Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 20 juillet 2016 à 15h00
Reconquête de la biodiversité – nomination à la présidence du conseil d'administration de l'agence française pour la biodiversité — Présentation commune

Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité :

Madame la présidente, madame la rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, c’est la quatrième fois, après une deuxième lecture et une nouvelle lecture, que le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages vient en discussion dans cet hémicycle. Je ne vous infligerai donc pas un discours classique de présentation, détaillant titre par titre son contenu, car vous le connaissez.

Je voudrais cependant vous dire quelques mots pour remettre en perspective le texte issu de vos travaux et sur lequel vous allez vous exprimer après avoir examiné des amendements adoptés au Sénat en nouvelle lecture et sur lesquels, dans la plupart des cas, je serai amenée à émettre un avis défavorable. En effet, sur les points qui restent à trancher, tout a été dit, et il y a dans ce texte auquel vous vous apprêtez à donner force de loi, il faut le reconnaître, quelques sujets qui continuent à ne pas être consensuels. Je le regrette, mais c’est aussi le prix normal du pluralisme démocratique et le signe d’une prise de conscience différente des enjeux écologiques.

Cela ne doit pas nous empêcher de constater que, sur de très nombreux points, ce texte rassemble bien au-delà des frontières politiques classiques.

Mesdames et messieurs les députés, le processus parlementaire conduit à maintenir tout au long des discussions un suspens qui concerne uniquement les articles qui ne sont pas consensuels ou dont le contenu n’est pas calé. On peut donc avoir l’impression, à l’issue des différentes lectures, que le texte se résume à certaines dispositions qui ont fait l’actualité et qui vous ont parfois divisés, mais n’oublions pas les très nombreux articles qui ont été adoptés depuis bien longtemps et qui ne font plus, au fil des lectures, l’objet de discussion et de débats.

Ces articles, qui sont souvent d’une grande importance pour notre politique de biodiversité, sont votre oeuvre commune, quel que soit le vote que vous exprimerez tout à l’heure sur l’ensemble du texte.

Sur les quelque 174 articles que comporte désormais ce projet de loi – ce qui atteste son importance et son enrichissement au cours du débat parlementaire –, plus de 130 ont été votés conformes par les deux assemblées.

Permettez-moi de vous dire quelques mots plus politiques. Lorsque je suis arrivée au ministère et que Ségolène Royal m’a confié le pilotage de la suite de l’examen parlementaire du projet de loi, j’avais deux objectifs. Le premier était de faire en sorte que tous les éléments du projet de loi initial soient maintenus et solidifiés – en un mot, que l’ambition du projet de loi ne soit pas édulcorée ; le second était de favoriser les initiatives parlementaires qui avaient enrichi la loi lors de ses deux premières lectures mais qui méritaient réécriture, parfois, et précision, souvent.

C’était notamment le cas des débats sur l’action de groupe en matière environnementale, sur le préjudice écologique, la taxation de l’huile de palme, ou encore l’interdiction des néonicotinoïdes. Je n’oublie pas non plus la pêche en eaux profondes qui, bien que jamais formellement intégrée dans ce projet de loi, a suscité amendements et débats et qui constitue une vraie question de biodiversité.

Sur tous ces points, la méthode que nous avons adoptée tenait en deux mots : la détermination et l’écoute. Détermination à avancer, à faire progresser l’écologie dans nos politiques publiques, à contribuer à des équilibres favorables à la biodiversité ; mais écoute, également, parce que nul – fût-il ou fût-elle écologiste – ne peut prétendre détenir la solution à de tels défis. C’est par le dialogue, la conviction, la recherche d’équilibres que se fait une politique et non par des positions de principe ou des postures, c’est aussi par des échanges et, in fine, par des compromis susceptibles de trouver une majorité.

Je me réjouis de constater que, grâce aux initiatives que le Gouvernement a prises ou soutenues, aux choix que vous avez faits et au contenu du texte qui vous est soumis, ces deux objectifs seront remplis.

En ce qui concerne, d’abord, les principes et dispositifs du texte initial, votre travail a permis d’affiner, de préciser et de concrétiser des éléments qui marqueront durablement notre politique de biodiversité et qui permettront de réaliser des changements nécessaires et attendus.

La loi consacre ainsi le principe de solidarité écologique. Elle reconnaît l’importance des liens qui existent entre la préservation de la biodiversité et les activités humaines. Ce principe permet de s’assurer que les questions complexes d’interactions et d’effets directs et indirects sont prises en compte dans les décisions. Il s’agit là, d’ailleurs, d’un élément majeur de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique.

Ce principe de solidarité concerne également les territoires : la loi offre des outils pour renforcer les continuités écologiques. La création ou la restauration d’espaces de nature vise non seulement à préserver la biodiversité, mais aussi à maintenir les services rendus par les écosystèmes. L’existence des trames verte et bleue est essentielle pour nous adapter au changement climatique, en réduire les effets et participer à stopper l’érosion de la biodiversité.

Le texte qui vous est soumis consacre le principe de non-régression de la protection de l’environnement : toute évolution législative future ne pourra avoir pour objectif qu’une amélioration constante de la protection de l’environnement.

La séquence consistant à éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit, à défaut, à en réduire réduire la portée et, en dernier recours, à en compenser les impacts résiduels pour les projets d’aménagement est confortée et précisée par le texte.

Votre travail aura permis de clarifier la mise en oeuvre de ce principe essentiel, notamment avec la mise en place de nouveaux outils comme les opérateurs de compensation ou les sites naturels de compensation.

Le principe « zéro perte nette de biodiversité » est désormais inscrit dans le code de l’environnement dans la section énumérant les grands principes qui guident la protection de l’environnement : il s’agit d’une disposition d’action préventive et de correction des atteintes à l’environnement qui assigne aux mesures de compensation des atteintes à l’environnement une obligation de résultat et de durée égale aux atteintes constatées. Les projets qui ne répondraient pas à ces obligations ne pourront être autorisés en l’état.

Face aux enjeux de perte de biodiversité et d’adaptation aux effets du changement climatique, la loi crée l’Agence française pour la biodiversité, qui sera un opérateur central, la référence institutionnelle au service d’un nouveau modèle de développement. Ségolène Royal avait obtenu, dès la première lecture du texte, le vote unanime du Sénat en faveur de la création de cette agence. Vos travaux, depuis lors, ont permis d’apporter des précisions qui favoriseront son travail dès sa création.

La mise en place de l’équipe d’installation, les séminaires de travail avec les services de l’État et les régions ont permis d’avancer parallèlement à vos travaux : outil d’expertise et de pilotage unique, l’Agence sera créée dès la promulgation de la loi pour être opérationnelle au 1er janvier 2017.

En collaboration avec les services de l’État sur le terrain, l’AFB et les régions auront l’initiative de créer des agences régionales associant aussi les autres collectivités territoriales et les autres acteurs concernés.

Le texte que vous allez voter autorise enfin la ratification du protocole de Nagoya. Cet accord réglemente l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées en vue d’assurer un partage juste et équitable des avantages économiques qui en sont retirés au bénéfice de la biodiversité.

Ainsi, si demain une société exploite une molécule issue de la recherche sur une plante sauvage et que son exploitation lui permet de développer un marché, elle fera bénéficier les populations concernées d’une partie des avantages. La France se donne ainsi les moyens d’innover sans piller et concrétise un engagement international pris il y a 25 ans lors du sommet de la Terre à Rio.

Voilà pour les grands principes.

Oui, malgré les pressions, malgré les tentatives, parfois, de raboter le texte déposé en 2014, tous les éléments qui figuraient dans le projet prendront bientôt, grâce à vous, force de loi.

En ce qui concerne, ensuite, tous les éléments que je citais tout à l’heure et qui ont surgi lors de la discussion parlementaire, des réponses sont au rendez-vous. Certaines sont inscrites dans cette loi, d’autres ont été concrétisées dans d’autres textes. L’important est qu’il en ait été ainsi. Vous pouvez être certains d’une chose : vos travaux ont été utiles pour les faire aboutir.

Je pense, par exemple, à l’action de groupe dans le domaine des préjudices environnementaux. À la suite d’un travail approfondi avec mon collègue garde des sceaux, cette disposition figure dans le texte du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Je pense également à la pêche en eaux profondes, qui sera donc proscrite dans l’Union européenne au-dessous de 800 mètres. Cette décision s’inscrit dans un règlement européen qui renforcera significativement la protection des écosystèmes marins vulnérables. Elle a été obtenue grâce à une forte volonté de députés européens, au travail de la Commission et à la mobilisation de certains États – au premier rang desquels la France. C’est une belle victoire et je tiens à saluer ici toutes celles et tous ceux qui ont contribué à l’arracher.

Le préjudice écologique, traduction dans la loi de la jurisprudence « Erika », est conforté par la version du texte à laquelle vous êtes parvenus : c’est une bonne nouvelle pour l’environnement et les acteurs économiques, qui ont désormais une visibilité juridique sur les conséquences de leurs actions. Nous le devons aux parlementaires qui en ont pris l’initiative – je pense à votre collègue sénateur Bruno Retailleau –, ainsi qu’à une collaboration fructueuse entre votre rapporteure et le Gouvernement.

Nous allons pouvoir réexaminer la question de la taxation de l’huile de palme dans son ensemble, en incluant toutes les huiles alimentaires et en intégrant une dimension incitative à travers des certifications de production durable. Cela permettra de répondre aux inquiétudes de pays producteurs et à un risque de contentieux devant les juridictions commerciales internationales au titre d’une discrimination.

Je sais que certains ont dénoncé un recul. Je veux bien qu’on considère que le courage en politique consiste à ignorer les conséquences, y compris diplomatiques ou commerciales, de ses décisions. Mais je crois exactement le contraire : le courage, c’est d’agir en examinant tous les paramètres et en adaptant ses décisions au contexte, dès lors – et c’est essentiel – qu’on ne perd pas de vue son objectif. En l’occurrence, l’objectif est bien de contribuer à mettre fin aux déforestations qui accompagnent encore trop souvent la production d’huile de palme.

Les services du ministère travaillent déjà sur cette question de la certification des huiles. Et, croyez-moi, nous ne lâcherons rien tant que nous n’aurons pas atteint notre objectif. C’est ce que vous avez voté, et c’est ce que nous ferons ensemble.

Sur les néonicotinoïdes, enfin, que de débats, mais aussi que d’avancées dans le débat !

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