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Les, agressions sexuelles sont des infractions particulièrement douloureuses, difficiles à dénoncer et à l’origine de traumatismes psychologiques extrêmement lourds. Le législateur doit savoir tenir compte de ces particularités pour adapter le régime de la répression de ces infractions et faciliter l’action en justice des victimes. Je rappellerai en préambule quelques chiffres. Selon la dernière enquête de victimation de l’Institut national...
...lai de prescription est allongé de dix à vingt ans pour les crimes et de trois à dix ans, voire vingt ans pour les délits, et le point de départ de la prescription est reporté au jour de la majorité de la victime. Mais ces règles ne sont pas toujours suffisantes pour permettre aux personnes qui ont été victimes durant leur enfance d’agir en justice. Il n’est pas rare que la prise de conscience d’infractions sexuelles vécues pendant l’enfance intervienne après l’âge de quarante ans, trop tard pour permettre à la victime d’agir en justice contre l’auteur des faits. En outre, ces règles ne sont pas applicables aux majeurs, pour lesquels les délais de prescription de dix ans pour les crimes et trois ans pour les délits ne font l’objet d’aucun aménagement. Partant de ce constat, la proposition de loi d...
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la rapporteure, monsieur le vice-président de la commission des lois, mes chers collègues, nous défendons aujourd’hui cette proposition de loi car nous estimons que les agressions sexuelles ne sont pas des infractions comme les autres. Je le dirai à plusieurs reprises car il s’agit du fil conducteur du texte.
...e commencer enfin un travail de recherche de la vérité, de reconstruction et parfois de pardon, quand c’est possible. Bien entendu, nous ne remettons pas en cause le délai de prescription, qui a aussi son utilité dans notre société. Il constitue une forme de droit à l’oubli indispensable, pour certains, à la stabilité de notre société. Mais, je le répète, les agressions sexuelles ne sont pas des infractions comme les autres. Elles sont très souvent passées sous silence en raison des phénomènes d’amnésie traumatique mais aussi de leur fréquente commission dans le cadre familial, ce qui rend leur dénonciation très difficile. On imagine bien la lourde difficulté de porter plainte dans ces cas-là. C’est pourquoi les chiffres officiels dont nous disposons et dont il est difficile d’établir la fiabilité ...
... le même ! Que le délai soit de vingt ou trente ans, nous en sommes au même point et les risques sont quasiment les mêmes ! En revanche, pour les victimes, cela change tout ! La première fois que j’ai entendu parler de la proposition de loi, j’ai demandé pourquoi on s’en tenait à un allongement de dix ans. Pourquoi pas vingt ou trente de plus ? Je le répète pour la troisième et dernière fois, les infractions en cause ne sont pas de la même nature que les autres ! Personnellement je suis favorable à leur imprescriptibilité car ce qui est intolérable ne saurait bénéficier d’un droit à l’oubli. De tels crimes contre les personnes sont à mon sens du même ordre qu’un crime contre l’humanité. Il s’agit d’un crime contre un être humain, qu’il soit mineur ou majeur. Je conclurai en vous disant que, pour le...
...ment, de pouvoir déposer plainte. Je salue la volonté initiale des rédactrices de ce texte de tenter de trouver une solution juridique acceptable et je note, comme Mme la garde des sceaux l’a fait, les réelles difficultés rencontrées par le Sénat, qui a substantiellement modifié le texte initial. On est tous d’accord : personne ne peut, ici, considérer que les violences sexuelles ne sont pas des infractions graves ; personne ne peut nier qu’elles sont insupportables pour les victimes et pour la société. Personne, ici, ne va le contester, tant cela relève de l’évidence.
Les infractions sexuelles sont destructrices car elles touchent au coeur de l’intimité des victimes, qui se sentent coupables, alors même que l’auteur a souvent tendance à se victimiser. Les auteurs sont presque toujours des proches de leur proie ; ils n’ont aucun mal à instaurer un climat de confiance et les faits, qui s’inscrivent dans la durée – souvent plusieurs années –, sont rarement isolés. Comment exp...
Elle nécessite un examen global de toutes les infractions et de toutes les peines, de manière à être cohérent et intelligible pour tous les justiciables. Nous allons nous atteler à ce vaste chantier, et c’est pourquoi nous déposerons une motion de rejet de ce texte.
Oui, on a inventé la notion d’infraction continue, qui est, en elle-même, incompatible avec la notion de prescription, qu’on le veuille ou non.
On est allé très au-delà, bien évidemment, s’agissant des infractions économiques. En la matière, on va devoir m’expliquer une fois pour toutes pourquoi un abus de biens sociaux portant sur 1 000 euros est imprescriptible, alors qu’un meurtre ne l’est pas.
On voit bien que la jurisprudence a engagé un mouvement progressif en ce sens. Cela a d’abord été le cas des infractions occultes, puis des infractions complexes. La décision rendue par la chambre criminelle de la Cour de cassation la semaine dernière nourrit la réflexion et conduit à se demander comment des magistrats ont pu, in fine, arriver à dire que l’on ne pouvait pas invoquer la prescription alors même qu’elle était manifestement acquise. Relisez cette décision : les magistrats ont dû se rapporter à des ana...
...sont les plus prononcées, mais également celui où les peines privatives de liberté prononcées sont les plus lourdes, condamnations qui ne répondent cependant pas au grand nombre d’actes recensés. Néanmoins, si la loi punit sévèrement ce phénomène, il existe des délais de prescription qui éteignent l’action publique de la victime. Cette prescription varie entre trois et vingt ans en fonction de l’infraction – vous l’avez dit, madame la ministre – et ce sont là des délais qui, au regard de cette proposition de loi, paraissent inadaptés lorsque la victime souffre d’amnésie traumatique. L’amnésie traumatique est la conséquence d’une souffrance trop forte, d’un choc émotionnel qui conduit parfois la victime à refouler l’événement subi, voire à le nier. La prise de conscience peut en effet intervenir tr...
... inconscient, jusqu’au jour où ils refont surface, que ce soit à l’occasion d’une psychothérapie ou à la suite d’un événement de la vie, comme un mariage, un divorce, un deuil ou la naissance d’un enfant. Le phénomène d’amnésie traumatique étant maintenant connu des professionnels, la loi doit tenir compte de ces particularités et évoluer en ce sens, pour adapter le régime de la répression de ces infractions et faciliter l’action en justice des victimes. Cette situation particulière dans laquelle se trouvent les victimes d’agressions sexuelles, la loi en tient déjà compte, en prévoyant des règles dérogatoires en matière de prescription de l’action publique au bénéfice des victimes mineures au moment des faits. Dans ce cas, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la ...
...t sur un sujet grave et régulièrement évoqué : la prescription des crimes et délits sexuels. Cette question, très sensible et douloureuse pour les victimes et leur entourage, est en outre difficile à traiter, ce qui explique que le législateur y revienne régulièrement. En effet, nous parlons des victimes féminines et masculines d’agressions sexuelles, notamment de viols. L’extrême gravité de ces infractions est aujourd’hui unanimement reconnue et le législateur comme l’ensemble de la société doivent s’assurer qu’elles soient lourdement sanctionnées. Comme le rappelait hier Mme Lagarde lors de la séance de questions au Gouvernement, selon l’ONU, 70 % des femmes dans le monde ont été ou seront au cours de leur vie exposées à la violence en raison de leur sexe. Cette question demeure trop souvent sou...
...e forme d’imprescriptibilité dont ne relèvent, dans notre droit, que les crimes contre l’humanité. Je suis moi aussi attaché à cette proportionnalité et au maintien d’une exception s’agissant des crimes contre l’humanité. Mais j’observe également que la jurisprudence n’a cessé d’allonger les délais de la prescription, ou, plus précisément, de leur donner un point de départ glissant : je pense aux infractions instantanées à effet retardé, aux infractions continues, aux infractions répétées, aux infractions occultes ou clandestines et aux infractions qui s’accompagnent de manoeuvres de dissimulation.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la rapporteure, monsieur le vice-président de la commission des lois, mes chers collègues, cette proposition de loi présentée par les sénatrices Muguette Dini et Chantal Jouanno pose une bonne question. Je l’ai déjà dit. Quel drame pour des victimes d’infractions sexuelles, mineures au moment des faits, que de se voir opposer la prescription de l’action pénale, mais c’est bien la réponse juridique que tente d’apporter aujourd’hui cette proposition de loi qui pose difficulté. En effet, comment traiter correctement sur le plan pénal la mise en jeu de l’action publique pour une victime de viols ou d’agressions sexuelles lorsque la victime, mineure, et souve...
Les questions prioritaires de constitutionnalité sont prêtes, avec les conséquences que Mme la garde des sceaux a très justement dénoncées. Cette motion de rejet préalable a pour objet de faire reconnaître que ce texte est contraire à des dispositions constitutionnelles. En outre, il n’est plus possible aujourd’hui d’aborder la question des prescriptions infraction par infraction : une réforme d’ensemble est devenue indispensable.
...ion actuelle du droit de la prescription est devenue source de confusion et d’insécurité, à rebours du principe de sécurité juridique qui devrait prévaloir. Parmi les recommandations de la mission d’information j’ai retenu la deuxième – « Veiller à la cohérence du droit de la prescription, en évitant les réformes partielles » –, mais aussi la troisième : « Préserver le lien entre la gravité de l’infraction et la durée du délai de la prescription de l’action publique afin de garantir la lisibilité de la hiérarchie des valeurs protégées par le code pénal, en évitant de créer de nouveaux régimes dérogatoires ». Enfin, lors de l’examen de ce texte en commission des lois, le président Jean-Jacques Urvoas, au vu des explications développées, a proposé de mettre en place dans les meilleurs délais une mis...
...je souhaite revenir sur le débat qui est intervenu au Sénat au sujet de la constitutionnalité de la disposition que tend à réintroduire cet amendement. Le rapporteur du Sénat a considéré que le texte initial portait atteinte au principe d’égalité devant la loi. Je cite son rapport : « [Le principe d’égalité des justiciables devant la loi commande] au législateur de traiter les auteurs d’une même infraction dans des conditions similaires. Or, en faisant reposer le point de départ du délai de prescription sur l’évolution du psychisme de la victime, la proposition de loi aboutirait, dans certains cas limites, à une imprescriptibilité de facto des faits commis, tandis que dans d’autres, une conscientisation précoce par la victime des faits subis interdirait à la justice de poursuivre des faits identiqu...