Devant les horribles événements de Nice qui nous ont tous meurtris, je vois mal comment nous pourrions ne pas voter la prolongation de l'état d'urgence, dans la mesure où elle est demandée par des autorités qui ont su à la fois garder leur sang-froid et répondre aux différents impératifs de sécurité auxquels nous sommes confrontés. Sans doute l'état d'urgence ne sert-il pas à grand-chose, mais quand bien même il ne servirait qu'à la marge – je pense aux assignations et aux perquisitions –, nous ne pouvons pas le refuser au Gouvernement qui en a exposé rationnellement les besoins.
Prolonger l'état d'urgence, c'est pour nous, parlementaires, l'occasion d'envoyer un signal à nos concitoyens. Les symboles, la rhétorique ont d'autant plus de poids dans la période que nous vivons.
Si l'état d'urgence, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, n'est pas la réponse unique – pas même la principale, ajouterai-je –, la question essentielle est celle des moyens. Elle a été évoquée par plusieurs de nos collègues dont les interventions, à l'exception d'une, la dernière, étaient d'une tenue digne de notre commission. Je ne reviendrai pas sur la création de nouveaux postes. Je ne reviendrai pas non plus sur la très fâcheuse suppression par M. Nicolas Sarkozy de la police de proximité, qui nous a fait perdre dix ans dans le fonctionnement des services de renseignement, dix ans aussi dans l'encadrement intelligent de certaines populations dont l'intégration peut poser problème même si elles ne sont pas les seules dans ce cas. La même remarque vaut pour le renseignement territorial dont les moyens ont été ponctionnés, non par volonté philosophique cette fois-ci, mais pour être affectés à la direction générale de la sécurité intérieure.
Au-delà de l'état d'urgence, nous devons faire preuve de sang-froid et réfléchir à ce qui va naître demain : des grands projets collectifs dont notre nation tout entière rassemblée a besoin. M. Lagarde a évoqué tout à l'heure la constitution d'une garde nationale ; pour ma part, j'ai lancé un appel au Président de la République afin de recréer un service national obligatoire, à la mesure des enjeux du XXIe siècle. Fondé sur l'apprentissage des armes mais aussi sur la protection civile et l'humanitaire, il permettrait de former les jeunes gens qui recherchent des règles comme ceux qui n'en recherchent pas, et que l'on trouve dans tous les milieux – mais c'est une autre question.
Je terminerai en vous précisant que j'approuve la proposition du rapporteur de porter la prolongation de l'état d'urgence de trois mois à six mois. Ce délai a un sens : il nous mène jusqu'aux fêtes de fin d'année.
J'ai deux questions, monsieur le ministre.
D'une part, j'aimerais savoir à quoi correspond la perquisition dans un autre lieu qui remplirait les conditions fixées au premier alinéa. Avez-vous décidé de cette mesure en vous fondant sur des expériences vécues ?
D'autre part, je m'étonne que l'on passe par le juge des référés du tribunal administratif pour autoriser ou non l'exploitation des documents informatiques qui pourraient être saisis afin de prendre en compte la jurisprudence restrictive que le Conseil constitutionnel a établie en février dernier. Dieu sait que je ne suis pas de ceux qui pensent que le juge judiciaire a le monopole de la défense libertés publiques, mais il m'aurait semblé plus pertinent de passer plutôt par lui. Le Conseil d'Etat a estimé que ce dispositif était bon et je ne serai pas plus royaliste que le roi. Je m'interroge seulement sur les raisons de ce choix.