Intervention de Lionel Collet

Réunion du 12 juillet 2016 à 17h00
Commission des affaires sociales

Lionel Collet :

À la demande de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, je suis effectivement pressenti pour présider le conseil d'administration de l'Agence nationale de santé publique (ANSP), née de la fusion des trois agences nationales compétentes en matière de santé publique et de sécurité sanitaire, conformément à la loi de modernisation de notre système de santé, qui a été suivie d'une ordonnance et d'un décret.

L'Agence nationale de santé publique a été constituée à « droit constant ». Elle reprend, conformément à la loi, l'ensemble des missions exercées par les trois anciennes agences : observation épidémiologique et surveillance de l'état de santé de la population, pour l'INVS ; promotion de la santé et développement de la prévention et de l'éducation à la santé, pour l'INPES ; gestion des stocks stratégiques et de la réserve sanitaire, pour l'EPRUS. La nouvelle agence devra donc optimiser les liens qui existaient entre ces trois agences sanitaires.

Il se trouve que j'ai présidé le conseil d'administration de deux de ces trois agences, celui de l'Institut de veille sanitaire et celui de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires. Au sein du conseil d'administration de ce dernier, j'ai pu constater la capacité d'anticipation et de réactivité exceptionnelle de cette agence sanitaire qui pouvait faire arriver un produit de santé sur n'importe quel endroit du territoire en douze heures et envoyer un réserviste n'importe où sur le globe en 24 heures : ces capacités doivent impérativement être maintenues.

Le conseil d'administration de l'Agence nationale de santé publique exerce des missions propres, qu'il ne peut pas déléguer, à savoir les délibérations sur les orientations stratégiques pluriannuelles, le contrat d'objectifs et de performance conclu avec l'État, les modalités de mise en oeuvre des règles de déontologie, l'organisation générale de l'Agence, la composition des différents conseils. Il exerce également des missions qu'il délègue le cas échéant au directeur général ou au président, parmi lesquelles l'autorisation d'engager une action en justice ou l'acceptation de dons et legs.

Le conseil d'administration de l'ANSP présente trois particularités.

D'abord, c'est le premier conseil d'administration de la nouvelle agence, et il va devoir s'atteler à plusieurs tâches : mise en place du programme de travail, qui sera assuré par le directeur général ; construction des éléments relevant du contrat d'objectifs et de performance ; définition des relations avec la tutelle et les partenaires – Direction générale de la santé et agences régionales de santé (ARS) – ; maintien du dialogue social et accompagnement du changement né de la fusion des trois agences ; suivi des aspects techniques que constituent le système d'information unifié, le schéma des installations et des bâtiments, et la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP).

Deuxième particularité de ce conseil d'administration : sa composition et son mode de délibération. Ce conseil comprend une trentaine de membres : des représentants de l'État ; un représentant de l'Assurance maladie ; des représentants des élus ; des représentants des partenaires institutionnels ; des professionnels de santé ; des représentants du personnel ; et enfin quatre représentants des associations dans les champs suivants : aide aux victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, protection de l'environnement, défense des consommateurs, et qualité de la santé et de la prise en charge des malades.

D'autre part, les délibérations ne sont pas prises selon le principe « un homme ou une femme égale une voix ». Les représentants du ministre chargé de la santé disposent chacun de dix voix, le représentant du ministre chargé du budget dispose de quatre voix, les représentants des autres ministres disposent chacun de deux voix, et le représentant des régimes obligatoires d'assurance maladie dispose de trois voix.

Troisième particularité de ce conseil d'administration : il peut siéger en formation restreinte, ce qui est inédit pour une agence sanitaire. Ce conseil restreint se justifie par l'existence de sujets très confidentiels qui peuvent relever de la défense nationale, de la sécurité civile, voire des secrets industriels et commerciaux. La formation restreinte du conseil d'administration comprend, outre le président du conseil d'administration qui la préside, les représentants des ministres chargés de la santé et de l'action sociale, le représentant du ministre de la défense, le représentant du ministère chargé du budget, et le représentant des régimes obligatoires d'assurance maladie. Cette formation restreinte répond en miroir à la composition du conseil d'administration de l'EPRUS, qui était très confidentiel et où étaient abordés des sujets secrets – il ne comportait pas de représentants des personnels.

Que va faire l'Agence nationale de santé publique ? Je serai très vigilant sur deux aspects en particulier.

Premièrement, nous ne devons pas fonctionner sur le modèle de trois agences en silo, mais réellement réussir la fusion de l'ensemble. Le professeur Bourdillon a particulièrement insisté sur ce point dans son rapport de préfiguration.

Aujourd'hui, la protection de la santé publique est organisée autour de cinq grands pôles : produits de santé, dans lequel intervient l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ; pratiques médicales avec la Haute Autorité de santé (HAS) et l'Agence de la biomédecine ; sécurité sanitaire du milieu de vie, avec l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) ; radioprotection et nucléaire, où interviennent l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ; et enfin, un pôle axé sur la population, avec la surveillance épidémiologique et la prévention, assurées par cette nouvelle agence, l'Agence nationale de santé publique.

L'organisation de ce pôle « population-santé publique » se veut comparable à celle des grands modèles internationaux – le modèle américain, avec le fameux Center for disease control and prevention (CDC), et les modèles québécois et anglais –, en intégrant ce qui relève de l'épidémiologie, mais aussi de la prévention et de l'éducation.

L'arrivée de la fièvre Zika est un exemple typique de la valeur ajoutée de l'Agence. L'INVS a identifié le premier cas en Martinique et en Guyane, puis elle a assuré le suivi épidémiologique ; l'EPRUS a été capable, grâce à sa réserve sanitaire de plus de 2 000 personnes, d'envoyer directement sur le site des professionnels de santé ; et l'INPES a conduit des actions de prévention et d'éducation sur l'infection par le virus du Zika. Il est donc beaucoup plus simple d'assurer le continuum de l'action, depuis la veille jusqu'à l'envoi sur le terrain de professionnels, sans oublier la prévention, grâce à l'intervention d'une seule agence plutôt que de trois agences distinctes qu'il faut coordonner. Ainsi, le conseil d'administration et son président devront s'assurer de la bonne synergie des missions des anciennes agences afin que la fusion des trois établissements garantisse une réelle valeur ajoutée.

Deuxième point sur lequel je serai particulièrement vigilant : nous devrons être capables de mettre en place des soutiens méthodologiques. Je prends l'exemple du sida, sur lequel je sais qu'il y a des spécialistes ici. Le CDC a été capable d'identifier l'arrivée du sida aux États-Unis à partir de moins de dix cas qui présentaient trois particularités : une pathologie inconnue sur le territoire américain ; une pathologie classique, le syndrome de Kaposi connu en Afrique, qui frappait une population blanche ; une population blanche qui présentait une préférence sexuelle. Cela veut dire que nous devons être capables de repérer des signaux faibles. Or pour repérer des signaux extrêmement faibles, il nous faut mettre au point de nouvelles techniques, non que les techniques actuelles soient mauvaises, mais nous devrons continuer cette recherche en lien avec les organismes de recherche méthodologique.

Enfin, le programme de travail de l'Agence nationale de santé publique est structuré autour de cinq axes stratégiques – déterminants de santé, populations, pathologies, interventions et territoires, infrastructures – regroupant 28 programmes. L'axe 5 « infrastructures » décline un programme « stratégies scientifique et internationale ». Le rôle du conseil d'administration sera de suivre la mise en place de cette programmation.

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