Amendement N° 8 (Rejeté)

(1 amendement identique : 1 )

Déposé le 6 avril 2016 par : Mme Françoise Dubois, M. Pueyo, M. Dussopt, M. Franqueville.

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Texte de loi N° TA0673

Article 16

Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à supprimer l'article 16 proposant la pénalisation générale des clients de prostitution.

Pénaliser le client risquerait de favoriser le recours à des intermédiaires, de déplacer encore plus les personnes prostituées dans des lieux où elles seraient contraintes de se dissimuler (internet, lieux retranchés, lieux clandestins où la prostitution est particulièrement organisée et donc contrainte, etc.), où elles seraient isolée, plus exposées aux violences, aux risques sanitaires (MST, IST…), et où elles perdraient le contact avec les associations d'accompagnement et de prévention qui viennent à leur rencontre.

La très grande majorité des associations de terrain qui vont à la rencontre des personnes prostituées se sont prononcées contre cette disposition (Les amis du bus des femmes, IPPO, Griselidis, Cabiria, Médecins du Monde, Aides, etc.). Tout comme la CNCDH (désignée rapporteur national indépendant sur la traite des êtres humains par le Conseil des ministres lors de l'adoption le 14 mai dernier du Plan d'action national contre la traite des êtres humains) qui s'est à nouveau opposée à cette mesure dans l'avis qu'elle a rendu le 22 mai 2014 sur la proposition de loi en avançant notamment que« la pertinence de la disposition visant à pénaliser le client semble de surcroit discutable tant elle risque d'être contreproductive. (…) On risque également d'observer une plus grande défiance vis-à-vis des forces de l'ordre et donc un moindre reflexe d'y recourir en cas de violence subie, ce qui constituerait de fait un recul du droit. Cette bienveillance paradoxale induirait donc des stratégies de contournement qui ne seraient pas sans grave incidence sur la santé et les droits des personnes prostituées (…) L'efficacité de la répression impliquera la mise en place de dispositifs de surveillance dont la nécessaire généralisation contredira évidemment les exigences d'une société libre. »

Cette disposition ne permet de différencier la prostitution contrainte et la prostitution choisie au nom de la liberté de l'individu et de son autonomie personnelle. Il apparaît plus opportun d'appliquer notre arsenal législatif et de réprimer activement les pratiques de prostitution contrainte et relevantdes crimes et délits existants dans le code pénal et le code du travail (traite des êtres humains, proxénétisme et infractions qui en résultent, réduction en esclavage, viol, travail dissimulé).

Cette disposition pose par ailleurs un problème de cohérence car on ne pourra pas concilier juridiquement le fait que la prostitution soit autorisée en France (puisqu'elle n'est pas interdite), ajouté à l'absence de sanction de tout racolage (section 2 de la proposition de loi), avec la pénalisation des clients. Si ces dispositions entraient en vigueur, il serait donc totalement permis de proposer une prestation sexuelle tarifée et d'en faire la promotion mais répondre à cette offre serait sanctionné par une contravention de 5e catégorie.

Cet amendement évite enfin le risque inconstitutionnel de l'article 16 de la présente loi. Les juridictions européennes reconnaissent en effet que le recours à la prostitution relève de la liberté de l'individu et de son autonomie personnelle dès lors qu'elle est librement exercée (Arrêts CEDH 29 avril 2002 Pretty C.Royaume-Uni et 17 février 2005 K.A et A.D contre Belgique, Arrêt CJUE du Jany 20 novembre 2001). Aussi, notre système pénal établit un lien entre sanction et interdiction. Il n'est donc pas possible de sanctionner une pratique non-interdite, comme la prostitution. Enfin, le législateur n'est pas compétent pour instaurer une contravention en vertu de l'article 34 de la Constitution qui limite le domaine de la loi à la définition des délits et des peines applicables aux sanctions pénales. Les contraventions relèvent du pouvoir réglementaire prévu à l'article 37.

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