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Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons, aujourd’hui, la proposition de la loi constitutionnelle visant à ratifier la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Ce texte a été adopté le 5 novembre 1992 par le Conseil de l’Europe et soumis à la ratification de ses États membres, à l’époque au nombre de vingt-six, aujourd’hui au nombre de quarante-sept, dont les vingt-huit membres de l’Union européenne. L’article 2 de la Charte indique que chaque partie s’engage à appliquer un minimum de trente-cinq paragraphes ou alinéas – l...
...itique lorsqu’elles vous donnent tort. Vous ne reculez, il faut le reconnaître, devant aucune contradiction. Vous parlez de « la pauvre Charte si inoffensive dans son contenu », vous la dites dépourvue de tout caractère contraignant sur le plan juridique, mais vous nous demandez de l’inscrire dans la Constitution après avoir pourtant dit, à propos de l’article 75, alinéa 1, qui dispose que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » je vous cite : « comment pouvons-nous tolérer l’idée qu’il existe dans la Constitution des dispositions sans portée normative, purement déclaratives, voire décoratives ? » C’est sans doute parce que vous considérez que cette « pauvre Charte », comme vous l’appelez, n’a aucune portée normative, que, contredisant la décision du Gouvernement de...
Modifions la Constitution, ratifions la charte et les juridictions nationales seront tenues de faire respecter le « droit imprescriptible à pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique » énoncé par le préambule de la charte !
...ule. Aucun juge européen ne pourra jamais s’appuyer sur la charte pour condamner la politique linguistique française, nous dites-vous, monsieur le président de la commission. Mais comment pouvez-vous le garantir ? Qui vous dit qu’un jour la Cour européenne des droits de l’homme, saisie sur la base de l’article 14 de la convention européenne des droits de l’homme pour discrimination fondée sur la langue, ne se référera pas aux dispositions de la charte et à ce fameux droit imprescriptible qui sera reconnu dans nos engagements internationaux et notre droit national ? Qui vous dit que les juges de la Cour européenne des droits de l’homme n’en feront pas un élément décisif de leur appréciation ? Si ce cas de figure en vérité hautement probable se produit, raison pour laquelle vous vous obstinez à ...
... avons heureusement redécouvert grâce aux médiévistes les beautés et les grandeurs admirables du Moyen-Âge. Est-ce une raison suffisante pour vouloir y retourner ? Est-ce la nouvelle définition de la modernité ? Comment des responsables politiques prétendument progressistes peuvent-ils caresser un tel rêve ? On peut les aimer un peu plus jacobins ou un peu plus girondins, mais avec la charte des langues régionales et minoritaires, nous n’en sommes pas là. Nous ne débattons pas non plus de la question de savoir si nous sommes pour ou contre les langues régionales, question absurde ! La question posée est bien plus profonde. Comment, devant le texte proposé, ne pas dire mon étonnement à voir une partie de la gauche et de l’extrême gauche du XXIe siècle reprendre les arguments et les combats de l’...
...’en souffrira pas et que l’unité nationale ne sera pas affectée, monsieur le président de la commission. Vous évoquez le livret de famille bilingue comme une anecdote insignifiante. Le croyez-vous vraiment ? Autant sans doute, à vos yeux, l’obligation de dispenser à ceux qui le demandent, s’ils sont assez nombreux, « une partie substantielle de l’enseignement primaire, secondaire et supérieure en langue régionale ou minoritaire ». Insignifiante aussi, sans doute l’interdiction dans les règlements internes des entreprises des clauses excluant les langues régionales et minoritaires ! On se bat contre l’anglais et les langues régionales vont devenir les langues de travail ! Après nous avoir jeté à la figure les impératifs de la mondialisation pour dénoncer l’usage du français, nous jettera-t-on à ...
Et combien peuvent encore entendre quelques vers de Corneille ou de Racine ? À combien d’enfants sommes-nous encore capables de faire partager ces immenses trésors ? Vous affirmez que l’on sauvera le français en sauvant le breton, le basque et le provençal, monsieur le président de la commission. Il faut les sauver, certainement, mais ce qui me gêne, c’est que le français n’est pour vous qu’une langue parmi d’autres, comme la nation n’est qu’une collectivité parmi les autres entre la région et l’Europe !
« S’il y a eu en Europe », dit Lucien Febvre, « une langue qui passe pour refléter exactement l’esprit du peuple qui l’emploie depuis des siècles, en l’adaptant chaque fois à des besoins nouveaux, c’est bien notre langue, langue difficile, langue originale, travaillée dans le sens de la clarté et de la logique par des milliers d’écrivains qui en ont fait à la fois un moyen singulièrement précis d’expression des idées et une sorte de musique harmonieuse e...
Vous regardez l’histoire de nos provinces comme si c’était une histoire coloniale. Mais à quelles colonies pensez-vous ? Toutes les provinces sont dans l’État, dans l’administration, dans le Gouvernement – y compris dans le vôtre – comme toutes nos langues se sont fécondées entre elles et vivent dans le français. Peut-être Michelet exagérait-il un peu quand il disait : « les provinces françaises se sont comprises et se sont aimées ». Mais il y a plus de vérité dans cette affirmation que dans votre histoire de provinces colonisées. Vous voulez la reconnaissance juridique de minorités linguistiques sur des territoires. Mais quels territoires ?
Comment tracer des frontières exactes, alors que l’historien peine à dessiner l’exacte frontière entre la langue d’oïl et la langue d’oc et doit concéder l’existence entre les deux d’une vaste zone médiane « aux limites variables et aux cicatrices multiples ». Et de quelles langues s’agit-il, au fait ? Car avec la ratification il faudra en dresser la liste. Lesquelles retiendrez-vous ? Vous devez avoir lu le rapport Cerquiglini commandé par M. Jospin, puisque vous le citez dans l’exposé des motifs.
Il recense 75 langues régionales et minoritaires. Il y a les vieilles langues de nos provinces. Il y a aussi le berbère, l’arabe dialectal, le yiddish, la langue des Tziganes, l’arménien occidental.
Il faudra peut-être y ajouter le chinois, le turc et d’autres encore, parlées par des groupes de locuteurs nombreux. Au nom de quoi toutes ces langues seraient-elles exclues ? Si elles le sont, il se trouvera toujours quelqu’un, un jour, un groupe, une communauté, pour porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme – j’y reviens. Si vous n’incluez pas une langue, il y aura discrimination par la langue, puisque les uns auront des droits que les autres n...
...rités, que la France n’a pas non plus ratifiée. Mais vous les confondez vous-même quand vous affirmez dans l’exposé des motifs que depuis 1993, la ratification de la charte est obligatoire pour tout État qui veut adhérer à l’Union européenne. Or, c’est la convention-cadre qui est obligatoire, pas la charte. Cette confusion n’est-elle pas révélatrice de quelques arrière-pensées ? Le trésor de nos langues régionales mérite-t-il d’être sauvé ? Oui, mais pas comme cela, pas en détruisant le creuset français, l’assimilation républicaine, l’exception française. Pas en prenant le risque d’affaiblir encore la langue magnifique avec laquelle le génie français parle au monde. Pas en mettant en cause les principes qui fondent notre pacte national. Vous dites que l’on peut toujours changer la Constitution...
...trepris la destruction systématique de toutes les institutions qui nous permettent de vivre ensemble et vous refusez toujours de discuter des conséquences ! Mes chers collègues, à tous ceux qui se parent des beaux mots de républicains et de patriotisme, je dis : « Ressaisissez-vous ! » Abandonnons cette voie funeste que vous tracez et mettons-nous au travail ensemble pour sauver le patrimoine des langues régionales ! Il y a bien longtemps, un comédien français qui avait quitté la Comédie française pour aller jouer, en Provence, Mistral en provençal, m’a raconté cette histoire qui m’a profondément marqué. Il avait invité un jour ses amis Robert Wilson et Gérard Philippe à assister à une représentation de Mireille, en provençal. À la fin, il leur a demandé s’ils avaient compris quelque chose. Ils...
... Vous avez tenté de démontrer devant l’Assemblée nationale à quel point notre démarche vous paraissait dangereuse, le risque étant, selon vous, celui d’une déconstruction de la République. Je ne répondrai pas à cette argumentation, si ce n’est en soulignant que notre intention figure pourtant au coeur même de ce que nous avons écrit. Nous pensons, comme Mme la ministre l’a très bien dit, que les langues sont une richesse,…
...inq, dix ou vingt ans. Peut-être, mais pour le moment, en droit positif – et Dieu sait qu’il y a eu nombre de contentieux dans ce domaine –, jamais la CEDH n’a reconnu la charte, et il n’y a pas de raison que cela change. Enfin, vous voudriez nous faire croire que la République est menacée par l’adoption de cette « pauvre charte ». Mais je vous rappelle que la République s’est construite sur les langues régionales. Sur les 26 millions de Français que l’on comptait en 1789, combien parlaient le français ?
En 1848, monsieur Guaino, au moment de la Deuxième République, combien de citoyens français parlaient le français ? Je vais vous le dire : sur 38 millions de Français, 9 millions ne parlaient pas un traître mot de cette langue !
Pour une fois que l’Union européenne lance un message fort pour la construction d’une Europe des peuples ! La langue, c’est le dialogue, c’est l’échange, c’est la communication.
Vous avez évoqué, cher collègue Henri Guaino, une liste de 175 langues parlées sur le territoire métropolitain et d’outre mer ; c’est une richesse. Cette Europe des peuples, nous la voulons.