Intervention de André Vallini

Réunion du 7 juin 2016 à 17h00
Commission des affaires étrangères

André Vallini, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie :

Madame la Présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner l'occasion de venir vous exposer le bilan des premiers mois de mon action au secrétariat d'État au Développement et à la Francophonie. Je commencerai par vous parler de l'aide publique au développement, avant d'aborder la question de la crise migratoire et de conclure en évoquant la francophonie.

Je vous le dis tout net : la France ne fait pas assez en matière d'aide au développement, avec 8,3 milliards d'euros consacrés à cette mission en 2015. Si, grâce aux parlementaires, la baisse du budget de l'aide française au développement, constatée depuis 2010, a été stoppée fin 2015, pour le budget 2016, nous restons très loin de l'engagement – réitéré lors de la conférence d'Addis-Abeba en 2015 – auquel ont souscrit de nombreux pays développés de consacrer 0,7 % de leur RNB à l'aide au développement. Au sein de l'Union européenne, le Royaume-Uni y consacre 0,71 % de son PIB : ce pays, à qui nous donnons volontiers des leçons en matière de solidarité, a même inscrit l'objectif de 0,7 % dans la loi en mars 2015 à l'initiative de David Cameron. Le Danemark est à 0,85 %, la Suède à 1,1 %, et les Allemands à 0,52 %.

Pour sa part, la France est à 0,37 % pour 2016, ce qui n'est pas suffisant. En septembre 2015, le Président de la République a donc annoncé qu'à partir de 2020, la France allait augmenter ses financements annuels pour le développement de 4 milliards d'euros sous forme de prêts et de 370 millions d'euros sous forme de dons. L'AFD va donc augmenter ses activités de prêt de 50 % dans quatre ans, en passant de 8 milliards d'euros à 12 milliards d'euros, au bénéfice des pays en développement, ainsi que de la lutte contre le dérèglement climatique, à laquelle la moitié des 4 milliards d'euros seront réservés, notamment pour financer des projets autour du lac Tchad et au Sahel.

Pour mettre en oeuvre ces engagements, l'État triplera les fonds propres de l'AFD, qui s'élèvent aujourd'hui à 5,6 milliards d'euros, afin de lui permettre de respecter les règles prudentielles de Bâle III relatives à la solvabilité et à la répartition des risques sur plusieurs emprunteurs. Plusieurs mécanismes seront mobilisés pour renforcer ces fonds propres. Ainsi, des prêts consentis à l'AFD par l'État sous forme de ressources à conditions spéciales (RCS) seront transformés en capital ; l'Agence pourrait également mettre en réserve une part importante de son résultat net – environ 80 %. Par ailleurs, une contribution de 500 millions d'euros de la Caisse des dépôts a été évoquée. Ces éléments feront partie de la discussion qui aura lieu au Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017 – la question ne pourra être débattue avant, puisqu'il n'y aura pas de loi de finances rectificative cette année.

Vous avez voté en 2014, à l'initiative de Pascal Canfin, une loi portant réforme de notre politique de développement. C'était la première fois qu'une loi d'orientation et de programmation permettait de débattre au Parlement des priorités de la politique française de développement. Elle est désormais mise en oeuvre, et nous tiendrons à l'automne un nouveau Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), dont l'un des objectifs consistera à intégrer pleinement les dix-sept Objectifs de développement durable (ODD), ainsi que l'Accord de Paris sur le climat, dans notre politique de développement. Ce comité interministériel devra aussi définir ce que nous souhaitons faire des financements additionnels pour le développement annoncés par le Président de la République – les 4 milliards en prêts et 370 millions d'euros en dons que je viens d'évoquer.

Vous m'avez interrogé, Madame la Présidente, sur l'allocation géographique et sectorielle de ces ressources supplémentaires : ces points seront discutés en amont du CICID avec les ONG et nos partenaires habituels, et le Parlement sera également consulté. Cela dit, des engagements ont déjà été pris : comme je l'ai dit, deux milliards d'euros seront affectés à la lutte contre le changement climatique, et il reste donc deux milliards à répartir sur les autres programmes de développement.

J'ajoute que nous avons déjà fixé dans la loi de 2014 le principe de partenariat différencié, puisque l'allocation des ressources et la détermination des instruments publics utilisés doivent tenir compte des besoins des pays partenaires, de leur évolution, de leurs capacités d'absorption et de l'impact attendu de l'aide que nous leur apportons. Pour ma part, je souhaite que la France renforce autant que possible son soutien aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables, notamment en faveur de l'éducation en situation de crise. L'AFD va mettre en place une nouvelle facilité de financement pour l'atténuation des vulnérabilités, de manière à prévenir les crises.

J'en viens au nouvel outil qu'est l'agence Expertise France, issue de la fusion de six opérateurs. Cette fusion ne s'est pas faite au détriment de l'activité, puisque le chiffre d'affaires a augmenté de près de 3 % en 2015 par rapport au chiffre d'affaires agrégé des six opérateurs fusionnés. Les interventions d'Expertise France s'inscrivent en pleine cohérence avec nos priorités sectorielles et géographiques, et l'agence est fortement engagée dans la lutte contre le changement climatique et le renforcement des systèmes de santé, pour éviter une nouvelle crise telle que l'épidémie d'Ebola, par exemple.

Expertise France a aussi un rôle d'influence, puisqu'elle exporte les normes françaises et européennes en matières comptable, fiscale, sociale et environnementale, ce qui contribue à la mise en place d'un environnement propice au développement des marchés pour le secteur privé français. Elle développe ainsi des offres intégrées, associant expertise publique et savoir-faire des entreprises privées. D'un point de vue géographique, elle porte une attention particulière à la question syrienne et aux autres pays en crise ou fragiles, que ce soit au Sahel ou en Afrique subsaharienne.

Sur le plan institutionnel, le projet de contrat d'objectifs et de moyens 2016-2018 a été approuvé par le conseil d'administration et, après consultation du Parlement et du comité d'entreprise, il sera présenté dans sa version finale au conseil d'administration du 23 juin prochain. Ce contrat d'objectifs et de moyens permettra de disposer d'un outil de suivi de l'activité de l'agence et renforcera les liens entre les tutelles – ministères des Affaires étrangères d'une part, de l'Economie et des Finances d'autre part – et leur opérateur. L'agence s'engage maintenant dans une phase de montée en puissance autour d'objectifs exigeants, une transition vers un modèle économique autosuffisant, et la gestion d'experts techniques internationaux.

Pour ce qui est du rapprochement entre l'AFD et la CDC, qui constitue un volet important de la rénovation de notre politique de développement, un dialogue approfondi, qui n'a pas toujours été facile, s'est noué entre les acteurs concernés, à commencer par l'AFD et la CDC elles-mêmes, mais aussi les ONG, les collectivités locales et les parlementaires. À l'issue des discussions qui ont eu lieu, le Président de la République a décidé de privilégier la voie conventionnelle. Si la voie législative avait été retenue, c'est dans le cadre de la loi Sapin II, en cours de discussion, que nous avions prévu de procéder au rapprochement entre AFD et CDC. La voie conventionnelle sera sans doute plus simple, plus rapide et plus lisible. Une convention va être élaborée d'ici à l'automne entre les deux institutions, dans la perspective du prochain comité interministériel, qui devra valider cette convention. Les personnels se sont engagés à nourrir la conception de cette convention, et les deux directeurs généraux – Rémy Rioux pour l'AFD, Pierre-René Lemas pour la CDC – doivent se rencontrer cette semaine afin de poursuivre la discussion. La convention fixera le cadre du rapprochement entre les deux établissements et précisera les convergences stratégiques, les synergies opérationnelles et les aspects relevant des ressources humaines – qui ont constitué l'un des plus importants sujets de discussion : des inquiétudes s'étaient manifestées au sein du personnel, qu'il convient d'apaiser. Des mobilités seront envisagées sur la base du volontariat, la mise en commun d'expertises sectorielles sera favorisée, ainsi que la convergence des réseaux : celui de la CDC dans l'Hexagone, celui de l'AFD au niveau international.

Le choix a été fait de maintenir le principe d'une aide déliée, même si certains s'interrogent à ce sujet en soulignant que les Britanniques pratiquent plutôt l'aide bilatérale liée. Il faut savoir que l'aide déliée n'est pas défavorable aux acteurs économiques français, puisqu'elle leur profite dans plus de deux tiers des cas, s'agissant des appels d'offre et projets de l'AFD. Nous reviendrons sur ce point si vous le souhaitez.

J'en viens au deuxième volet de mon exposé, consacré à la crise migratoire. En 2015, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus d'un million de personnes sont arrivées en Europe, soit cinq fois plus qu'en 2014, et la moitié d'entre elles étaient des réfugiés syriens. Toujours en 2015, plus de 4 000 personnes, dont près de 30 % d'enfants, ont perdu la vie en tentant de rejoindre l'Europe. L'accord signé entre l'Union européenne et la Turquie – qui est en première ligne, et accueille à ce titre trois millions de réfugiés – a permis de réduire fortement les passages irréguliers vers la Grèce et de déstabiliser les trafics de passeurs. Désormais, les engagements pris doivent être mis en oeuvre dans le strict respect du droit international, tant du côté européen que du côté turc.

Pour ce qui est des moyens, le Président de la République a décidé en septembre 2015 d'affecter 100 millions d'euros supplémentaires sur deux ans aux agences onusiennes venant en aide aux réfugiés, et plus d'un milliard d'euros, dont l'essentiel en prêts, sur 2016-2018, pour la crise syrienne. Cette aide additionnelle était et demeure indispensable. Ce sont en effet la détérioration des conditions de vie due à la baisse de l'assistance humanitaire et l'absence de perspectives d'intégration dans les pays voisins de la Syrie qui entraînent un mouvement massif de réfugiés vers l'Europe. C'est pourquoi nous avons ciblé cette aide exceptionnelle sur des domaines qui répondent aux besoins essentiels des populations : l'alimentation, la santé, mais aussi l'éducation.

Nous avons affecté cette aide exceptionnelle en priorité au Liban – 40 millions d'euros –, à la Jordanie – 21 millions d'euros –, à la Turquie – 14 millions d'euros –, à l'Irak – 8 millions d'euros – et à la Syrie – 7 millions d'euros. À cela s'ajoute l'ensemble des moyens mobilisés par le ministère des Affaires étrangères, l'aide alimentaire, le fonds d'urgence humanitaire du Centre de crise et de soutien (CDCS), les crédits de sortie de crise et, bien sûr, les contributions aux agences onusiennes, soit environ 26 millions d'euros en 2015 pour soutenir les réfugiés et les pays de premier accueil, mais aussi les populations restées à l'intérieur de la Syrie, notamment dans les zones hors de contrôle du régime, qui ne reçoivent pratiquement aucune aide de Damas. J'ajoute que la France a été pionnière dans l'aide transfrontalière, consistant en des opérations autorisées par les résolutions du Conseil de sécurité, qui permettent d'acheminer de l'aide à l'intérieur de la Syrie depuis les pays voisins, principalement depuis la Turquie.

Pour ce qui est de la mobilisation de la communauté internationale, je me bornerai à vous dire que le 10 juin à New York se tiendra, sous présidence française du Conseil de sécurité, une réunion ministérielle sur la protection des civils dans les opérations de maintien de la paix. C'est à la suite du sommet d'Istanbul qu'un effort doit être fait sur la protection des civils – pas seulement les personnels humanitaires, mais l'ensemble des civils – lors des conflits. Début 2017, nous organiserons avec l'Unicef une conférence internationale sur la protection des enfants dans les conflits armés, dix ans après l'adoption des Principes et Engagement de Paris.

La francophonie, qui constitue le troisième volet de mon intervention, est d'abord un outil diplomatique. Si la France a pu obtenir des résultats lors de l'accord de Paris en décembre 2015, c'est en partie grâce à la francophonie. Le réseau francophone a été actionné au maximum par le Président de la République, par Laurent Fabius et Ségolène Royal, ce qui a permis de peser dans les négociations. Lorsque des réticences sont apparues, de la part d'Etats d'Amérique du Nord ou du Sud, ou d'Asie, le réseau francophone a beaucoup pesé.

Sur les plans démocratique et diplomatique, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) assure un suivi précis des pratiques de la démocratie dans de nombreux pays francophones, et un suivi des droits et libertés dans les pays où ont lieu des élections – il y en a beaucoup en Afrique cette année. L'OIF envoie des missions, suit les processus électoraux et met en oeuvre des programmes de soutien à la bonne gouvernance.

Pour ce qui est de l'aspect économique, le sommet de Dakar de 2014 a doté la Francophonie d'une stratégie économique consistant à renforcer les capacités techniques des négociateurs lors des grands rendez-vous – on pense notamment à la COP21 –, mais qui vise surtout à faire émerger une véritable communauté d'affaires, à l'instar de ce que font très bien les Anglo-Saxons – contrairement aux francophones. Le nouveau programme de l'OIF pour la promotion de l'emploi par l'entrepreneuriat des femmes et des jeunes en Afrique est emblématique de cette nouvelle dimension économique de la Francophonie. Cette action en direction des jeunes et des femmes en Afrique, pour les inciter et les aider à créer des entreprises, est soutenue par la France via Expertise France et l'AFD.

Nous essayons aussi d'attirer et de former davantage les futurs acteurs de l'économie mondiale francophone, en accueillant plus d'étudiants et en favorisant la mobilité des entrepreneurs entre pays francophones. Nous avons défini une nouvelle politique de visas, afin de permettre plus de liberté de circulation pour les chefs d'entreprise, les chercheurs, les étudiants et les artistes. Les procédures sont allégées, les délais sont réduits et la durée de validité des visas augmentée, notamment grâce au développement des visas dits de circulation à multiples entrées. La création du passeport talents, via la loi relative aux droits des étrangers en France adoptée en février dernier, permettra aux investisseurs et aux hommes d'affaires de bénéficier d'une carte de séjour de quatre ans, obtenue après un parcours administratif simplifié. Le dernier Forum économique de la Francophonie s'est tenu à Paris en octobre 2015, et le prochain devrait avoir lieu au Maroc.

Avant d'être diplomatique ou économique, la francophonie est avant tout un humanisme, une communauté de valeurs. Elle constitue aussi un espace de rayonnement culturel, d'ouverture aux autres. Pour essayer de donner plus de corps à cette francophonie culturelle, j'ai eu l'idée d'étendre à l'espace francophone le Grand Tour, un agenda culturel élaboré cette année par Olivier Poivre d'Arvor, consistant à assurer la promotion à l'étranger de cent sites, festivals et événements culturels dans toute la France. J'ai donc souhaité qu'en 2017, nous fassions la même chose à l'échelle de l'espace francophone – nous pourrions appeler cela « le Grand Tour - Voyage en francophonie » – avec une sélection de cent sites archéologiques ou patrimoniaux, festivals de cinéma, de musique, de chanson ou de littérature, répartis en Asie, en Amérique latine, en Afrique et en Europe.

Pour ce qui est du soutien à la langue française, nous menons depuis plusieurs années une politique volontariste dans un cadre bilatéral – depuis 2000, l'AFD a contribué à l'éducation de base en Afrique subsaharienne à hauteur de 250 millions d'euros. Le ministère des Affaires étrangères développe et conçoit, avec les ministères de l'Education partenaires, des projets sur fonds de solidarité prioritaire (FSP), visant à former mieux et davantage de jeunes francophones. Dix projets de ce type sont en cours pour un montant global de 7,3 millions d'euros, au Nigeria, au Soudan du Sud, en Mauritanie, aux Comores, au Maroc, à Madagascar, au Mali, au Bénin, au Niger et au Tchad. Si le français est de plus en plus parlé dans le monde – on avance le chiffre de 750 millions de locuteurs français en 2050, ce qui se réalisera peut-être, notamment grâce à la démographie africaine, en particulier celle du Congo –, il faut savoir que la qualité du français parlé en Afrique diminue régulièrement, en raison du fait que les enseignants sont de moins en moins bien formés. Il faut donc continuer à financer le programme « 100 000 professeurs pour l'Afrique » pour 2 millions d'euros et s'appuyer sur notre réseau scolaire à l'étranger : la France dispose en Afrique du premier réseau scolaire étranger au monde, avec 171 établissements scolarisant 110 572 élèves, dont 40 725 sont Français, dans 41 pays, avec une croissance annuelle de l'ordre de 2,2 % des effectifs.

Sur le plan multilatéral, nous soutenons le partenariat mondial pour l'éducation (PME), à hauteur d'un montant assez faible cette année, à savoir 8 millions d'euros. Nous y conservons une forte influence grâce à la mise en oeuvre de projets par l'AFD, qui agit comme mandataire du PME pour 80 millions d'euros. Enfin, nous travaillons avec l'OIF, l'Agence universitaire de la Francophonie, l'Institut de la francophonie pour l'éducation et la formation (IFEF), qui vient de s'installer à Dakar, et la Conférence des ministres de l'Education (CONFEMEN). Le séminaire qui a rassemblé ces institutions à Dakar la semaine dernière a été l'occasion d'apporter un peu de cohérence et de complémentarité au dispositif qu'elles forment, et de tenter d'apaiser les tensions pouvant exister entre l'IFEF et la CONFEMEN au sujet des projets à mettre en oeuvre.

Depuis ma prise de fonctions, il y a quatre mois, j'ai beaucoup consulté et rencontré de nombreux spécialistes et je me suis convaincu d'une chose, c'est que la priorité doit aller à l'éducation dans les années qui viennent. Les chiffres montrent que, depuis quinze ans, on a fait beaucoup plus pour la santé que ce qu'on n'avait jamais fait auparavant. Le sida recule, de même que la tuberculose et le paludisme. La France a été au premier rang de la mobilisation qui a permis d'obtenir ces résultats : nous sommes en effet le deuxième contributeur mondial à la lutte contre le sida, et ferons bien sûr partie des pays donateurs du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui se réuniront à Montréal en septembre prochain. Nous avons créé l'organisation UNITAID et nous faisons partie de GAVI, l'alliance internationale de soutien à la vaccination. Au niveau français comme au niveau multilatéral, des efforts considérables ont été accomplis par notre pays en matière de santé, alors que l'éducation était, elle, un peu délaissée.

Dans les années à venir, nous devons donc faire pour l'éducation ce que nous avons fait pour la santé. L'éducation est ma priorité. Elle est le socle fondateur de toutes les politiques de développement sans lequel beaucoup de nos efforts risquent de s'avérer vains. Cela doit être une de nos principales priorités car la communauté internationale a trop souvent tendance à privilégier des actions dont les résultats sont plus faciles et plus rapides à démontrer. L'éducation s'inscrit dans un temps long, c'est vrai, mais c'est la raison pour laquelle elle est d'autant plus essentielle. Elle fait reculer l'obscurantisme, et permet l'émancipation des femmes et des jeunes filles ; elle réduit la natalité et garantit l'intégration et la cohésion sociale. J'ajoute qu'aucun pays n'a réellement décollé avant que 80% de sa population ait achevé le cycle primaire.

Cela dit, aujourd'hui, une crise dure douze à quinze ans, et les personnes qui entrent dans un camp de réfugiés y restent en moyenne dix-sept ans : cela signifie qu'un enfant né dans un camp peut, si l'on n'y prend garde, passer toute son enfance et son adolescence sans être scolarisé.

L'ampleur des crises actuelles, notamment en Syrie et en Afrique subsaharienne, risque de rendre les efforts vains si on ne fait pas beaucoup plus qu'on ne fait actuellement en matière d'éducation en situation de crise. Je vais me rendre prochainement au Kurdistan irakien pour y inaugurer une école dans le camp de réfugiés de Bardarash, dans la province d'Erbil, à dix kilomètres de la ligne de front avec Daech. Cette école a été financée par la France, avec l'intervention de la fondation Veolia pour l'assainissement et de l'entreprise Lafarge pour les bâtiments.

Il faut recentrer et démultiplier cet effort. Gordon Brown, investi à la demande de Ban Ki-moon de la mission d'Envoyé spécial pour l'éducation en situation de crise, est en train de mobiliser un fonds qui sera dédié à cette cause. Lorsqu'il m'a contacté une première fois, je lui ai dit que je trouvais cette idée formidable, et que la France prendrait part à sa réalisation, mais je n'ai pu lui dire quel serait le montant de notre participation. Il m'a posé à nouveau la même question lors du Sommet d'Istanbul et, alors que plusieurs pays annonçaient officiellement le montant de leur contribution 20 millions de livres pour le Royaume-Uni, 20 millions de dollars pour les États-Unis, et des sommes significatives pour le Danemark, la Suède et l'Allemagne, je me suis trouvé dans l'impossibilité de prendre le moindre engagement, puisque le budget n'est pas voté et j'espère pouvoir le faire après le vote de la Loi de finances 2017.

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