Intervention de Christian Roques

Réunion du 12 juillet 2016 à 9h30
Commission d'enquête sur la fibromyalgie

Christian Roques, président du conseil scientifique de l'Association française pour la recherche thermale :

Dans le cadre des cures rhumatologiques, on propose aux patients atteints de fibromyalgie des soins adaptés à leur tolérance, qui est inférieure à celle des rhumatisants traditionnels, en particulier à celles des sujets porteurs d'arthrose, qui représentent l'essentiel des curistes rhumatologiques.

Il y a quatre ans, nous avons organisé au niveau national une réflexion à laquelle ont participé des médecins, des professionnels de santé, des représentants des établissements thermaux et des représentants d'associations de patients. À l'issue de ces quelque dix jours de travail en commun, nous avons, d'une part, optimisé le bouquet de soins hydrothermaux et, d'autre part, construit un programme d'éducation thérapeutique, qui est actuellement en place dans un certain nombre de régions, après avoir été validé par les ARS concernées.

Les soins hydrothermaux proprement dits ne diffèrent pas fondamentalement de ceux qui sont délivrés habituellement dans le cadre d'une cure rhumatologique : il s'agit de bains individuels, d'applications de boues, de massages, d'exercices collectifs de mobilisation en piscine d'eau minérale sous la direction d'un masseur-kinésithérapeute diplômé d'État. Les différences peuvent porter sur la température des produits – eau minérale ou boues –, la durée des soins et la pression exercée lors des massages. Sur les patients atteints de fibromyalgie, on ne réalise que des massages très superficiels ou « effleurages » destinés à activer les récepteurs cutanés de la sensibilité non douloureuse, lesquels bloquent l'entrée des influx douloureux au niveau de la moelle épinière. C'est ce qu'on appelle le « contrôle des portes ». A contrario, en rhumatologie, compte tenu de l'importance des contractures musculaires, on réalise très souvent des massages profonds qui visent à faire travailler les muscles. Un patient atteint de fibromyalgie ne tolérerait pas de tels massages. Il va de soi qu'on ne le traite pas comme un joueur de rugby ! La plupart du temps, les soins hydrothermaux sont complétés par des activités physiques adaptées et assortis de recommandations diététiques.

De la même manière, dans les établissements thermaux qui traitent les problèmes neurologiques ou les affections psychosomatiques, la température des bains et la durée des soins sont adaptés aux patients atteints de fibromyalgie. S'agissant plus spécifiquement des patients pour lesquels les troubles relationnels sont au premier plan du tableau clinique et qui sont pris en charge dans les établissements agréés pour l'orientation « affections psychosomatiques », la pression des douches – qui ont une grande importance dans le traitement de ces affections – est modulée pour rester à des niveaux relativement faibles, afin d'éviter de réveiller la douleur. Rappelons que les points douloureux provoqués par la fibromyalgie sont diagnostiqués lorsque le patient réagit à une pression de 4 bars, c'est-à-dire à la pression qui fait apparaître une ligne blanche au niveau du doigt.

Pour faire simple, il s'agit donc des soins habituels, mais « taillés sur mesure » de manière globale pour la population des patients atteints de fibromyalgie et adaptés très spécifiquement à la personne concernée, lors de la première consultation, qui vise à prescrire les soins, et de la consultation de suivi, qui a lieu en général une dizaine de jours après le début de la cure.

Les différences entre la cure thermale et la balnéothérapie conventionnelle sont de plusieurs ordres.

Premièrement, l'offre de soins proposée dans le cadre d'une cure thermale, en particulier d'une cure rhumatologique, est plus riche que celle que l'on peut faire en médecine ambulatoire, notamment en médecine de ville. Pour trouver une offre qui s'en approche, il faut s'adresser à des structures hospitalières publiques ou à des centres de rééducation fonctionnelle disposant de plateaux techniques lourds.

Deuxièmement, on n'a pas nécessairement la possibilité d'accéder, près de chez soi, à des structures techniques aussi lourdes, d'autant que celles-ci ont essentiellement vocation à être utilisées soit par des polytraumatisés graves, soit par des patients présentant des lésions neurologiques, en particulier par des hémiplégiques vasculaires – on compte 75 000 nouveaux cas d'hémiplégie vasculaire chaque année en France. Les perspectives de retrouver une autonomie optimale sont liées à une rééducation précoce, multidisciplinaire et intensive, qui ne peut être dispensée que dans ce type de structures. L'accès aux soins est plus confortable dans un établissement thermal, dans lequel tous les soins sont regroupés et qui se trouve, par définition, à proximité des patients.

Troisièmement, la cure thermale revêt plusieurs dimensions thérapeutiques différentes. On parle d'ailleurs d' « intervention thérapeutique complexe ». Les soins hydrothermaux, eux-mêmes multiples, ont la particularité d'agir de manière diffuse sur le corps, à la différence des techniques de kinésithérapie ou de physiothérapie conventionnelle, qui sont plus souvent segmentaires. En outre, le séjour thermal s'accompagne d'un changement de cadre de vie et, le cas échéant, d'un changement de climat. A contrario, lorsque l'on reste au domicile familial, les possibilités de repos sont beaucoup plus restreintes, en particulier pour les femmes, car il leur est difficile de se soustraire à un minimum de tâches domestiques.

Quatrièmement, il y a l'apport analgésique propre de l'élément minéral. Nous disposons d'un certain nombre d'études, toutes effectuées dans le domaine de la rhumatologie, qui ont consisté à comparer des groupes de patients de manière scientifiquement valable – c'est-à-dire en tirant les patients au sort. Il s'est agi de comparer, d'une part, des patients traités par des bains d'eau minérale et des patients traités par des bains d'eau de réseau et, d'autre part, des patients recevant des applications de boues thermominérales, appelées « péloïdes », et des patients recevant des applications de paquets chauds ou de boues neutres.

Dans le domaine de la fibromyalgie, une étude a permis de comparer un groupe de patients bénéficiant de la balnéothérapie thermale à un groupe témoin traité par hydrothérapie à l'eau de réseau. En termes d'action sur la douleur, les résultats ont été les suivants : avant le début du traitement, les patients des deux groupes avaient évalué en moyenne leur douleur à un niveau quasi identique, respectivement 72 et 71 sur une échelle de 100 ; au bout de trois mois, les patients du premier groupe ont évalué en moyenne leur douleur à 29, contre 42 pour le second groupe. La différence est donc significative.

Nous disposons de données plus riches dans le domaine de la lombalgie : la balnéation en eau minérale réduit la douleur de 24 points en moyenne, contre 8,5 points pour la balnéation en eau de réseau.

Dans le domaine de l'arthrose du genou, la diminution de la douleur est en moyenne de 20 points en cas d'applications de péloïdes, contre 4 points en cas d'applications de paquets chauds.

Donc, dans les soins hydrothermaux, il semble qu'il y ait, en plus des caractéristiques physiques – chaleur, immersion –, une certaine dimension apportée par la minéralité. Cela peut, au demeurant, se comprendre, sachant que la perméabilité de la peau est accrue tant par la balnéation que par les applications de boues.

Enfin, j'insiste sur la question du coût, évoquée précédemment par M. Bouvier. Ainsi que je l'ai indiqué, seuls des centres de rééducation ou des services de rééducation de centres hospitaliers publics équipés de plateaux techniques lourds sont capables de délivrer des soins comparables à ceux qu'offrent les établissements thermaux. Or le coût moyen d'une journée en hospitalisation de jour dans de tels centres ou services varie de 70 à 100 euros – sachant que les soins sont généralement concentrés sur une demi-journée. Précisons toutefois que ces chiffres sont un peu anciens, la notion de prix de journée étant devenue plus floue avec les modifications de la tarification hospitalière. Le coût de la cure thermale s'établit, quant à lui, à environ 35 euros par jour. La différence de coût est donc très grande entre les deux types de prestation, en tout cas pour l'assurance maladie.

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