Je m'exprimerai au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.
La France est au bord de la crise de nerfs. Le Président de la République a revendiqué le 14 juillet le statut de protecteur des Français. Or proposer la suppression de l'état d'urgence quelques heures avant le massacre de Nice était, au mieux, une erreur de tempo.
Aux victimes, je veux rendre ici un hommage appuyé. Mais après l'attentat de Charlie Hebdo, qui a réuni toute la France et des dizaines de chefs d'État, après celui du Bataclan et les premières fêlures de l'unanimité citoyenne et politique, on a vu à Nice l'éclatement du consensus républicain, en direct, à la télévision. MM. Christian Estrosi et Alain Juppé, puis M. Nicolas Sarkozy ont tiré au canon sur le rassemblement des Français proposé par le chef de l'État et l'ont fait exploser. Ils soutiennent que les Français veulent des résultats.
Ils n'ont pas tort : les Français veulent autre chose que des chambres mortuaires, des bougies, des fleurs. Ils veulent être assurés qu'ils pourront se rendre sans risque, en famille, à telle ou telle manifestation, tel ou tel rassemblement. Mais, aujourd'hui, la France a peur. Elle a peur d'elle-même. Elle a peur de la communauté musulmane : pour la première fois, on entend de manière répétée des phrases de rupture, du genre « tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont des musulmans ». Le risque d'explosion sociale est grand ; il ne fait que grandir.
Faut-il donc se limiter à approuver un projet de loi qui prolonge l'état d'urgence ? Ne doit-on pas étudier le bien-fondé des amendements de l'opposition, quel qu'en soit le risque constitutionnel ? Le Gouvernement propose de prolonger l'état d'urgence pour une durée de trois mois, sans référence à d'éventuelles manifestations sportives, culturelles ou autres. Trois mois, cela paraît un minimum ; notre rapporteur a parlé de six mois : pourquoi pas ?
Quant aux autres mesures – le sort des fichés S, leur éventuelle expulsion, leur éventuel internement ; les centres de déradicalisation ; l'isolement des terroristes condamnés ; l'urgence d'un vrai service de renseignement pénitentiaire ; l'imbroglio de la double peine ; la création d'une agence nationale du renseignement ; la fermeture des mosquées radicales ; le renforcement des forces de sécurité –, chacune mérite une réflexion sérieuse. Certaines sont contraires aux principes mêmes de la République. D'autres sont parfaitement recevables. Plusieurs ont d'ailleurs été introduites sur le conseil du ministre de l'Intérieur.
De même, comme l'a fort justement dit M. Éric Ciotti, on ne peut parler d'état de guerre sans envisager sa conséquence même : la mobilisation des Français, qui passe par la création d'un service obligatoire pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, hommes et femmes. Il s'agirait d'un véritable service rendu à la nation, d'un service à la fois armé et civique qui redonnerait du sens aux idées d'unité nationale, de patriotisme, et soulagerait nos forces armées.
Il ne convient plus d'attendre : il faut étancher la soif de sécurité des Français, faute de quoi le consensus social et politique explosera pour de bon. Et il faut le faire en respectant les fondements mêmes de la République. Prenons garde, mes chers collègues : si nous n'assurons pas la protection des Français, ces derniers se réuniront en dehors même du rassemblement républicain pour l'exiger. La France, disais-je, est à bout de nerfs : nous devons, ensemble et avec le chef de l'État, agir en profondeur pour rassurer les Français et assurer la paix publique.