Déposé le 6 février 2017 par : M. Moreau, M. Hetzel, M. Le Fur, M. Lellouche, M. Morel-A-L'Huissier, Mme Louwagie, Mme Schmid, M. Wauquiez, Mme Besse, M. de Ganay, M. Dhuicq, M. Cinieri, M. Gilard, M. Frédéric Lefebvre.
I. – À l'article 370 du code de procédure pénale, les mots : « de la faculté qui lui est accordée, selon les cas, d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation et lui » sont remplacés par les mots : « et la partie civile de la faculté qui leur est accordée, selon les cas, d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation et leur ».
II. – Le 4° de l'article 380‑2 du même code est complété par les mots : « seulement, sauf en cas d'acquittement ».
III. – Le troisième alinéa de l'article 380‑11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « La partie civile peut se désister de son appel à tout moment. »
IV. – L'article 485 du même code est complété par un cinquième alinéa ainsi rédigé :
« Après avoir lu le jugement, le président ou l'un des juges avertit, s'il y a lieu, le prévenu et la partie civile de la faculté qui leur est accordée, selon les cas, d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation et leur fait connaître le délai d'appel ou de pourvoi. »
V. – Le 3° de l'article 497 du même code est complété par les mots : « , sauf en cas de relaxe ».
La victime a pendant longtemps été la « grande oubliée du procès pénal ». Toutefois, elle a acquis au cours des quarante dernières années un certain nombre de droits qui tendent à la consécration d'un véritable statut juridique à l'instar de ceux existant pour le ministère public et le mis en cause. L'exercice de son action civile devant les juridictions répressives, que ce soit par la constitution de partie civile devant le juge d'instruction ou par la citation directe devant la juridiction de jugement, permet de mettre la justice pénale en mouvement. Pour autant, des limitations injustifiées restreignent toujours l'exercice des droits de la partie civile durant le procès pénal.
L'une de ces limitations a d'ailleurs été censurée, il y a quelques années, par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 2010‑15/23 QPC du 23 juillet 2010, celui-ci a déclaré contraire à la Constitution l'article 575 du code de procédure pénale, qui prévoyait en principe que la partie civile ne pouvait se pourvoir en cassation contre un arrêt de la chambre de l'instruction en l'absence de pourvoi du ministère public. Selon les Sages, cette disposition avait pour effet : « en l'absence de pourvoi du ministère public, de priver la partie civile de la possibilité de faire censurer, par la Cour de cassation, la violation de la loi par les arrêts de la chambre de l'instruction ». La privation de l'exercice effectif des droits garantis à la partie civile par le code de procédure pénale constituait une restriction injustifiée aux droits de la défense.
La limitation la plus choquante est l'impossibilité pour la partie civile d'interjeter appel d'une décision d'acquittement ou de relaxe. La loi ne réserve en effet cette faculté qu'au parquet et à la défense. La victime peut uniquement, si elle s'est constituée partie civile, faire appel d'une décision portant sur les dommages et intérêts, c'est-à-dire sur ses intérêts civils. La partie civile n'a pas le droit d'exercer cette voie de recours quant à l'action publique. Elle est totalement tributaire de l'action ou de l'inaction du ministère public. Or, la position du parquet n'est pas toujours intelligible. Tel est le cas lorsqu'un appel n'a pas été interjeté à la suite d'un acquittement alors qu'une lourde peine avait été requise à l'audience ou lorsque, suite à une relaxe, l'appel de la partie civile a abouti à la caractérisation de l'infraction et à la condamnation du prévenu à réparer le préjudice causé.
La possibilité pour la partie civile d'interjeter appel d'une décision d'acquittement ou de relaxe s'inscrit dans le prolongement direct des droits conférés aux victimes dans le cadre du procès pénal. Le dépôt de plainte avec constitution de partie civile permet à la victime de surmonter un éventuel classement sans suite du procureur. Une fois constituée partie civile, la victime peut faire appel des ordonnances de non-lieu du juge d'instruction. Cette évolution n'est donc que la mise en cohérence de notre procédure pénale. La victime doit pouvoir surmonter l'inertie du parquet en ayant le droit de demander la tenue d'un nouveau procès. D'autant plus, que loin d'être cantonnée à la recherche d'une réparation pécuniaire, l'action ou l'intervention de la victime peut n'être motivée que par « l'établissement de la culpabilité de l'accusé ou du prévenu ».
La situation actuelle est la cause d'une profonde souffrance morale pour les victimes. Le droit de s'exprimer et de participer à l'établissement de la vérité concourt à leur reconstruction. Il est indispensable de placer la partie civile sur un pied d'égalité avec le mis en cause. La victime peut subir un second traumatisme, si, admise comme partie au procès pénal, elle se voit ensuite privée des droits reconnus à la personne poursuivie. Par ailleurs, une décision d'acquittement ou de relaxe qui ne fait pas l'objet d'un appel par le parquet signifie pour la victime que la justice ne lui reconnait pas cette qualité, voire qu'elle peut même être une menteuse. Pour preuve, l'ancien article 226‑10 du code pénal, modifié le 9 juillet 2010, établissait une présomption irréfragable de fausseté des faits résultant de la décision, devenue définitive, d'acquittement ou de relaxe, exposant la victime qui a dénoncé les faits au risque d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse.
La présente proposition de loi entend permettre aux parties civiles d'interjeter appel des décisions d'acquittement ou de relaxe. Elle a pour but de renforcer substantiellement la cohérence de notre procédure pénale et de mettre fin à une inégalité qui privilégie la défense des intérêts du mis en cause au détriment de la défense des intérêts de la victime. Si le quantum de la peine concerne essentiellement la société, la décision d'acquittement ou de relaxe concerne directement la victime. Cette dernière doit être maître de son propre destin et de la défense de ses intérêts. Elle doit par conséquent bénéficier d'un droit de recours légitime et pouvoir interjeter appel d'une décision d'acquittement ou de relaxe.
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