Déposé le 10 novembre 2015 par : M. Dosière, M. Caresche.
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I de la section VII du chapitre Ier du titre II de la première partie du livre premier est complété par un H ainsi rédigé :
« H : Déclaration des achats
« Art. 289 E. – Aux fins de se prémunir contre le risque d'être impliqués dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, les assujettis déclarent par voie électronique les achats de biens ou de prestations de services réalisés auprès d'un autre assujetti dans les vingt-quatre heures de leur inscription en comptabilité au sens de l'article 286 ou de leur enregistrement dans les contrôles documentés mentionnés au 1° du VII de l'article 289. La déclaration mentionne pour chaque opération, d'une part, le numéro d'identification visé à l'article 286 ter par lequel le vendeur est identifié et, d'autre part, la base d'imposition de la livraison de biens ou de la prestation de services telle que visée aua du 1 de l'article 266 et à l'article 267. » ;
2° Le 3 de l'article 272 et le 4bis de l'article 283 sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Cette disposition n'est pas applicable si la déclaration des achats prévue à l'article 289 E a été déposée dans les conditions qu'il prescrit, sauf à ce que l'acquéreur ait été déclaré coupable d'escroquerie à la taxe à la valeur ajoutée comme auteur ou complice. » ;
3° Le 2 du B de la section I du chapitre II du livre II est complété par un article 1729 C bis ainsi rédigé :
« Art. 1729 C bis. – Le défaut de production dans le délai prescrit d'une déclaration d'achat mentionnée à l'article 289 E entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la différence entre le montant à déclarer et la première limite mentionnée au I de l'article 302 septies A. L'amende est applicable aussi lorsque la somme des achats à déclarer excède cette limite pour un même vendeur au terme d'une période de trois mois. L'amende n'est pas applicable si l'achat porte sur des prestations de services, ainsi que sur des biens dont la livraison n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle la taxe est due par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur en application de l'article 283. L'amende est plafonnée par année à 0,1 % de la somme des achats pour laquelle elle est applicable lorsque l'assujetti a mis en œuvre un dispositif de transmission des informations requises dans des conditions de fiabilité définies par décret en Conseil d'État et elle n'est pas appliquée lorsque par ailleurs il est établi que la taxe mentionnée dans la facture d'achat a été régulièrement versée au Trésor par le fournisseur. » ;
4° Le premier alinéa du 4 de l'article 1788 A est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce taux est ramené à 1 % lorsque l'opération en cause est une acquisition intracommunautaire mentionnée au I de l'article 256bis. »
II. – L'article L. 252 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Après le I est inséré un Ibis ainsi rédigé :
« Ibis. – Lorsque le procès-verbal mentionné à l'article L. 80 F fait apparaître les deux faits suivants :
« 1° la taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens dont le montant excède la première limite mentionnée au I de l'article 302 septies A du code général des impôts est devenue exigible dans les conditions prévues aua du 2 de l'article 269 du code précité sans que soit échue l'obligation déclarative prévue à l'article 287 du même code ;
« 2° le montant obtenu par application des taux prévus aux articles 278 à 281 nonies du même code, selon la nature des opérations, à la base du chiffre d'affaires ou des recettes brutes hors taxes réalisés au titre de chaque période pour laquelle aucune obligation déclarative n'est échue, jusqu'à la date du procès-verbal précité et sous déduction du total de taxe déductible dans les conditions prévues aux articles 271 à 273 septies C du même code, excède le montant de taxe sur la valeur ajoutée compris dans les factures émises durant les douze mois précédant la livraison visée au 1° ;
« et que les circonstances sont susceptibles de menacer le recouvrement de la taxe, le comptable peut dans la limite du premier montant visé au 2° procéder à la saisie à tiers débiteur de la créance dont le redevable est détenteur auprès du destinataire de la livraison à raison de celle-ci. La saisie est notifiée à l'un et à l'autre avec mention des délais et voies de recours. Elle emporte l'effet prévu à l'article L. 523‑1 du code des procédures civiles d'exécution à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée. Le comptable ne peut en demander le paiement avant que soit échue l'obligation déclarative visée au 1°. » ;
2° Au premier alinéa du II, après la référence « I », sont insérés les mots : « ou de la saisie à tiers débiteur mentionnée au Ibis » ;
3° Le III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il en va de même pour la saisie à tiers débiteur mentionnée au I bis du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle vise. »
III. – Les I et II sont applicables aux opérations réalisées à compter du 1er juillet 2016, à l'exception des 3° à 4° du I pour lesquels cette date est fixée au 1er janvier 2017.
Cet amendement a pour objet de mettre un terme à la fraude à la TVA dite « carrousel » dans les échanges intra-communautaires, ce qui générerait une recette fiscale supplémentaire d'au moins 5 milliards d'euros par an.
La fraude dite « carrousel » est un schéma de fraude à la TVA qui consiste à ne pas reverser au Trésor la TVA facturée et encaissée auprès d'une autre entreprise à la suite de la livraison de marchandises acquises en exonération dans le cadre des échanges intra-UE. Organisée pour des montants importants par des réseaux criminels, elle représente une véritable prédation sur l'activité économique au préjudice du Trésor public, mais aussi des opérateurs de bonne foi pour lesquels elle fausse gravement les conditions de la concurrence.
Les modifications proposées au Code général des Impôts constituent un dispositif d'ensemble, visant à rendre impossible de tels montages et simultanément à garantir aux redevables une meilleure sécurité juridique, tout en simplifiant certaines contraintes liées au contrôle fiscal qui deviennent alors inutiles.
Les dispositions décrites aux 1° et au 4° du I reposent sur la mise en œuvre (dans le respect de l'article 273 de la directive TVA) d'une déclaration en temps réel des achats réalisés par les assujettis à la TVA. Limitée à la mention du montant de l'opération et du numéro d'enregistrement du fournisseur, cette formalité serait ouverte à tous les opérateurs, mais ne serait de fait rendue obligatoire que pour les livraisons de biens d'un montant important (les pénalités ne s'appliquant, quand il y a lieu, qu'au-delà du seuil de 783.000 €) si bien qu'elle ne concernerait que quelques dizaines de milliers d'entreprises qui disposent toujours des moyens nécessaires dans leur système d'information.
Reçues par la direction nationale des enquêtes fiscales, ces informations immédiatement recoupées avec la base de données des assujettis tenue par ce service permettraient à l'administration d'identifier les fournisseurs dont le profil (chiffre d'affaires, immobilisations, effectifs) n'est pas cohérent avec le montant de la livraison en cause et qui sont susceptibles de disparaître soudainement en éludant la TVA facturée. Aussitôt alerté, le service local serait dès lors en mesure par l'exercice sans délai du simple droit d'enquête prévu au livre des procédures fiscales de s'assurer sur place de la nature de la transaction, et pour le cas où un doute existerait sur le reversement de la taxe d'amener le comptable des impôts à prendre les mesures conservatoires appropriées telles qu'elles sont précisées au II. Ainsi serait radicalement dissuadée toute possibilité d'action des acteurs de l'escroquerie à la TVA que l'on désigne sous le terme de « taxis ».
En contrepartie, le dépôt de cette déclaration des achats serait reconnu comme répondant aux « précautions raisonnables » que la jurisprudence demande aux assujettis de prendre pour éviter d'être impliqués dans un montage frauduleux en sorte que leur soit assurée la sécurité juridique du droit à déduction. Sous cette condition, il est donc proposé au 2° du I d'écarter a priori toute présomption de complicité objective de l'acheteur envers son vendeur telle qu'elle a été introduite aux articles 272 et 283 du CGI. Par suite, il y a lieu aussi (au 4° du I) d'alléger le montant des sanctions qui sont appliquées à défaut d'autoliquidation de la taxe déductible sur les achats réalisés auprès d'un fournisseur établi hors de France.
Pour les (grandes) entreprises concernées par la nouvelle obligation déclarative, la charge de gestion sera nulle puisque la collecte et la transmission des données s'intègrera entièrement dans le traitement dématérialisé de leurs opérations comptables. Pour leur laisser le délai nécessaire à l'initialisation du module informatique requis, il est proposé au III d'étaler l'entrée en vigueur du dispositif entre juillet 2016 et janvier 2017. Du côté de l'administration, les moyens informatiques nécessaires sont déjà disponibles pour l'essentiel.
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