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..., perdant ainsi son caractère familial et familier. La médecine française a fait le choix, légitime, de la performance et de la médecine qui sauve et qui guérit, mais parfois aux dépens de la médecine qui accompagne et qui soulage. Il en résulte que la médecine fait naître quelquefois des situations d’une rare complexité et qui entraînent des souffrances importantes, voire insupportables pour le patient, pour son entourage et pour la société toute entière. Qu’il soit le fruit de la culture médicale ou qu’il vise à satisfaire la demande du malade, l’acharnement thérapeutique, qualifié d’obstination déraisonnable par la loi, doit être combattu, tout ce qui est techniquement possible n’étant pas nécessairement humainement souhaitable. Enfin, malgré les progrès considérables de la médecine palliat...
...udiciaires autour de malades maintenus artificiellement en vie, ce sont ces douleurs et ces interrogations jetées sur la place publique, ce sont ces vies devenues le centre de toutes les attentions, de tous les voyeurismes. Il y a aussi des violations moins visibles, mais tout aussi insupportables, quand les médecins légitimement hésitent, quand les familles et les proches se déchirent autour de patients en fin de vie dont on tente d’interpréter la volonté, faute de directives anticipées, faute de désignation d’une personne de confiance – je rappelle que seuls 2 % de nos compatriotes ont rédigé des directives anticipées. En se saisissant de ces questions, en confiant à nos collègues Jean Leonetti et Alain Claeys le soin de produire un rapport qui doit servir de base à notre travail de législate...
Ce temps-là doit être lui aussi un temps de dignité, d’humanité. Choisir sa mort devrait être la dernière liberté. Pourtant, ce droit reste souvent refusé aux patients en phase avancée ou terminale d’une affection incurable, génératrice de souffrances intolérables et qui ne peuvent être apaisées. C’est là une atteinte à la liberté de décision du malade en fin de vie, atteinte qui n’est pas compatible avec le respect de la volonté de chacun et avec le droit de mourir dans la dignité, revendiqué dès 1978 dans une proposition de loi du sénateur Henri Caillavet. ...
...e peut se défaire ainsi de ses responsabilités. Il ne peut s’en remettre à l’appréciation, aléatoire et variable, de juridictions statuant cas par cas et coup par coup. Le droit de mourir médicalement assisté doit, bien sûr, être strictement encadré. Mais l’impératif est clair : respecter la volonté du malade ; respecter le libre choix par chacun de son destin : en un mot, respecter le droit des patients à disposer d’eux-mêmes, ultime espace de liberté et de dignité. La proposition de loi de MM Claeys et Leonetti admet ce qu’elle appelle « une sédation profonde et continue jusqu’au décès ». Mais, en réalité, quelle différence y a-t-il, quant à l’issue finale, entre une forte utilisation de produits sédatifs jusqu’au décès et le recours à des substances létales ? Comme le Pr Sicard le concède da...
...sident de la République a chargé les députés Alain Claeys et Jean Leonetti de lui remettre un rapport sur la fin de vie, assorti d’une proposition de loi qui pourrait être examinée au printemps prochain. Paradoxalement, la fin de vie est une préoccupation récente puisqu’il a fallu attendre 1999 pour qu’une loi ouvre l’accès aux soins palliatifs, loi complétée par celle de 2002 sur les droits des patients et celle de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, qui proscrit l’acharnement thérapeutique. La situation actuelle n’est cependant pas satisfaisante. J’en veux pour preuve l’étude intitulée Mort à l’hôpital, publiée en 2008, selon laquelle plus des deux tiers des infirmiers considèrent les conditions de fin de vie des personnes qu’ils soignent et qu’ils accompagnent comme inac...
...malheureusement d’une minorité. Nous connaissons tous, en revanche, le cas de personnes hébergées en EHPAD dont l’état de santé se dégrade fortement un week-end et qui arrivent in fine aux urgences pour y mourir. Près d’un Français sur quatre décédant à l’hôpital meurt dans un service de réanimation, de soins intensifs ou continus, c’est-à-dire dans un lieu où le temps manque pour accompagner le patient dans sa fin de vie. À l’inverse, seuls 20 % des malades qui meurent à l’hôpital bénéficient de soins palliatifs financés : il s’agit, dans plus de 80 % des cas, de cancéreux. Le chemin à parcourir est donc long. La première étape sera de faire évoluer le rapport à la mort et, par là même, aux soins palliatifs, de l’ensemble des équipes de soins. Le Président de la République a annoncé le 12 déc...
...éthique de la vulnérabilité, cette éthique de la vulnérabilité qui nous conduit à penser et à agir en fonction de nos fragilités et non d’une conception abstraite de l’individu. Je voudrais, pour terminer, évoquer ce point crucial qu’est la sédation préconisée par nos collègues. En effet, la « sédation profonde et continue jusqu’à la mort » va plus loin que le seul soulagement des souffrances du patient. Elle risque de nous faire basculer de la faculté de « soulager jusqu’à la mort » à celle de « donner la mort ». Les propos de notre collègue Alain Claeys, tels qu’ils ont été rapportés par un quotidien en novembre dernier, sont à cet égard édifiants : « Nous proposons la possibilité d’une sédation profonde et terminale jusqu’au décès et dans un délai non déraisonnable. » Et il ajoutait : « Pour...
...sujet de conscience. Il s’agissait, conformément à l’engagement pris par François Hollande pendant la campagne électorale, de définir le droit à une assistance médicalisée en vue de terminer sa vie dans la dignité. Qu’on y soit favorable ou non, force est de reconnaître que ce rapport comporte deux avancées majeures. La première vise à garantir le respect des décisions du malade, en plaçant le patient, et non plus le médecin, au coeur du dispositif. En effet, dans l’état actuel du droit, les directives anticipées ne s’imposent pas au corps médical. Elles auront désormais un caractère contraignant : c’est la première avancée. La seconde, c’est l’apaisement des souffrances par la sédation profonde et continue jusqu’à la mort. C’est une réponse. En conscience, elle me semble positive mais insuff...
...réconise malheureusement de graver dans le marbre. L’exposé des motifs de cette loi de 2005, confirmé par une décision du Conseil d’État, introduisait déjà l’idée que l’alimentation et l’hydratation par voies artificielles devaient être considérées comme des traitements et non comme des soins. Ce choix n’est pas anodin car les traitements, contrairement aux soins, peuvent être interrompus si le patient en a émis le souhait ou si le médecin l’a décidé après concertation collégiale. Dans l’affaire Vincent Lambert, c’est ce point ambigu de la loi Léonetti qui a été exploité pour autoriser la mise à mort du patient tétraplégique. On ne peut moralement accepter que nourrir quelqu’un soit considéré comme une obstination médicale déraisonnable. Jusqu’où ira demain cette logique infernale ? Une perso...
Le dernier rapport en date, celui de MM. Clayes et Léonetti, ne suggère pas directement l’euthanasie mais la proposition de loi à venir fait pourtant un pas en avant feutré vers une telle pratique en généralisant la sédation dite « profonde et continue » sur simple demande du patient et non plus comme ultime recours après décision collégiale. Cette sédation terminale sera obligatoirement associée à l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation pour ne pas, je cite, « prolonger inutilement la vie ». Une fois de plus, comment définir juridiquement l’utilité d’une vie humaine ? Faut-il associer cette notion d’utilité à celle de dignité citée plus haut ? Les efforts législatifs ...
De quel droit un médecin a-t-il légitimement droit de vie ou de mort sur ses patients ? Pour preuve de cette hypocrisie, la remarque des deux députés auteurs du rapport justifiant la reprise dans le texte de la décision du Conseil d’État cité plus haut. Je cite : « Nous ne pouvons que reprendre le sens de cette décision qui devrait contribuer à mettre fin à des pratiques malheureusement encore répandues de sédation avec maintien de la nutrition, ou, plus souvent encore, de l’hyd...
...s mais qui ont l’espoir de guérir ! Comment nos lois peuvent-elles utiliser les termes d’acharnement thérapeutique ? Ensuite vient la culture palliative, qui est aujourd’hui fondamentale. Or, elle n’a jamais été enseignée suffisamment et les unités de soins palliatifs ne sont pas assez nombreuses. Il est pourtant nécessaire, et même fondamental, pour nous autres médecins, de pouvoir offrir à un patient ou à une patiente en fin de vie une place dans une unité de soins palliatifs. Aujourd’hui, seuls 2 % des patients en fin de vie ont accès à une unité de soins palliatifs. Il faut absolument les développer. J’en arrive à la question des directives anticipées. Il importe évidemment que chacun puisse donner de telles directives lorsqu’il est en bonne santé. Mais ces directives sont-elles impérative...
...onsensus, même si certains voudraient aller plus vite et plus loin. L’ensemble de ces éléments est pris en compte dans la proposition de nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti, à laquelle je souscris, à quelques nuances près. Ces nuances, la maturation en commission permettra sans doute de les effacer, s’agissant en particulier de la prise en compte de l’attitude, et bien sûr de la parole du patient, au cours des dernières semaines. Les mesures proposées dans ce texte sont équilibrées et respectueuses. Le droit à une sédation profonde et continue, associée à l’arrêt des traitements, permet d’assurer une mort apaisée et sans souffrance. La mise en place, dès 2015, d’un plan triennal pour les soins palliatifs répond à une attente et à un besoin. Ce besoin est aujourd’hui rendu urgent par l’ar...
La sédation terminale est pratiquée aujourd’hui, comme chacun sait. Il s’agit toujours d’une décision, d’un choix, d’un dialogue difficiles, entre le patient, son entourage et le médecin. Faut-il, et jusqu’où, préciser et expliciter les choses ? Jusqu’à quel point faut-il préciser le droit ? Et à quel moment considère-t-on que nous sommes dans des matières humaines si délicates que c’est au patient, quand il le peut, à son entourage et à son médecin que revient l’ultime responsabilité ? Quel est exactement le droit du malade ? Parle-t-on d’ailleurs i...
..., je reste très attaché à la loi Leonetti de 2005 – et je salue évidemment son auteur présent dans l’hémicycle. C’est une loi qui me paraît équilibrée, qui vise à prendre en compte l’ensemble des situations de fin de vie en proscrivant l’obstination déraisonnable. Elle autorise déjà l’arrêt des traitements dans l’intention de soulager, même lorsqu’une telle intervention risque d’abréger la vie du patient ; c’est ce que l’on a appelé la doctrine du « double effet ». Elle prévoit aussi déjà une sédation d’accompagnement encadrée. Cet attachement à la loi Leonetti a été rappelé dans le rapport rendu par le Professeur Sicard en 2012 et par le CCNE dans son avis de juin 2013. Dès lors, parce que c’est une loi équilibrée, il me semble que les dispositions qu’elle prévoit, les mesures qu’elle autorise,...
... pourraient faire l’objet de discussions, puis de compléments à un texte dont la nature consensuelle ne sera pas remise en cause. L’Assemblée nationale et le Sénat, inspirés par un esprit de raison, de pragmatisme et d’une laïcité si importante dans notre pays, trouveront le chemin de l’élargissement du droit et des libertés. Le respect de la volonté individuelle primera sur le désir d’imposer au patient un point de vue extérieur à sa personne. L’hétérogénéité des pratiques ne sera plus dictée par les différences de philosophie entre les médecins, mais par les choix individuels des patients. Idéalement, il ne devrait plus rester de situations où des mesures sont prises en catimini faute d’avoir été anticipées et prévues par la loi.
À titre personnel, comme beaucoup de médecins, je serai soulagé et fier d’exercer mon activité au service des malades et selon leur volonté, à toutes les phases de leur vie et de leur mort, sans avoir à rechercher des subterfuges ou des solutions hypocrites. Ceux qui, comme moi, ont affronté les agonies douloureuses des jeunes malades du sida dans les années quatre-vingts, des patients cancéreux ou des enfants atteints de maladies mortelles partageront, j’en suis sûr, ce voeu d’apaiser et de préserver la dignité du patient jusqu’à la fin de sa vie.
... qu’on peine à imaginer, qu’on ne peut, par définition, expérimenter ? Comment imaginer les circonstances dans lesquelles on se trouvera au point d’être capable de préciser aux personnes qui s’occuperont de nous ce qu’il faudra faire dans tel ou tel cas ? Et d’ailleurs, comment imaginer ce que seront ces cas ? C’est impossible ! Et l’on voudrait que, sur cette base, les équipes qui entourent les patients prennent des décisions et respectent les volontés exprimées par eux, à supposer qu’elles aient été déclinées de manière complète ? Cela vise sans doute à faire en sorte que la responsabilité qui repose aujourd’hui majoritairement sur le corps médical soit, d’une certaine façon, transférée vers le patient. J’y vois le signe d’une volonté de la part du corps médical non pas de se défausser, car ch...
... tout à l’heure en tant que médecin avec beaucoup de clarté – entre, d’une part, devoir utiliser pour lutter contre la douleur des doses de morphine si élevées qu’elles entraînent un arrêt cardiaque et, d’autre part, l’article 3 de la proposition de loi de nos collègues, qui dispose que la sédation terminale ne peut être dispensée qu’accompagnée d’un arrêt de l’alimentation et de l’hydratation du patient. On comprend bien qu’il ne s’agit plus seulement de soulager la douleur du patient et que le but est de provoquer son décès. Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur Jean Leonetti, ce que nous craignons, c’est la rupture d’une digue, rupture qui mènerait directement au suicide assisté. Philippe Pozzo di Borgo, dont l’histoire a inspiré le film Intouchables, implore ainsi notre société de ne pas...