Amendement N° 338 (Rejeté)

République numérique

Déposé le 18 janvier 2016 par : M. Gosselin.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Après l'alinéa 2, insérer l'alinéa suivant :

«  Sans préjudice de dispositions législatives ou règlementaires plus contraignantes, les opérateurs de plateformes en ligne sont également tenus d'agir avec diligence en prenant toutes les mesures raisonnables, adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de contenus et de produits contrefaisants, tels que définis aux articles L. 335-2 à L. 335-4-2, L. 521-1, L. 615-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle. »

Exposé sommaire :

Suite aux débats en Commission des Lois, et sur proposition du rapporteur, cet amendement vise à instaurer parmi les bonnes pratiques un « devoir de diligence » des acteurs de l'internet en matière de contrefaçon, dans le même esprit que celui existant pour la préservation d'autres intérêts, en matière de lutte contre la provocation à la commission d'actes de terrorisme et de leur apologie, l'incitation à la haine raciale, la pornographie enfantine ou encore les activités illégales de jeux d'argent notamment.

Il convient de relever que cette mesure :

- s'inscrit dans la ligne dessinée au niveau européen, au vu du considérant 48 de la Directive e-commerce et de la Communication de la Commission européenne pour une « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe » de 2015 notamment[1] ;

- se situe dans le prolongement de la préoccupation exprimée par le Conseil national du numérique dans son rapport remis en juin 2015 au Premier Ministre, soulignant la nécessité d'encadrer les plateformes « […] Les plateformes doivent être encadrées : des exigences de loyauté peuvent être établies pour assurer un juste équilibre entre toutes les parties prenantes »[2] ;

- est compatible avec le droit européen existant, qu'il s'agisse de la directive ou de la jurisprudence de la CJUE ;

- est conforme au droit français de la responsabilité civile ;

- respecte l'accès à l'information et la liberté d'expression dans l'environnement numérique.

Depuis son avènement, internet a transformé de manière irréversible nos moyens de communiquer, d'interagir et, pour les entreprises, de proposer des produits et des services aux consommateurs. Ces opportunités s'accompagnent toutefois de défis majeurs, comme l'amplification du phénomène de la contrefaçon grâce au développement du commerce en ligne. Le trafic s'est véritablement professionnalisé, profitant de la croissance du marché, du sentiment d'anonymat et d'impunité que confère internet et de la facilité de création et de mutation des sites.

La contrefaçon est désormais une véritable « industrie » mondiale qui porte atteinte aux consommateurs, à l'économie et l'emploi, et qui représente, via ses liens avec le financement du terrorisme, une menace pour la sécurité publique.

Malgré cela, il est fréquent que les opérateurs de plateformes en ligne – véritable portail vers l'internet pour de nombreux consommateurs – guident, le plus souvent par inadvertance, vers des contenus et produits illicites. Catalyseurs d'innovation, créateurs de fonctionnalités de grande valeur et centralisateurs d'une partie toujours croissante du réseau, les opérateurs de plateformes en ligne ne peuvent s'affranchir de toute responsabilité et doivent désormais prendre toute leur part dans cet effort collectif et se montrer vigilants.

Or, le régime juridique actuellement applicable n'est pas satisfaisant. Bien souvent les opérateurs de plateformes en ligne ne sont pas tenus de mettre en place des outils adéquats pour lutter contre ces activités illégales. A charge alors pour les seuls titulaires de droits de propriété intellectuelle et les consommateurs de rester vigilants et de signaler ces contenus.

Aussi, le projet de loi pour une République numérique constitue une opportunité d'opérer un rééquilibrage des responsabilités entre titulaires de droits et opérateurs de plateformes en ligne dans la lutte contre la contrefaçon en ligne.

A cette fin, l'obligation de moyens introduite par le présent amendement – sans préjudice des dispositions législatives ou règlementaires plus contraignantes – applicables notamment aux éditeurs de contenus en ligne – technologiquement neutre pour les opérateurs de plateformes en ligne, vise à la mise en place par ces derniers de mesures raisonnables, adéquates et proactives dans le cadre de leurs activités, pour éviter de porter préjudice aux consommateurs, aux titulaires de droits et aux tiers.

Juridiquement, cette notion doit constituer pour les opérateurs de plateformes en ligne une obligation dont le non-respect pourra être sanctionné. L'interprétation et la sanction de cette obligation reposeront in fine sur les autorités judiciaires, seules compétentes pour apprécier le caractère suffisant ou non des mesures mises en œuvre par les plateformes pour se conformer à leur devoir en fonction du rôle qu'elles jouent ou peuvent jouer dans la promotion, la commercialisation et la diffusion de produits contrefaisants.

Ce devoir de diligence respecte l'esprit du projet de loi pour une République numérique qui consacre le principe de loyauté des plateformes, qu'il est nécessaire d'appliquer tant dans leurs relations avec les consommateurs qu'avec les acteurs économiques. Il est indispensable aujourd'hui que ces opérateurs participent pleinement à la lutte contre le fléau de la contrefaçon, qui détruit en France 40.000 emplois chaque année et finance la criminalité organisée et les réseaux terroristes à l'échelle mondiale.

[1] Plusieurs mentions dans différents textes législatifs et politiques, tels que la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 (« directive sur le commerce électronique »), dans son considérant 48, le plan d'action pour les industries de la mode et du haut de gamme du 3 décembre 2013, le document de travail de la Commission européenne sur l'état de l'industrie, et la mise en place de la politique industrielle de l'Union européenne de 2014 (SWD (2014) 14/3, p. 40), le plan d'action de la Commission européenne « Vers un consensus renouvelé pour la mise en application des droits de propriété intellectuelle » (COM (2014) 0392 final, p. 6), ainsi que la Communication de la Commission européenne pour une « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe » de 2015 (COM (2015) 192 final, p. 12).

[2] CNNum, « Ambition numérique, Pour une politique française et européenne de la transition numérique », 18 juin 2015, p. 12.

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