Déposé le 8 juin 2016 par : le Gouvernement.
Supprimer cet article.
Le Gouvernement partage totalement l'objectif de rendre plus transparentes les prises de participation dans les sociétés qui exploitent les terres agricoles. L'article 30 A, amendé en séance, met en place un dispositif nouveau qui impose une affectation particulière de toute nouvelle acquisition ou tout nouvel apport de foncier agricole au bénéfice d'une société. Ce dispositif est la meilleure façon de répondre à l'objectif recherché. Il permettra aux SAFER d'exercer leur droit de préemption sur le foncier concerné.
En revanche, les dispositions prévues par l'article 30 B, consistant à soumettre au contrôle des structures les prises de participation ou modifications de la participation au sein d'une exploitation agricole d'une personne physique ou morale qui aboutit à ce que celle-ci exerce un contrôle effectif et durable dans cette exploitation en termes de décisions liées à la gestion, aux bénéfices et aux risques financiers, ne sont pas compatibles avec le principe constitutionnel de liberté d'entreprendre et seraient inopérantes en pratique.
En effet, l'article 30 B vise l'évolution de la répartition des parts sociales au sein de la structure qui exploite, indépendamment de tout changement de la surface exploitée, de tout changement des conditions d'exploitation (type de production sur les surfaces exploitées, emploi agricole…) ou de tout impact sur une autre exploitation agricole : seraient ainsi soumis au contrôle des structures des cas où il n'y a en réalité aucun agrandissement de la surface exploitée ni aucun changement sur le terrain. En l'absence d'une opération d'installation, d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, le contrôle des structures ne donne aucun droit de regard sur ce qui se passe à l'intérieur d'une société. Une telle disposition n'a donc pas de lien avec le contrôle des structures dont l'objectif est de favoriser l'installation, de consolider les petites exploitations agricoles en leur permettant de conserver ou d'atteindre une dimension viable, de favoriser la diversité des productions et l'emploi agricole et d'éviter les agrandissements excessifs.
En outre, une telle disposition ferait peser un risque permanent de remise en cause de l'autorisation initialement délivrée à une société, portant ainsi une atteinte grave à la liberté d'entreprendre, qui n'apparaît pas justifiée. Pour rappel, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt avait prévu une disposition permettant à l'administration de revoir pendant 5 ans une autorisation d'exploiter en cas de diminution du nombre d'emplois, que le Conseil constitutionnel a censuré dans sa décision n° 2014-701 DC du 9 octobre 2014 pour atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. Il n'y a aucune raison objective de penser qu'il en jugerait différemment pour l'article 30 B, d'autant plus qu'il ne se justifie par aucun objectif d'intérêt général, comme la diminution de l'emploi, et qu'il n'est pas limité dans le temps. La disposition prévue par l'article 30 B est donc disproportionnée par rapport à l'objectif même du contrôle des structures
Au demeurant, cette disposition serait inopérante en pratique. En effet, la loi énumère une liste limitée de cas où le préfet peut refuser une autorisation d'exploiter (article L. 331-3-1), qu'il ne serait pas possible d'étendre pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus. En pratique, un préfet qui refuserait l'autorisation d'exploiter dans les cas prévus par l'article 30 B, au simple motif qu'il y a une modification des associés ou de la répartition des parts sociales au sein d'une exploitation, ne saurait, en cas de contentieux, justifier cette décision et expliciter le motif de son refus, ce qui ferait courir un grand risque d'annulation de cette décision par le juge.
Enfin, cette disposition accroîtrait considérablement le volume de dossiers à traiter au titre du contrôle des structures, et nécessiterait une mobilisation considérable de l'administration sur les évolutions du capital social des sociétés, pour n'avoir au final aucun effet en pratique.
C'est pourquoi le Gouvernement propose de supprimer cet article.
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