Déposé le 30 novembre 2015 par : le Gouvernement.
I. – Dans le cadre d'appels de liquidité du Fonds de résolution unique liés au dispositif de financement-relais mis en place pour la période intérimaire du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2023, le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder la garantie de l'État à la Société de prise de participation de l'État ainsi qu'aux emprunts souscrits par celle-ci pour contribuer au financement de la résolution de banques françaises.
II. – Chaque appel de liquidité du Fonds de résolution unique fait l'objet d'une information des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances de la part du ou des ministres chargés de l'économie et des finances.
III. – La garantie prévue au I s'exerce en principal, intérêts et accessoires dans la limite d'un plafond en principal de 15,3 milliards d'euros, déduction faite des abondements du compartiment français du Fonds de résolution unique effectués par les contributions du secteur bancaire français.
IV. – La garantie prévue au I n'est pas rémunérée et ne s'applique qu'aux emprunts souscrits par la Société de prise de participation de l'État avant le 31 décembre 2023.
L'amendement présenté a pour objet d'accorder la garantie de l'État à la Société de prise de participations de l'État (SPPE) pour lui permettre, à l'aide d'émissions sur les marchés de titres également garanties par l'État, de financer la mise à disposition éventuelle au Fonds de résolution unique (FRU) de liquidités destinées au financement de la résolution de banques françaises dans le cadre d'un dispositif de financement-relais.
Conformément à la déclaration ministérielle de l'Ecofin (Conseil pour les affaires économiques et financières de l'Union européenne) et de l'Eurogroupe (organe informel regroupant les ministres de la zone euro) du 18 décembre 2013, et dans le contexte de création du Mécanisme de résolution unique prévu par le règlement UE n°806/2014 dit « MRU », un dispositif de financement-relais (« bridge financing ») des États membres au bénéfice du FRU doit être mis en place. Ce dispositif est nécessaire pour garantir, en dernier ressort, que le FRU disposera bien des ressources financières suffisantes pour faire face à ses missions pendant la période transitoire durant laquelle il est progressivement mutualisé et abondé par des contributions de l'ensemble des banques des pays participant à l'Union bancaire (2016‑2023).
Dès son entrée en vigueur, le 1er janvier 2016, le FRU pourra être mobilisé pour financer une procédure de résolution bancaire dans un État participant à l'Union bancaire, après que des pertes aient été imputées aux actionnaires et aux créanciers à hauteur de 8 % du passif de la banque concernée, comme cela est prévu par la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances. Les ressources du FRU alors mobilisables ne pourront être supérieures à 5 % du total des passifs de la banque mise en résolution.
Il ne disposera toutefois qu'en 2024 de l'ensemble de ses ressources (1 % du montant des dépôts couverts de tous les établissements de crédit agréés dans l'ensemble des États membres participants, soit environ 55 Mds€ prélevés sur les secteurs bancaires nationaux). En outre, la mutualisation des ressources du fonds sera progressive : le fonds sera constitué de compartiments nationaux dont la part des ressources mobilisables pour financer la résolution d'établissements de crédit situés dans d'autres États participants augmentera chaque année au rythme fixé par l'Accord intergouvernemental concernant le transfert et la mutualisation des contributions au fonds de résolution unique (accord dit « AIG », dont la loi de ratification a reçu l'accord de l'Assemblée nationale le 4 mai dernier, et les instruments de ratification ont été déposés par la France au mois de septembre 2015). Les ressources du FRU seront entièrement mutualisées à compter du 1er janvier 2024.
Afin de permettre au FRU d'assumer la mission que lui confie le règlement MRU, le mécanisme de financement-relais apportera un financement public additionnel au FRU, dans le cas où le compartiment national aurait épuisé ses ressources, et après épuisement de la part mutualisée des ressources du FRU et recours aux autres dispositifs explicitement prévus (transferts temporaires entre compartiments nationaux du Fonds, emprunts sur les marchés). Le soutien en liquidité apporté par le mécanisme de financement-relais sera ensuite remboursé par des contributions bancaires et sera donc budgétairement neutre à moyen terme pour les États membres. Un tel mécanisme est indispensable pour assurer la crédibilité du mécanisme de résolution unique, avant la mise en place d'un mécanisme de filet de sécurité commun d'ici 2024 (appelé communément le « common backstop »).
A l'issue de discussions sur la forme que devrait prendre le financement-relais, les États membres ont décidé, en accord avec le Conseil de résolution unique (CRU - agence européenne qui contrôle le FRU), que ce soutien public prendrait la forme d'une « ligne de crédit », ce qui se traduit par la mise à disposition de fonds appelables dans des délais très brefs.
En conséquence, afin que le FRU puisse être opérationnel le 1er janvier 2016, il s'appuiera sur des lignes de crédit de chaque État membre à son compartiment national. Cela représente pour la France un effort potentiel maximal de 15,3 Mds€ (montant exigible au 1er janvier 2016). Ce montant décroîtra à mesure de l'abondement de notre compartiment national par les contributions du secteur bancaire. Il sera ainsi abaissé à 12,4 Mds€ à partir de mars 2016, puis continuera à décroître chaque année, jusqu'à devenir nul en 2024.
Chaque État membre s'engage donc à fournir des liquidités au FRU dès que ce dernier en fait la demande, dans la limite d'un montant représentant au maximum la part du compartiment national non encore financée par les contributions bancaires. Les États membres disposent en principe d'un délai de quatre jours pour mettre la somme demandée à disposition. Un engagement de décaisser sous ce délai un montant pouvant atteindre 15,3 Mds€ constitue un enjeu majeur de gestion financière de l'État. Cela nécessiterait d'immobiliser un montant important de liquidités en permanence, ceci avec des conséquences négatives pour les finances publiques même lorsque les fonds ne sont pas appelés. En premier lieu, le financement de ce matelas de liquidités impliquerait d'accroître les émissions obligataires françaises, ce qui provoquerait une dégradation du ratio de dette maastrichtienne pouvant atteindre, toutes choses égales par ailleurs, ¾ de point de PIB. En second lieu, la charge de la dette serait augmentée du coût de portage de cette trésorerie additionnelle.
Pour éviter ces conséquences négatives, le dispositif suivant a été retenu : un soutien en liquidité national juridiquement engageant et des modalités permettant d'assurer la neutralité du dispositif pour les finances publiques, tant qu'il n'est pas activé, et l'absence de préfinancement d'éventuels appels sur la « ligne de crédit ». Il repose sur la possibilité d'une mise à disposition des fonds échelonnée. Le rythme agréé avec le CRU est un décaissement d'au moins 50 % de la taille du compartiment national dans les 4 jours ouvrés suivant la demande de déboursement, puis jusqu'à trois tranches de 1/6ème tous les 5 jours ouvrés. Pour la France, ceci représente, à partir de mars 2016, un montant maximal de l'ordre de 6,2 Mds€ sous 4 jours puis de 2 Mds€ ensuite par semaine. Ces engagements peuvent être assurés par la France sans préfinancement.
Toutefois, dans les circonstances exceptionnelles d'un risque de défaut immédiat d'une banque française, et seulement si la somme totale requise pour cette résolution est supérieure à 50 % de la taille du compartiment national, le CRU pourra exiger la fourniture de l'intégralité du montant de la ligne de crédit sous 4 jours ouvrés. Une clause dite d'approbation nationale permet cependant aux États de subordonner, dans tous les cas, le tirage de la « ligne de crédit » à la satisfaction de leurs obligations exécutives et/ou parlementaires éventuelles.
Il est proposé au Parlement de faire porter le mécanisme de cette « ligne de crédit » par la Société de prise de participation de l'État (SPPE), qui est une société entièrement détenue par l'État, mise en place lors de la crise bancaire de l'automne 2008, et qui avait à ce titre bénéficié de la garantie de l'État en application de l'article 6 de la loi 2008‑1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie. Pour faire face à ses engagements, cette société - dont la gestion est complétement contrôlée par l'État et entièrement dédiée à des activités pour le compte de l'État (exception in house) - bénéficierait d'un dépôt de l'État et, grâce à la garantie de l'État, pourra faire appel au marché pour lever les liquidités appelées par le FRU. Comme dans le cadre de la crise bancaire de 2008, la SPPE pourra confier un mandat à l'Agence France Trésor (AFT).
Il s'agit, sous réserve d'une obligation d'information des deux Commissions des finances, d'autoriser la SPPE à émettre avec la garantie de l'État afin de répondre à une demande de financement-relais du compartiment français émise par le Conseil de résolution unique, dans le cadre de la « ligne de crédit » octroyée par la SPPE au FRU. Cette solution présente l'avantage d'être neutre ex ante sur le solde budgétaire de l'État et sur la dette publique. Elle permet de disposer, dans notre droit national, d'un dispositif satisfaisant pleinement les exigences européennes.
Ce mécanisme sera mis en place jusqu'au 31 décembre 2023 au plus tard. Il sera remplacé au plus tard le 1er janvier 2024 par le common backstop.
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