Nous avons tous été bouleversés par l'attentat immonde qui a ensanglanté notre fête nationale, vendredi dernier, à Nice. Une nouvelle fois, notre pays a été frappé par l'obscurantisme, la régression et la barbarie, comme l'ont été dernièrement la Belgique, les États-Unis et, probablement, hier encore, l'Allemagne. Nous partageons la peine incommensurable des familles des victimes et nous comprenons la détresse des Niçois.
Des polémiques – inédites, en de telles circonstances – ont été lancées par certains élus ; notre commission ne me semble pas le lieu pour les alimenter. Je me contenterai de dire que semer le doute parmi nos concitoyens sur la réalité de l'action menée par l'État pour lutter contre le terrorisme, ne pas dire et assumer la vérité en face, ne procurera aucun bénéfice politique à ceux qui cèdent à la facilité de tels comportements. Plus grave encore, nous offrons ainsi à nos agresseurs le germe de la désunion qu'ils ont pour projet d'installer dans notre nation.
Pour ma part, je me bornerai à dire à tous ceux qui agissent chaque jour pour assurer notre protection, parfois au péril de leur vie – policiers, gendarmes, services de renseignement –, notre soutien, notre reconnaissance et notre admiration.
Chacun des membres de notre commission est au fait de la réalité de l'état d'urgence, puisque c'est le quatrième texte relatif à ce sujet que nous examinons en moins d'un an et que nous sommes particulièrement impliqués dans le suivi de sa mise en oeuvre et son contrôle. Le texte qui nous est soumis est bref ; il comporte deux articles.
À l'article 1er, il est proposé que l'état d'urgence déclaré par les décrets des 14 et 18 novembre 2015 et prorogé à trois reprises par les lois du 20 novembre 2015, du 19 février 2016 et du 20 mai 2016 soit prorogé pour trois mois supplémentaires, c'est-à-dire jusqu'à la fin du mois d'octobre. Je vous proposerai de porter cette prorogation à six mois, soit jusqu'à la troisième semaine du mois de janvier.
Cet article autorise également expressément les préfets à ordonner des perquisitions domiciliaires administratives, de jour comme de nuit. Nous avions renoncé à cette disposition en mai dernier, en raison notamment de la perte de substance de cette disposition consécutivement à la décision du Conseil constitutionnel du 19 février 2016 censurant la possibilité de saisie des équipements informatiques.
L'article 2 tend à répondre aux objections du juge constitutionnel en précisant en particulier, comme ce dernier y invitait le législateur, les conditions dans lesquelles il sera possible de procéder à la saisie des équipements informatiques découverts sur les lieux de la perquisition et à l'exploitation ultérieure des données qu'ils contiennent.
Je vous proposerai, là encore, quelques amendements visant à améliorer la rédaction de cet article.
Cet article prévoit en outre opportunément la possibilité de perquisitionner successivement plusieurs lieux, en autorisant une régularisation a posteriori de l'ordre de perquisition.
Je sais qu'existe la tentation de vouloir introduire dans ce texte d'autres dispositions relevant, non pas de l'état d'urgence, mais du droit commun. Sur le fond, certaines d'entre elles présentent un intérêt opérationnel et ne sauraient être écartées d'un revers de la main ; d'autres ne produisent aucun effet de droit et relèvent plutôt d'une volonté d'affichage ; d'autres encore soulèvent des difficultés constitutionnelles ou conventionnelles. Sur la forme, en tout cas, toutes relèvent, je le crains, de ce que nous appelons des cavaliers législatifs. Elles pourraient donc, à ce titre, être censurées par le Conseil constitutionnel, d'autant plus que ces dispositions durables seraient insérées dans un texte relatif à une légalité d'exception, forcément temporaire. À ce stade de notre discussion, je ne vous proposerai donc pas de les retenir. Toutefois, si la majorité sénatoriale souhaite prendre ce risque juridique, certains de ces amendements pourront être examinés sur le fond dans le cadre de la commission mixte paritaire à laquelle, en tout état de cause, nos collègues sénateurs semblent tenir.