Amendement N° 974 rectifié (Adopté)

Biodiversité

Sous-amendements associés : 991 993 995 (Adopté)

Déposé le 16 mars 2016 par : M. Chanteguet.

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Rédiger ainsi cet article :

«  I – La section 1 du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 253‑1‑1 ainsi rédigé :
«  Art. L. 253‑1‑1. – L'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits, est interdite à partir du 1er septembre 2018.
«  Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé définit, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, les alternatives à l'utilisation des produits mentionnés au premier alinéa :
«  1° Les produits phytopharmaceutiques alternatifs aux produits mentionnés au premier alinéa, adaptés à chaque usage.
«  2° Les pratiques culturales durables permettant de limiter le recours aux produits phytopharmaceutiques, qu'il s'agisse d'alternatives biologiques ou physiques ou de pratiques agronomiques qu'il serait souhaitable de développer à long terme, telles que la rotation des cultures ou la plantation de cultures pièges. »

II – L'arrêté prévu à l'article L. 253‑1‑1 du code de l'environnement est pris dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi . »

Exposé sommaire :

Seule une interdiction de portée générale des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes peut être efficace.

Le législateur doit prendre ses responsabilités en interdisant l'utilisation de ces molécules, tout en permettant à la profession agricole de s'adapter.

C'est pourquoi le présent amendement repousse la date d'interdiction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes du 1er janvier 2017 au 1er septembre 2018.

Par ailleurs, il prévoit le recours à un arrêté qui permet de fournir des réponses concrètes aux exploitants agricoles, confrontés à la brusque apparition d'un ravageur, qui pourrait compromettre leurs récoltes.

La liste des alternatives phytopharmaceutiques est déterminée sur la base d'un avis de l'ANSES, qui est compétente depuis juillet 2015 pour effectuer des études comparatives des impacts des produits dans le cadre des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et ce pour chaque usage, c'est-à-dire pour chaque culture confrontée à un ravageur donné.

A moyen et long terme des pratiques culturales durables doivent être mises en place, qu'il s'agisse d'alternatives naturelles telles que les plantes biocides, les insectes protecteurs, les filets anti-insectes (fruits et légumes) ou encore la lutte thermique (plants de vigne) ou de pratiques agronomiques telles que les rotations des cultures, la modification du calendrier du travail du sol, des semis ou de l'irrigation, ou encore le choix des variétés végétales ou de leurs associations qui permettent une défense mutuelle ou de plantations de cultures pièges.

Plusieurs centaines d'études scientifiques, réalisées dans le monde entier, démontrent l'impact des molécules néonicotinoïdes sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages mais aussi sur les invertébrés aquatiques et terrestres, les poissons, les amphibiens, les oiseaux et au final l'être humain. L'avis publié le 7 janvier 2016 par l'ANSES valide et confirme ces éléments. Il ne fait plus aucun doute que ces produits sont néfastes pour notre environnement et les premiers signaux d'alarme apparaissent sur la santé humaine. Économiquement, au-delà de la survie de la filière apicole, ce sont les services écosystémiques vitaux rendus par les pollinisateurs domestiques et sauvages et par les organismes des milieux aquatiques et des sols, qui sont en jeu.

Les conséquences de l'usage des néonicotinoïdes sont encore plus brutales que celles des autres insecticides : la toxicité (5000 à 10 000 fois supérieure à celle du DDT), la systémie (l'insecticide est transporté dans l'ensemble des tissus de la plante, qui devient une plante pesticide), la persistance dans les sols (de quelques mois à quelques années) et la dissémination dans l'eau (l'imidaclopride est par exemple passé du 50ème au 12ème rang des pesticides les plus retrouvés dans les cours d'eau français en 2013), combinées à une utilisation sur des millions d'hectares et sur de nombreuses cultures, conduisent à une contamination généralisée de tout l'environnement, et ce tout au long de l'année.

À l'initiative de la France, l'Union européenne a restreint certains de leurs usages en 2013, mais ils sont encore très largement utilisés. En France, plus d'une centaine de produits à base de néonicotinoïdes sont autorisés pour de très nombreux usages, tant phytosanitaires que vétérinaires (désinsectisation et traitement des animaux domestiques).

Les propriétés de systémie et de persistance des néonicotinoïdes font que les mesures de réduction des risques mises en pratique (par exemple les déflecteurs sur semoirs pneumatiques) ou d'interdiction partielle (Gaucho sur tournesol et maïs, ainsi que la suspension européenne de trois molécules) n'ont pas eu d'effet suffisant pour réduire l'intoxication chronique de l'environnement en raison des usages restant autorisés.

En France plusieurs interdictions sont déjà entrées en vigueur comme celle du Gaucho sur le tournesol et le maïs et celle du Cruiser sur le colza, tandis qu'en Allemagne l'enrobage de semences des céréales d'hiver est suspendue depuis 2009 et qu'en Italie l'enrobage de semences des plantes, à l'exception de la betterave à sucre, est suspendu depuis 2008.

Concernant les rendements globaux cette mesure n'aura pas d'incidence négative. De nombreuses études scientifiques constatent qu'aux USA, au Canada, au Royaume- Uni, en Italie, il n'y a pas de différence significative de rendement des récoltes de céréales et d'oléagineux traitées ou non avec les néonicotinoïdes. L'Allemagne, malgré la suspension d'enrobage de semences, est restée le second producteur européen de céréales, sans connaitre de diminution des récoltes. Au sein de l'Union européenne, le niveau de production a atteint un taux record en 2014 pour les graines oléagineuses (colza, tournesol, soja et lin), malgré la suspension de trois molécules néonicotinoïdes.

L'ensemble de ce dispositif est en conformité avec le texte de la directive européenne du 21 octobre 2009 qui oblige l'ensemble des pays européens à pratiquer la lutte intégrée contre les ravageurs, issue de dizaines d'années d'expériences sur le terrain et de recherches scientifiques. Celle-ci prévoit une surveillance préventive suivie, en cas de besoin, par des traitements agronomiques puis si nécessaire biologiques ou physiques, enfin, si cela se révèle indispensable par des traitements chimiques en ciblant ceux-ci et en privilégiant ceux qui sont les moins risqués pour l'environnement et qui minimisent la résistance des insectes.

La France peut le faire tout en respectant la réglementation européenne, elle l'a déjà fait avec l'arrêté du 19 avril 2005 ( JORF n°96 du 24 avril 2005 page 7184 texte n° 11 ) dont l'article 1er interdit « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active dénommée fipronil et des semences traitées avec ces produits ».

Le point 4 de l'article 1er du règlement n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques permet cette interdiction en prévoyant que : “ les États membres ne sont pas empêchés d'appliquer le principe de précaution lorsqu'il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l'environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire”.

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