Déposé le 24 octobre 2016 par : M. Frédéric Lefebvre, M. Mariani, M. Marsaud, M. Aubert, Mme Grosskost.
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L'article L. 136‑6 est ainsi modifié :
a) Le Ibis est abrogé ;
b) À la première phrase du premier alinéa du III, la première occurrence du mot : « à » est remplacée par le mot : « et » ;
2° L'article L. 136‑7 est ainsi modifié :
a) Le Ibis est abrogé ;
b) Le second alinéa du VI est supprimé ;
3° L'article L. 245‑14 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les références : « aux I et II de » sont remplacées par le mot : « à » ;
b) La deuxième phrase est supprimée ;
4° Au premier alinéa de l'article L. 245‑15, la deuxième occurrence du mot : « à » est remplacée par le mot : « et ».
II. – 1° Les 1° et le 3° du I s'appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2012 ;
2° Les 2° et 4° du I s'appliquent aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter de la date de publication de la présente loi.
III. – L'ordonnance n° 96‑50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :
1° La dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 15 est supprimée ;
2° À la première phrase du I de l'article 16, les mots : « aux I et Ibis » sont remplacés par les mots : « au I ».
IV. – 1° Le 1° du III s'applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2012 ;
2° Le 2° du III s'applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1erjanvier 2012.
V. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012 soumet aux prélèvements sociaux (au taux global de 15,5 %) les revenus immobiliers (revenus fonciers et plus-values immobilières) de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France.
Les revenus fonciers sont par conséquent imposés aux prélèvements sociaux dus sur les revenus du patrimoine, à un taux de 15,5 %, et les plus-values immobilières sont imposées aux prélèvements sociaux sur les produits de placements (recouvrés à la source en pratique par l'intermédiaire des notaires), à l'instar des personnes fiscalement domiciliées en France, déjà assujetties à ces prélèvements.
Ces mesures s'ajoutent aux prélèvements déjà appliqués, s'agissant de l'imposition sur le revenu, et se sont traduites pour les soixante mille contribuables concernés par une hausse d'imposition moyenne de près de 4 200 euros.
Ces mesures, présentées au nom de l'universalité des prélèvements sociaux et de la cohérence de l'impôt, comportent nombre d'effets pervers :
En premier lieu, elles ont eu pour conséquence de taxer les plus-values immobilières – avant l'adoption d'un amendement de l'auteur de la présente proposition de loi ramenant de 33 % à 19 % leur taux d'imposition – à près de 50 %.
Depuis le 1er janvier 2014, ces plus-values demeurent toutefois taxées à un taux global de 34,5 % (19 % au titre de l'impôt sur les plus-values immobilières et 15,5 % au titre de la Contribution sociale généralisée et la Contribution pour le remboursement de la dette sociale [CSG/CRDS]), ce qui rend les investissements immobiliers en France considérablement moins attractifs que d'autres placements.
En second lieu, elles créent des risques de double imposition économique, dès lors que les revenus fonciers et les plus-values immobilières peuvent faire l'objet d'une taxation, conformément aux conventions fiscales en vigueur, dans le pays de résidence fiscale sans possibilité de crédit d'impôt ou de déduction à concurrence desdits prélèvements notamment (sans compter le coût du représentant fiscal obligatoire et définitif que doit encore supporter le non-résident non européen).
Ces mesures sont également contraires au principe d'équité. La précédente majorité avait repoussé l'idée d'un assujettissement aux cotisations sociales des plus-values immobilières des non-résidents, au motif que ces derniers ne bénéficient pas des prestations sociales financées par la sécurité sociale.
Ces mesures sont, en outre, contraires au droit européen qui subordonne le paiement des cotisations sociales au bénéfice du régime obligatoire de sécurité sociale, régime dont sont exclus les Français établis hors de France, leur protection sociale relevant du régime volontaire de la Caisse des Français de l'étranger.
Le Gouvernement a, pour sa part, soutenu que la CSG et la CRDS, bien que concourant au financement de la sécurité sociale, ne constituaient pas des cotisations ouvrant droit au bénéfice des prestations versées par les organismes obligatoires de sécurité sociale, mais relevaient de la catégorie d'« impositions de toute nature » à vocation universelle.
À maintes reprises, l'auteur du présent amendement a attiré l'attention du Gouvernement sur les risques de condamnation contentieuse qu'encourait notre pays en raison de la contrariété de cette mesure au droit européen.
Dans son arrêt du 26 février 2015, la Cour de justice de l'Union européenne (affaire « de Ruyter »), sur question préjudicielle de la Haute Assemblée, a examiné pour la première fois la question des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, au regard du champ d'application du règlement 1408/71 article 13 paragraphe 1 : ces prélèvements, décrits comme étant à vocation universelle et non contributifs, entrent-ils ou non dans le champ de ce règlement ?
Reprenant la position de l'Avocate générale Sharpston et contrairement à la position du Gouvernement français, le critère déterminant retenu est l'affectation spécifique d'une contribution au financement de la sécurité sociale indépendamment de l'existence de contreparties en termes de prestations (définition du lien pertinent et décisif de la contribution avec les lois qui régissent l'une des branches de sécurité sociale) ; le fait que les contributions ne se substituent pas aux cotisations n'est pas un critère décisif ; pas plus l'absence de lien avec l'exercice d'une activité professionnelle – voire même l'exercice d'une activité professionnelle – ou encore les modalités de collecte ou de contrôle par les autorités fiscales.
La Cour a par conséquent conclu que des contributions prélevées sur les revenus du patrimoine telles que la CSG et la CRDS, le prélèvement social et la contribution additionnelle à ce prélèvement présentent un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois françaises qui régissent les branches de sécurité sociale et relèvent du champ du règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971, les rendant incompatibles avec les dispositions communautaires, et ce, indépendamment de l'exercice de toute activité professionnelle.
Le Conseil d'État a rendu le 27 juillet 2015 sa décision à la suite de la Cour de justice de l'Union européenne et a suivi le raisonnement de la Cour du 26 février 2015. Dans cet arrêt, la haute juridiction administrative indique clairement que M. de Ruyter, salarié d'une entreprise néerlandaise et assujetti au régime de protection sociale néerlandaise, ne peut être soumis à la CSG/CRDS.
Cet arrêt confirme la thèse défendue sans relâche dans l'hémicycle, suscitant parfois l'irritation du Gouvernement.
Ce dernier avait ensuite donné rendez-vous aux contribuables lésés au rendu de la décision du Conseil d'État. Ce cernider est allé dans le m^me sens....
Le Gouvernement a toutefois, après ces deux décisions, décidé de traiter différemment les Français vivant en Europe de ceux vivant hors Europe, ces derniers étant exclus de la procédure de remboursement et demeurant toujours assujettis aux prélèvements sociaux.
Ce faisant, il a commis la même erreur que lorsqu'il a voulu maintenir des taux différenciés de taxation des plus-values immobilières des non-résidents selon leur localisation au sein de l'Union européenne (19 %) ou en dehors de l'Union européenne (33,33 %). Il aura fallu une condamnation par la Cour administrative d'appel de Paris et le Conseil d'État, puis des mois de bataille dans l'hémicycle pour que le Gouvernement finisse par accepter l'amendement n° 3 rectifié de Frédéric Lefebvre alignant à 19 % la taxation des plus-values des résidents hors Union européenne sur celle des résidents vivant en Europe.
Gagner du temps sur le dos de la justice fiscale n'est pas très digne même si je connais la situation budgétaire délicate de la France.
Il serait d'ailleurs paradoxal, après que le Conseil d'État ait estimé dans un arrêt du 20 octobre 2013 qu'il convenait en matière de taux d'imposition des plus-values immobilières d'appliquer le même taux de 19 % aux non-résidents qu'ils soient établis au sein de l'Union européenne ou en dehors de l'Union européenne, d'opérer une distinction en matière de prélèvements sociaux.
Faudra-t-il attendre une nouvelle condamnation de la France, pour les mêmes motifs que sur les plus-values, pour que la justice l'emporte enfin sur les prélèvements sociaux ?
Au demeurant, il ne fait pas de doute quant à la faculté de transposer le raisonnement du Conseil d'État et d'appliquer les mêmes critères pour admettre le remboursement des prélèvements sociaux aux résidents hors Europe (activité professionnelle à l'étranger et bénéfice d'un régime de protection sociale étranger).
En effet, il n'est pas acceptable que les non-résidents vivant en dehors de l'Union européenne se voient appliquer un régime différent de ceux résidant au sein de l'Union européenne alors qu'ils sont en matière de protection sociale dans une situation identique.
C'est pourquoi le présent amendement vise à tirer les conséquences de l'arrêt Ruyter du Conseil d'État du 27 juillet 2015 pour l'ensemble des non-résidents.
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