Le 23 janvier dernier, ici-même, avec le président Jean-Jacques Urvoas, nous faisions le premier rapport sur le contrôle de la mise en oeuvre de l'état d'urgence – rapport dont nous avait chargé notre commission au début du mois de décembre. Nous étions d'accord à la fois sur les constats et sur le fait que l'efficacité de l'état d'urgence déclinait – dès cette période. Monsieur le ministre, vous avez rappelé tout à l'heure que l'immense majorité des actes pris sous ce régime l'avaient été au tout début de la mise en place de ce dispositif. C'est ce que nous n'avons cessé de constater depuis que la commission des Lois procède à ce contrôle. À la suite de ces constats puis des différents comptes rendus qui ont été présentés devant nous, j'ai voté contre la prolongation de l'état d'urgence en février comme en mai. Et, de la même façon, je voterai contre la prolongation qui est demandée aujourd'hui par le Gouvernement – pour trois motifs.
Premièrement, l'état d'urgence, dans le dispositif qui nous est proposé, ne peut pas constituer une réponse adaptée à la nouvelle forme d'attentats qui, avec toute l'atrocité qu'on connaît, a frappé la ville de Nice la semaine dernière. En effet, je rendrai demain au président de l'Assemblée nationale, avec M. Kader Arif, le rapport de la commission d'enquête sur les moyens de Daech, qui nous a demandé quelques mois de travail. Nous voyons bien évoluer – j'ai peine à le dire devant le ministre de l'Intérieur – le terrorisme qui nous attaque. L'état d'urgence est justifié quand il faut affaiblir des réseaux, quand on connaît les lieux à perquisitionner – ou qu'ils sont sous surveillance – et quand les gens sont repérés. L'état d'urgence est impuissant devant les nouvelles menaces isolées qui nous frappent et qui ont fait tant de victimes la semaine dernière.
Deuxièmement, il y a une contradiction, bien que vous l'ayez niée, monsieur le ministre. Soit les dispositions de la nouvelle loi pénale adoptée par le Parlement au printemps dernier nous permettent de nous passer de l'état d'urgence, soit elles ne nous le permettent pas. Si le chef de l'État déclare qu'il met fin à l'état d'urgence ou qu'il ne le prolongera pas parce que nous disposons de tout l'arsenal législatif nécessaire, croyons-le, et faisons en sorte que le Parlement ne soit pas sollicité sur le sujet.
Troisièmement, il me semble que les Français attendent autre chose que de simples dispositions législatives, depuis plusieurs mois maintenant. Cela a été rappelé par MM. Alain Tourret et Jean-Christophe Lagarde, notamment. Nous attendons des mesures de fermeté contre l'islamisme radical, des mesures dans les prisons, dans les fausses écoles coraniques et dans les mosquées clandestines. Nous attendons l'expulsion des personnes qui propagent des messages de haine. Rien de tout cela ne vient. Cette nouvelle forme de propagande qui passe largement par les réseaux sociaux fait certainement de la communication notre premier adversaire. L'état d'urgence n'y changera rien non plus.
En conséquence, pour ces motifs comme pour d'autres que j'aurai l'occasion de préciser en séance publique ce soir, je ne voterai pas – pas plus que les deux fois précédentes – la prolongation de l'état d'urgence.