Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 19 juillet 2016 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Le 13 juillet au matin, M. Urvoas, garde des sceaux, déclarait à M. Bourdin que nous avions tout l'arsenal judiciaire nécessaire et que l'on pouvait mettre fin à l'état d'urgence le 26 juillet. Le 14 juillet, à midi, le Président de la République reprenait quasiment les mêmes termes, affirmant que la loi du 3 juin 2016 nous offrait l'arsenal judiciaire nécessaire et que nous n'avions par conséquent plus besoin de l'état d'urgence. Puis survient l'horreur de l'attentat de Nice – 90 morts et 300 blessés, c'est du même niveau de violence qu'un attentat de Daech bien réussi en Irak ou en Syrie – et le Président de la République annonce la prorogation de l'état d'urgence pour trois mois, que nous venons de porter à six mois.

Ce texte comporte la possibilité de procéder à des perquisitions et de saisir du matériel informatique, ce qu'à la suite d'une décision – prise en temps de paix – du Conseil constitutionnel on ne pouvait plus faire. L'exposé des motifs parle d'un changement de stratégie de Daech justifiant ce texte, mais il n'y a eu aucun changement de stratégie : Daech déroule sa stratégie et continuera de commettre des attentats.

Il nous faut des moyens de défense. Qu'apporte ce texte à notre défense face au terrorisme ? Rien, ou seulement la saisie de matériel informatique, mais vous encadrez celle-ci de manière ubuesque : un officier de police judiciaire dans la pièce, l'autorisation du juge des référés, conditions de saisie, conditions de conservation des données… Faites-vous la guerre ou faites-vous de la procédure ? Est-ce une guerre de professeurs de droit et d'avocats, ou une guerre contre des terroristes ? Je suis avocat et je ne comprends rien à ce que vous faites. Ou bien ce texte est nécessaire ou bien il ne l'est pas. Il ne l'était pas la semaine dernière, il le devient aujourd'hui. Sa seule innovation, c'est cette usine à gaz autour de la saisie des données informatiques. De surcroît, vous n'avez pas de chances, car les terroristes communiquent sur des darknets ou avec WhatsApp et autres systèmes qui leur permettent d'être cryptés. Mais, à supposer que vous saisissiez des données, saisissez-les et faites le travail !

Cela fait un an et demi que cela dure. Avec mes collègues, nous vous avons dit, sur chacun de vos dix textes, que nous ne pouvions continuer à faire la guerre avec les mains liées dans le dos, avec une mentalité de temps de paix. Je le dis avec mon coeur car je suis inquiet pour notre pays. Ce texte est incompréhensible, tant dans ses objectifs que dans son contenu. Si vous souhaitez répondre aux attentats, donnez-vous les moyens de lutter contre les terroristes et arrêtez de faire du juridisme ou vous allez perdre tout le monde, y compris notre peuple. Je vous mets en garde.

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