Monsieur le secrétaire d'État, avec les 700 millions de francophones qu'elle devrait compter en 2050, la langue française constitue le levier d'une dynamique de croissance économique et d'insertion sociale dans le vaste espace francophone. Or, force est de constater qu'une partie de la population française est laissée en marge de cette dynamique en raison du fait qu'elle ne maîtrise pas une langue qui n'est pas sa langue maternelle : je pense notamment aux milliers de personnes constituant les populations de langue créole, aux Amérindiens et aux Bushinengués de Guyane. On assiste ainsi à une forme de privation territoriale au détriment d'une frange de nos concitoyens. Pour y remédier, nous ne pourrons faire l'économie d'une politique plurilingue réciproque et enrichissante, dans la mesure où elle intégrerait, à juste proportion, nos langues régionales aux côtés du français. C'est l'objet même de la déclaration de Cayenne de 2011, ainsi que de l'engagement de campagne n° 29 du Président François Hollande pour les outre-mer.
Le rejet par le Sénat de la Charte européenne des langues et cultures régionales ou minoritaires contribue, à mon sens, à perpétuer une philosophie exclusive, centralisée et passéiste de notre rapport à la langue. Je considère que notre République, dont la décentralisation constitue l'un des principes fondamentaux, gagnerait certainement à envisager en toute sérénité la ratification de cette charte européenne. Est-il utopique d'imaginer que, de par sa capacité à soutenir les richesses linguistiques, la Guyane française puisse espérer une France qui pourrait être guyanaise à sa manière – dans le sens où notre République intégrerait une idée de la francophonie qui ne serait ni réductrice, ni exclusive, mais capable de tenir compte des réalités linguistiques de la Nation ? Monsieur le secrétaire d'État, en raison des enjeux de développement et de cohésion sociale liés à cette problématique, pourriez-vous nous éclairer quant à votre position sur ce sujet, étant précisé que nos territoires d'outre-mer ne demandent qu'à se transformer en formidables relais mondiaux de la langue française, sans sacrifice des vecteurs locaux que sont nos langues régionales ou minoritaires ?