Amendement N° 330 (Non soutenu)

Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique

Déposé le 4 juin 2016 par : M. Myard, M. Lellouche.

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La loi n° 80‑538 du 16 juillet 1980 relative à la communication de documents ou renseignements d'ordre économique, commercial ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères est complétée par un article 5 ainsi rédigé :

«  Art. 5. – I. Toute installation de moniteurs, dans le cadre d'une procédure initiée par une autorité étrangère, dans une société française, ainsi que la transmission aux autorités étrangères des informations qui en résulte, ne peut être autorisée que sur décision du tribunal de grande instance compétent.
«  II. – En cas de violation de cette disposition, le moniteur est redevable du paiement d'une amende de 500 000 euros. En cas de récidive, l'amende est portée à 2 millions d'euros. »

Exposé sommaire :

Cet amendement a pour objet de préciser que le juge national est seul compétent pour la mise en place d'un moniteur ou la transmission de d'informations dans le cadre d'une procédure initiée par une autorité étrangère.

La mise en place d'un moniteur sur décision d'une autorité étrangère est, en effet, une mesure d'exécution contraire à notre souveraineté.

Les poursuites diligentées par les autorités fédérales américaines – Department of justice, Doj, au pénal et Security and Exchange Commission, Sec, au civil- contre les entreprises, quelle que soit leur nationalité, du fait de leurs activités internationales, reposent sur le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA de 1977) et témoignent d'une conception du droit sans équivalent en France, fondée sur l'extraterritorialité des lois américaines. L'administration américaine a accru son activité avec la mise en œuvre de la convention de l'OCDE de 1998.

Afin d'éviter des procès extrêmement coûteux et incertains, ces poursuites aboutissent généralement à des accords transactionnels avec les entreprises ciblées, qui se traduisent non seulement par des amendes sévères mais aussi par la mise en place en leur sein d'un moniteur indépendant.

L'entreprise concernée se voit contrainte d'accueillir dans ses murs un moniteur, payé par elle, qui a pour mission de s'assurer du respect effectif des engagements contractés par l'entreprise dans le cadre de la transaction, en particulier de l'obligation qui lui est faite de mettre en œuvre un programme de « compliance » (mise en conformité avec les normes américaines) de façon à se doter d'instruments de lutte contre la corruption et éviter la reproduction des pratiques incriminées.

La désignation du Moniteur, dont la mission dure de 2 à 4 ans, est imposée par les autorités américaines.

Ce dispositif de contraintes dont l'objectif est de faire appliquer une loi étrangère sur notre territoire constitue une violation directe de notre souveraineté.

De plus, le champ d'évaluation du moniteur du point de vue de la lutte anti-corruption est très étendu ; « de nature systémique et stratégique », selon un expert, « il excède largement le champ juridique, financier et comptable. »

Chaque année, le Moniteur remet au conseil d'administration de l'entreprise ainsi qu'aux autorités américaines, au Doj et à la SEC, un rapport confidentiel sur le dispositif interne anti-corruption mis en œuvre dans l'entreprise. Il faut savoir que le moniteur, qui émane généralement d'un cabinet d'avocats américain a, par son statut, l'obligation de révéler toute information susceptible d'intéresser la procédure.

Certes, jusqu'alors, sur la base de la « loi de blocage » du 14 juillet 1980 qui interdit la transmission de données sensibles à des autorités étrangères, la France a prévu que les rapports du moniteur puissent être transmis initialement au Service de contrôle et de prévention de la corruption (SCPC), à charge pour lui d'en transmettre tout ou partie au Doj ou à la Sec : Le SCPC a été désigné à deux reprises par les services du Premier ministre dans les dossiers impliquant des sociétés françaises, mais on voit bien les limites de ce dispositif.

Les autorités étrangères ont un accès quasiment illimité aux données de toutes natures de l'entreprise, ce qui ouvre un risque évident d'espionnage économique. Le dispositif américain de lutte contre la corruption fonctionne comme une véritable arme d'intelligence économique. Le rapport de la Délégation parlementaire au renseignement de décembre 2014 a mis en exergue le risque de captation par les États-Unis d'informations sensibles par le biais du processus de mise en conformité. La transmission des données s'assimile à la recherche de preuves et doit rester dans le cadre judiciaire français.

Il convient donc de subordonner la mise en place du moniteur à la décision d'un juge français et la transmission des informations doit relever également d'une procédure judiciaire nationale.

Le dispositif prévu par le présent projet de loi qui institue un Service chargé de la prévention et de l'aide à la détection de la corruption devrait écarter les procédures initiées par les autorités étrangères. Dans le cas contraire, il apparaît nécessaire de préciser la place du juge national.

Tel est l'objet de l'amendement qui vous est présenté.

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