Déposé le 17 mai 2016 par : Mme Capdevielle, Mme Untermaier, M. Raimbourg, Mme Descamps-Crosnier, Mme Chapdelaine, Mme Crozon, M. Popelin, Mme Dagoma, M. Mennucci, M. Hammadi, M. Aboubacar, M. Valax, Mme Laurence Dumont, les membres du groupe socialiste républicain citoyen.
Compléter cet article par les deux alinéas suivants :
« 5° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'enfant majeur peut exercer le choix mentionné au deuxième alinéa au moyen de la demande de changement de nom prévue à l'article 61. L'intérêt légitime de la demande est présumé. Les articles 61‑1 à 61‑3 sont applicables. »
La protection des droits des enfants compte parmi les sujets qui rassemblent, sans considération partisane, les députés de tous les bancs autour d'un même objectif. Le présent amendement, en apportant une précision technique au sein du code civil, permettra d'épargner à bon nombre de nos concitoyens des souffrances intimes causées par une histoire familiale troublée.
Ainsi que le proclame l'article 8 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant de 1989, tout enfant a le droit de « préserver son identité, y compris son nom ».
L'article 57 du code civil prévoit que l'acte de naissance, dressé dans les trois jours de l'accouchement, comporte la mention du nom de famille du nouveau-né. L'article 331‑21 du même code indique que, lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents simultanément, « ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux ».
Dans le cas toutefois où la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un seul des parents, c'est son nom qui est dévolu par l'enfant aux termes de l'article 331‑23. La même disposition précise toutefois que, en cas d'établissement du second lien de filiation et durant la minorité de l'enfant, les parents peuvent demander à l'officier d'état-civil de changer le nom porté sur l'acte de naissance.
Cette précision bienvenue pose cependant problème puisqu'elle protège davantage le droit du second parent à transmettre son patronyme que le droit de l'enfant à prendre le nom du second parent. En effet, la démarche ne peut être engagée qu'au cours de la minorité de l'enfant et, si son consentement est nécessaire passé treize ans, il ne peut décider lui-même de lancer la procédure. Par ailleurs, cette dérogation expire à la majorité de l'enfant.
En conséquence, le jeune adulte qui souhaite reconstituer la trame de son identité est contraint d'emprunter la voie de l'article 61 du code civil sur le changement de nom. Cette disposition prévoit une procédure lourde, comprenant publication au Journal Officiel et avis du Conseil d'État, et elle conditionne le sort réservé à la requête à l'existence d'un intérêt légitime au changement de nom. Or, et aussi surprenant que cela puisse paraître, si la jurisprudence admet pléthore de raisons légitimes de changer de nom (caractère ridicule ou infâmant du patronyme, francisation, relèvement d'un nom menacé d'extinction, etc.), elle est particulièrement stricte lorsqu'il s'agit de prendre le nom du parent qui ne l'a pas transmis. Un arrêt du 31 janvier 2014 a admis les motivations d'ordre affectif uniquement en présence de « circonstances exceptionnelles », c'est-à-dire en cas de détresse manifeste du demandeur étayée par des preuves circonstanciées.
Qu'un enfant reconnu par son père sur le tard, ou qu'un enfant accouché sous X qui retrouve sa mère des années plus tard, souhaite prendre le nom de ce parent ou l'accoler au sien, apparaît pourtant bien légitime. Marcel Pagnol, dans La fille du puisatier, a exprimé toute la douleur de ne pouvoir se rattacher à une histoire familiale : « Un premier né de Provence, on ne lui dit jamais son petit nom. On l'appelle par son nom de famille. » L'exigence du Conseil d'État est bien lourde pour un chagrin si intime. Si la jurisprudence ne juge pas qu'un enfant puisse porter le nom de celui que la République tient pour son père, ou le nom de celle que la République tient pour sa mère, il convient que la loi l'édicte clairement.
Le présent amendement propose de compléter le dispositif de l'article 18 quinquies, le Gouvernement et la commission des Lois ayant convenu tous deux de la nécessité d'une simplification des procédures de changement de nom. Il procède à l'adjonction, à l'article 311‑23 du code civil relatif aux secondes filiations établies sur le tard, d'un alinéa indiquant que les enfants devenus majeurs peuvent recourir à la procédure normale de changement de nom comme c'est le cas aujourd'hui, mais que l'administration présume leur intérêt légitime pour ce faire. Il serait donc toujours possible de faire obstacle aux sollicitations farfelues, mais la procédure s'en trouverait singulièrement accélérée pour les demandes de bonne foi. La rédaction retenue ne confère qu'une seule opportunité de recours à la procédure, prévenant les éventuelles tentatives de va-et-vient entre deux noms de famille. Bien sûr, la modification opérée en commission des Lois à l'initiative du Gouvernement est pleinement préservée.
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