (Non soutenu)

Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle

Déposé le 17 mai 2016 par : Mme Boyer.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Chapitre Iersexies

Violences au sein des couples et incidences de ces dernières sur les enfants

Article 51 septies

«  I. – Le code civil est ainsi modifié :
«  1° L'article 515‑9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«  Les violences mentionnées à l'alinéa précédent correspondent à celles mentionnées à l'article 222‑14‑3 du code pénal. » ;
«  2° Au 5° de l'article 515‑11, après le mot « solidarité » sont insérés les mots :
«  , sur l'application du quatrième alinéa de l'article 373‑2‑9 pour le droit de visite de la partie défenderesse ».
«  II. – Après l'article 122‑1 du code pénal, est inséré un article 122‑1‑1 ainsi rédigé :
«  Art. 122‑1‑1. – N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, en raison de la répétition de violences conjugales, d'un trouble psychique ou neuropsychique, ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes.
«  La personne poursuivie doit être soumise avant tout jugement au fond à une expertise médicale afin d'évaluer sa responsabilité pénale au moment des faits. »
«  III. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement qui étudie l'efficacité du dispositif de l'ordonnance de protection et la création d'une juridiction spécialisée.

Exposé sommaire :

En France, une femme meurt encore tous les 2,7 jours victime de son conjoint, soit 134 femmes en 2014, et près de 1 260 femmes assassinées depuis 2006. Près d'un meurtre sur cinq résulte de violences au sein de couples et environ 223 000 femmes de 18 à 75 ans subissent des violences physiques et sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire, selon une moyenne établie par l'Insee pour les années 2010 à 2015.

Par ailleurs, si les femmes sont les premières touchées par les violences conjugales, elles ne sont pas les seules victimes : en 2014, 25 hommes et 35 enfants sont morts dans le cadre de violences au sein du couple, 110 enfants sont devenus orphelins de mère et/ou de père, et plus de 140 000 mineur.e.s vivent dans une famille où une femme est victime de violences, entraînant de profonds traumatismes pour ces enfants témoins.

Que ce soit à travers des insultes, des critiques incessantes, des remarques désobligeantes, des comportements de mépris, d'avilissement ou d'asservissement de l'autre, toutes les attaques qui touchent l'intégrité psychique de la partenaire sont, en fait, des actes de torture mentale qui privent ces femmes de toute estime d'elles-mêmes.

De par ces agissements, le conjoint dit « violent » porte atteinte au principe de respect de la dignité de la personne humaine. Bien souvent, ce phénomène s'inscrit dans la durée à travers un processus de répétition de violences à la fois psychiques et physiques qui positionnent la femme en situation de faiblesse l'isolant du reste du monde. La victime devient alors prisonnière de cette situation qu'elle subit.

Aujourd'hui, rares sont les cas dans lesquels la victime de violences conjugales arrive à se défaire de l'emprise exercée sur elle par son bourreau. En effet, ces victimes ne portent que trop rarement plainte.

Cet état de soumission et de « danger de mort permanent » vécu pendant des années, peut entrainer un comportement extrême : suicide ou homicide conjugale.

En décembre 2015 a eu lieu le procès de Jacqueline Sauvage en appel. Après 47 ans de violences conjugales à la fois psychologiques et physiques permanentes, le viol de deux de ses filles, des violences répétées contre son fils et le suicide de ce dernier Jacqueline Sauvage, 67 ans, tue son mari de 3 coups de fusil. En 2013, elle sera condamnée à une peine de 10 ans de prison ferme pour homicide, une peine confirmée en appel.

Depuis, les élans de solidarité auprès de Jacqueline Sauvage et de sa famille se sont multipliés : Pétition en ligne qui a rassemblé plus de 160 000 signatures, manifestations de soutien, demande de grâce présidentielle rédigée par les filles de Mme Sauvage ainsi que le soutien de nombreux parlementaires qui ont abouti à « une remise gracieuse de peine » le 31 janvier 2016.

Dans ce cadre, peut-on comprendre que Mme Sauvage tue pour ne pas mourir ? Nous ne parlons pas ici de délivrer ce que certains appellent un « permis de tuer » mais de s'appuyer sur un état particulier dit SFB [3] entrainé par la répétition des violences et le climat de danger de mort constant et imminent. Il s'agit plus précisément pour le juge d'analyser l'existence de post-traumatisme de la femme violentée lors du passage à l'acte.

Issue du rapport d'information du député Guy Geoffroy, la loi n° 2010‑769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et à leurs incidences sur les enfants a prévu, comme mesure centrale, la création de l'ordonnance de protection. Rendue par le juge aux affaires familiales (JAF), celle-ci vise à fournir un cadre d'ensemble aux femmes victimes de violences. La liste des mesures que peut prendre le JAF sur le fondement de l'article 515‑11 du code civil est particulièrement complète.

Outre la création de l'ordonnance de protection, la loi du 9 juillet 2010 a introduit de nouvelles dispositions pénales transcrivant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de violences. Désormais, « les violences (….) sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques ».

L'article 3 de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique définit ces violences comme des « actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l'auteur de l'infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime ».

Pourtant, les réactions de ces femmes désorientées et terrorisées qui peuvent aller jusqu'au meurtre de leur mari et les chiffres encore élevés des homicides conjugaux, doivent nécessairement amener à une remise en cause de notre législation.

Tel est l'enjeu de cet amendement issu de ma proposition de loi du 29 mars 2016 relative aux violences au sein des coupes.

Cet amendement assure une continuité du code pénal dans le code civil, en précisant la notion de « violences au sein des couples ».

Envisage l'exercice du droit de visite dans un espace de rencontre spécialement désigné à cet effet lorsqu'il existe un contexte de violences entre les parents.

Enfin, il instaure un nouveau cas d'irresponsabilité pénale pour la personne qui était atteinte, au moment des faits, en raison de la répétition de violences conjugales, d'un trouble psychique ou neuropsychique, ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes. Le recours à une expertise psychiatrique est ici obligatoire.

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