Ce travail a lieu au Parlement depuis le 9 décembre 2015, date de la présentation du texte en conseil des ministres, mais il a commencé en amont avec le procédé inédit de la consultation en ligne dont je vous donne acte, madame la secrétaire d’État. Notre collègue Patrice Martin-Lalande, avec d’autres, souhaite sa généralisation.
Il s’agit là d’une nouvelle forme de citoyenneté, d’un autre engagement, pour bousculer quelque peu les cadres tout en maintenant à la représentation nationale la place qui lui est due. Nous sommes dans un système qui est celui de la Ve République.
Une fois n’est pas coutume, la CMP a abouti. La majorité à l’Assemblée et la majorité au Sénat ont su trouver un accord et même un bon accord.
Ce n’est pas la saint Luc, monsieur le rapporteur, car nous sommes en juillet, mais il arrive qu’on annonce Pâques avant l’heure…
Bravo aux rapporteurs : à celui du Sénat bien sûr, et à vous, mon cher Luc, qui avez été un rapporteur – je peux en témoigner, comme chacun de nos collègues ici présents – soucieux des préoccupations de l’opposition, ce qui est rare, et qui a su répondre à un certain nombre de nos observations. Beaucoup de rapporteurs n’ont pas ce talent ni cette prévenance à l’égard de l’opposition.
Je voudrais aussi saluer, madame la secrétaire d’État, le travail de vos services qui ont su, eux aussi, faire passer des messages et entretenir cette chaîne de relations quand il le fallait. Chacun était dans son rôle, mais les rôles ont été bien joués par chacun et je voulais le souligner.
Sur la forme, je regretterai que ce texte, annoncé depuis le début du quinquennat, ne vienne qu’en fin de législature et surtout en procédure accélérée. Non que nous voulions absolument ajouter du temps au temps, mais sur plusieurs points, une seconde lecture n’aurait pas été inutile, ne serait-ce que pour se mettre au carré, si j’ose dire, avec les textes européens. Je pense en particulier à ce fameux règlement qui s’appliquera à partir du 25 mai 2018 et que nous avons parfois bousculé, nous appuyant dessus avant de le fouler aux pieds, utilisant les uns et les autres des arguments quelque peu contradictoires. Je crains que ce règlement ne se rappelle à notre bon souvenir dans les mois et les années qui viennent : il faudra sans doute retravailler certains points.
Cela dit, l’avancée est réelle.
Une seconde lecture aurait aussi permis de nous assurer que nous n’adoptions pas des rédactions à la limite du droit, afin de prévenir de délicats problèmes de mise en oeuvre. Nous pourrions encore parler de quelques improvisations dans la présentation des amendements qui n’ont pas toujours facilité le débat.
Quoi qu’il en soit, sur le fond, nous aboutissons à plusieurs points positifs comme l’ouverture des données publiques, le droit à l’oubli pour les mineurs ou le sort des données personnelles à la mort de l’intéressé : voilà des avancées concrètes, précises, palpables pour nos concitoyens.
J’évoquerai aussi le renforcement des pouvoirs de la Commission nationale de l’informatique et des libertés : le commissaire à la CNIL que je suis, comme tous les autres membres du collège, sont sensibles à la cohérence donnée à cette autorité administrative indépendante, même si celle-ci devra s’adapter dans les années à venir à ce texte comme au règlement européen.
Les débats parlementaires ont permis d’enrichir le projet de manière équilibrée sur l’encadrement des locations de meublés pour des courtes durées : l’enregistrement, le plafond des 120 nuitées et la suppression de l’obligation de déclaration des revenus font que l’ensemble des professionnels sont relativement satisfaits, sans que nous ayons cassé pour autant une économie nouvelle qui est en train d’émerger. Je refuse l’ubérisation de la société, mais nous ne pouvons pas refuser les évolutions. Encore faut-il maintenir l’équilibre en matière de concurrence et prévoir des règles valables pour tous.
Un équilibre a été trouvé sur la liberté de panorama. Il sera désormais possible de déroger au droit d’auteur pour les reproductions et représentations d’oeuvres architecturales.
Nous avons encore trouvé un équilibre sur la répression pénale de la diffusion d’images à caractère sexuel sans le consentement de la personne, à l’article 33 quater. C’était à l’évidence un point important.
Vous avez évoqué l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques. C’est une grande avancée qui sera bénéfique à l’ensemble de la société.
Mais nous avons toujours quelques préoccupations et nous restons vigilants. Ainsi, l’ensemble de notre territoire n’est pas aussi bien desservi qu’il le devrait en termes de couverture numérique et les moyens mis à la disposition des collectivités – même si celles-ci doivent s’engager de leur côté – sont insuffisants.
Je déplore enfin l’absence de certaines mesures, concernant notamment le numérique et les entreprises. Elles avaient été renvoyées au projet dit « Macron 2 », mais peut-être ce texte est-il lui aussi « en marche ». Nous verrons ce qu’il en adviendra.
Pour conclure, ce texte n’institue peut-être pas une « République numérique » mais, sans doute, s’en approche. Malgré ses manques, le groupe Les Républicains a adopté une position d’abstention bienveillante qui n’exclut nullement le vote favorable d’un certain nombre de parlementaires qui ont suivi l’examen de ce texte.