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...n en Syrie, où nous aurions été conduits à violer la Charte des Nations unies, c’est-à-dire le droit international, pour réprimer des crimes commis contre ce même droit, je n’ai pas agi différemment. Avec ce projet de loi de programmation militaire, je vous interpelle sans esprit partisan, mais avec gravité et responsabilité. Nous célébrerons bientôt le centenaire de la Grande Guerre. En 1914, l’armée française pouvait aligner un soldat tous les dix mètres de Nice à Dunkerque. Aujourd’hui, et dans le même dispositif, les soldats iraient simplement de la porte Maillot à la porte de la Chapelle.
Il serait évidemment absurde d’en déduire que nous avons collectivement baissé notre garde. Les menaces ne sont plus les mêmes. Mais la seule question qui vaille est de savoir si nous ne sommes pas en passe d’aller en deçà de ce qui est nécessaire pour garantir notre sécurité et notre influence sur la scène internationale. L’armée de conscription a disparu et, avec elle, cette armée à deux vitesses : l’une immobile face à l’Est, l’autre active sur les théâtres d’opérations extérieures. Elle a disparu après avoir rendu le service que la nation attendait d’elle et que l’on a, à mon sens, un peu trop tendance à oublier. Pendant quarante ans, ses cadres, ses hommes ont, en complément de la force nucléaire, tenu un rôle indisp...
Nous avons eu l’abstention des politiques quant à la conduite des opérations, puis leur désir de s’en mêler. Nous avons vu les chefs d’état-major d’armée encouragés à se montrer indépendants, puis placés aux ordres du chef d’état-major des armées, puis à nouveau partiellement libérés de sa tutelle. J’ajoute qu’il me semble tout à fait regrettable que les chefs militaires ne restent pas assez longtemps dans leurs fonctions pour concourir à l’élaboration et à la poursuite d’une politique de défense crédible.
La simple lecture de l’annuaire montre que si le chef d’état-major des armées réunissait ses vingt subordonnés les plus importants, il aurait affaire à des hommes dont la durée prévisible dans leurs fonctions ne dépasse guère seize mois. Aucune organisation n’est capable d’innover dans ces conditions, qui, même chez des personnels aussi naturellement dévoués, peuvent assez logiquement susciter la prudence ou l’attentisme. Je tiens, monsieur le ministre, pour une erreur d’...
Mais l’essentiel se trouve au-delà des textes. Tant que les armées n’auront pas trouvé le moyen de travailler ensemble à l’élaboration de la politique de défense du Gouvernement, tant que chacune d’elle continuera d’élaborer à part ses modèles capacitaires pour se tourner, ensuite, vers le pouvoir politique comme vers une instance d’arbitrage, nous continuerons d’assister au spectacle d’aujourd’hui, qui dure depuis si longtemps : une compétition militaire et in...
...e qui demeure profondément instable, il accompagne le déclin militaire de la France d’une série d’arbitrages mal pensés. Je ne reviendrai pas longuement sur le contexte stratégique qui a déjà été décrit par deux Livres blancs successifs. Ce contexte est marqué par un paradoxe : les menaces demeurent très réelles, mais leur perception s’est considérablement affaiblie. Les raisons de disposer d’une armée forte sont, en effet, bien moins nettes qu’autrefois : il n’y a plus de menaces à nos frontières ; l’Europe est installée dans une paix, en tout cas une paix militaire, durable – c’est d’ailleurs pour cela qu’a été voulue l’Union européenne et c’est pour cela qu’il faut la poursuivre et la renforcer ; le recrutement de nos armées ne se fait plus par le moyen de la conscription. Mais en même temps...
...’effort européen, à condition de garder en mémoire quelques vérités de bons sens. D’abord, rien ne sera possible avant que la France n’ait rétabli sa position et son crédit par une véritable politique d’assainissement budgétaire et de compétitivité économique. Ensuite, la politique européenne de défense dépendra de la capacité propre de la France à financer de manière sérieuse l’une des dernières armées efficaces d’Europe. Sur ce point, la loi qui nous est soumise nous éloigne, à mon sens, de l’objectif plutôt qu’elle ne nous en rapproche. Enfin, lorsque le temps viendra, des projets plus ambitieux pourront être mis en oeuvre, notamment dans le domaine de la mutualisation de certaines forces aériennes ou maritimes, qui sont mutualisables par nature, et pour lesquelles l’opération Atalante offr...
Un simple chiffre est révélateur. Aux termes de la loi de programmation militaire, l’armée de terre sera capable de projeter 66 000 soldats en opérations, soit moins que les recrutements supplémentaires prévus de 2013 à 2017 dans l’éducation nationale.
On relèvera d’ailleurs que les 34 000 postes supprimés représentent le tiers des créations d’emplois d’avenir proposés aux jeunes de moins de 25 ans, lesquels constituent pourtant le vivier de recrutement de nos armées.
Pour nombre de jeunes, l’armée représente l’occasion d’une deuxième chance, l’acquisition de valeurs dont les circonstances de leur vie les ont privés jusque-là. Beaucoup de soldats sont issus de ce que l’on nomme aujourd’hui la diversité, et trouvent dans les armées un lieu où ils seront enfin jugés, non pas sur leurs origines, mais sur leurs talents et leur courage. On ne peut pas clamer son amour de la République et sa volo...
Ce qui est troublant, c’est que la rigueur budgétaire ne porte en définitive que sur ceux dont on est assuré qu’ils ne s’en plaindront pas. Car c’est ainsi qu’est notre armée : engagée partout depuis vingt ans, payant le prix du sang, assumant avec discipline réforme après réforme, pour finir par se voir ronger en silence à partir des bords, sans protestation ni murmure.
L’armée de terre ne compte plus que 66 000 soldats projetables. Cet effectif est à comparer à celui des 66 000 agents civils du ministère. Il ne s’agit pas seulement d’iniquité dans la répartition des efforts nécessaires, il s’agit aussi d’inefficacité.
À un moment où les compétences requises pour le soutien et l’engagement d’une armée de haute technicité sont plus nombreuses et plus variées, l’encadrement des armées est faible, en tout cas au-dessous de la moyenne des armées comparables. Quant à l’encadrement de haut niveau, contrairement à une légende souvent colportée, il est maigre. Les militaires de la catégorie A + représentent 0,4 % de la population totale des militaires, ce qui est notoirement insuffisant.
À terme, c’est tout autant le déclassement qualitatif que le déclassement quantitatif qui menace nos armées.
Il me faut ici insister avec la plus grande fermeté sur la misère opérationnelle que rencontrent parfois les armées françaises en mission.
...nement dans les unités qui ne sont pas en opérations. Le taux de disponibilité des matériels terrestres est réduit à 49 %, alors qu’il avait été fixé à 69 % dans la programmation. Ce même taux est de 45 % pour les hélicoptères de manoeuvre, de 56 % pour les frégates, de 30 % pour le porte-avions, de 50 % pour les Rafale marine. Le temps d’entraînement est limité à quatre-vingt-trois jours dans l’armée de terre, à quatre-vingt-huit jours de mer dans la marine, à cent cinquante heures de vol pour les pilotes, alors que la norme minimale de l’OTAN prévoit cent quatre-vingts heures.
Moins d’hommes encore, moins d’équipements encore, mais toujours les mêmes missions. Ne vous y trompez pas : ce qui se profile à l’horizon de cette loi, c’est une armée à la limite de la rupture, où le dévouement des militaires ne pourra éternellement suppléer l’usure des équipements ou l’entraînement lacunaire.
Par ailleurs, je tiens que la loi de programmation militaire est susceptible, par l’importance des ajustements budgétaires qu’elle prévoit, de faire obstacle à l’exercice plein et entier par le chef de l’État de ses prérogatives de chef des armées. Enfin, elle méconnaît les droits du Parlement, dans la mesure où notre assemblée n’a pas été informée avec toute la précision nécessaire des décisions de fermeture de garnisons ou de régiments qui en seront la conséquence inévitable.
Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 est sans surprise, à l’image du Livre blanc de la défense 2013 : un mauvais Livre blanc donne une mauvaise loi de programmation militaire. Cette loi acte une armée à deux vitesses : d’un côté une force d’interventions extérieures, qui bénéficie de toutes les attentions financières, et, de 1’autre, le reste de l’armée, qui doit se contenter de la disette budgétaire. Il s’agit de privilégier les besoins stratégiques de l’OTAN, au détriment de la protection du territoire national. La « sanctuarisation » de la force nucléaire ne constitue en aucun cas une répo...