Déposé le 13 mai 2013 par : M. Eckert.
I. – Le 1° de l'article L. 3324‑1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, l'impôt est diminué du montant des crédits d'impôt, imputés ou restitués, et des réductions d'impôt imputées afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable au taux de droit commun. »
II. – La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Le présent amendement a pour objet de revenir sur une décision récente du Conseil d'État, qui a pour effet de diminuer le montant de la réserve spéciale de participation des salariés.
En application de l'article L. 3324‑1 du code du travail, les entreprises tenues de constituer cette réserve en déterminent le montant par application de la formule suivante : R = ½ (B – 5 %C) X (S/VA), où
- R = montant de la réserve ;
- B = bénéfice net (soit bénéfice – impôt sur les bénéfices) ;
- C = capitaux propres ;
- S = salaires versés ;
- VA = valeur ajoutée.
Ainsi, si B = 100, C = 200, S = 50 et VA = 150, alors R = 15.
En application d'une doctrine constante, l'administration fiscale considérait que pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés (IS), l'impôt venant en diminution du bénéfice devait s'entendre après imputation des réductions et des crédits d'impôt, que cette imputation prenne la forme d'une réduction du montant de l'IS dû ou d'une restitution à l'entreprise. Posé dans la documentation de base (4 N 1121 du 30 août 1997, n° 39 et 43) et confirmé par rescrit (n° 2010/23 (FE) du 13 avril 2010), ce principe a été logiquement repris dans le commentaire administratif du nouveau crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). L'actualisation au 15 mars dernier du bulletin officiel des finances publiques (BOFIP) indiquait en effet que « l'impôt sur les sociétés retenu pour le calcul de la réserve s'entend […] après imputation de tous les crédits d'impôt et réductions afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable au taux de droit commun. Il en va ainsi notamment du crédit d'impôt pour dépenses de recherche […] et du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi » (BOI-BIC-PTP-10‑10‑20‑10‑20130315, n° 200 et 210).
Dans sa décision du 20 mars dernier (9ème et 10ème sous-sections réunies, Société Études et Productions Schlumberger, requête n° 347633), le Conseil d'État a jugé que l'administration fiscale avait excédé sa compétence en précisant que le montant des crédits d'impôt devait minorer le montant d'impôt à retrancher du bénéfice pour le calcul de la réserve de participation. Le Conseil a estimé que l'impôt mentionné à l'article L. 3324‑1 du code du travail « ne peut s'entendre que de l'impôt sur les sociétés, au taux de droit commun, résultant des règles d'assiette et de liquidation qui régissent ordinairement l'imposition des bénéfices ».
L'annulation de la doctrine administrative (documentation de base et rescrit) par cette décision – dont les fondements juridiques auraient pu nourrir d'intéressants débats – a une conséquence directe et négative pour les salariés, à savoir la diminution, toutes choses égales par ailleurs, du montant de la dotation à la réserve de participation. En faisant les hypothèses que, dans l'exemple précité, le bénéfice net de 100 résulte de la différence entre un bénéfice brut de 110 et un impôt de 10, et que l'impôt de 10 résulte lui-même de la différence entre un impôt « brut » de 15 et un crédit d'impôt de 5, la décision du Conseil d'État aurait pour effet de ramener le montant du bénéfice net à 95 (soit 110 – 15), diminuant en conséquence le montant de la réserve à 14,17.
Les effets de cette décision sont particulièrement dommageables dans la perspective de la montée en puissance du CICE, qui aurait dû se traduire mécaniquement par une augmentation de la participation. Car si la décision du Conseil d'État concernait au cas d'espèce le crédit d'impôt recherche, son caractère général la rend applicable à l'ensemble des crédits d'IS, dont le CICE.
La doctrine administrative ayant été annulée pour incompétence, le présent amendement vise à l'élever au niveau législatif, afin qu'elle continue d'être appliquée comme elle l'était avant la décision du Conseil d'État. Il s'agit donc de prévoir que pour les sociétés soumises à l'IS, l'impôt venant en diminution du bénéfice pour le calcul de la réserve soit lui-même diminué du montant des réductions et crédits d'impôt imputés ou restitués au cours de l'exercice. L'adoption de cet amendement permettra donc à l'administration fiscale d'appliquer le BOFIP dans sa version au 15 mars, en toute légalité. Cela permettra d'éviter de dégrader la situation des salariés.
Si l'arrêt du Conseil d'État ne concernait que les crédits d'impôt, le raisonnement sur lequel il repose est transposable aux réductions d'impôt, traitées de la même manière par la doctrine administrative. Afin d'éviter des contentieux ultérieurs, l'amendement prévoit donc un régime identique pour les crédits d'impôt et les réductions d'impôt. Il faut également signaler que la doctrine administrative fixée par le rescrit précité demeurera applicable. Ainsi, lorsque le montant des crédits d'impôt excède au titre d'un exercice le montant de l'impôt dû, la restitution qui en résulte « est susceptible de générer un impôt négatif aboutissant à une majoration du bénéfice servant au calcul de [la] réserve ».
L'amendement comporte un gage, notamment car la dotation à la réserve de participation est déductible de l'impôt sur les bénéfices. Au regard de la décision du Conseil d'État, devenue depuis le 20 mars la nouvelle base de référence permettant d'apprécier la recevabilité des initiatives parlementaires, l'amendement est donc susceptible de générer une perte de recettes publiques. Mais il s'agit là d'un raisonnement purement juridique, imposé par l'article 40 de la Constitution. En effet, la construction du budget 2013 a été faite, par définition, sans tenir compte de la décision postérieure du Conseil d'État ; l'amendement est donc totalement neutre du point de vue budgétaire et financier.
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