Messieurs les députés, soyez aimables, tout de même.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames et messieurs les députés, une semaine après l’attentat de Nice, l’émotion reste immense dans notre pays. En visant la France un 14 juillet, tuant aveuglément quatre-vingt quatre innocents, le terrorisme s’en est pris aussi à nos symboles, à notre devise, à nos valeurs.
La volonté du Gouvernement est claire – et je sais qu’elle est partagée par la représentation nationale – : nous ne laisserons pas le terrorisme diviser notre pays. Nous ne laisserons pas le terrorisme fragiliser notre société. Nous ne laisserons pas le terrorisme fissurer la République.
Dans de tels moments, il n’y a pas de place pour la division, il n’y a pas de place pour la dispersion. Et je crois qu’en nous réunissant ce matin pour examiner les conclusions de cette commission mixte paritaire sur le projet de loi de prolongation de l’état d’urgence, nous faisons la démonstration de notre unité face à la terreur et ce faisant nous nous montrons à la hauteur de ces événements.
L’unité, ce n’est pas l’absence de débat, de contrôle ou d’évaluation mais je tiens à le dire : le débat, ce n’est pas la remise en cause systématique de l’action de l’État, de nos forces de l’ordre et de nos services de renseignement à laquelle certains peuvent se livrer.
La France est une démocratie vivante : c’est sa force. Et le débat a eu lieu, mardi soir à l’Assemblée nationale comme hier soir au Sénat. Tous les arguments, toutes les propositions ont pu être entendus. Le Gouvernement a accepté que son texte évolue et je me réjouis qu’un accord ait pu être trouvé entre les deux assemblées.
Un accord ; l’unité de la nation et de ses représentants face au terrorisme : voilà ce que les Français exigent de nous ! La responsabilité de l’État, du Gouvernement et du Parlement – notre responsabilité collective –, c’est d’abord de prévoir les moyens humains et les outils juridiques nécessaires à une lutte efficace contre le terrorisme.
Concernant les moyens humains, vous le savez, le Président de la République a décidé de maintenir l’opération Sentinelle, mobilisant ainsi 10 000 militaires. Cela permettra prioritairement d’assurer le contrôle des flux aux frontières, dans les gares, les aéroports et de sécuriser les grands rassemblements estivaux. Cette présence sera rééquilibrée entre Paris et les régions.
Nous avons aussi décidé de mobiliser la réserve opérationnelle civile, qui compte déjà 12 000 volontaires. C’est essentiel pour venir en aide à des forces de l’ordre déjà éreintées même si elles maintiennent un engagement sans faille au service de l’État.
Donner à nos forces de l’ordre les moyens d’agir après cet attentat, c’est aussi l’objectif du projet de loi que vous examinez aujourd’hui.
L’état d’urgence, c’est un régime réactif et efficace. Il a fait ses preuves. Depuis le 14 novembre 2015, ce sont 3 594 perquisitions administratives qui ont été menées. Elles ont permis la saisie de 756 armes. Elles ont conduit à l’ouverture de 600 procédures judiciaires. C’est pourquoi le Président de la République a décidé, dans la nuit du 14 au 15 juillet, de le prolonger.
Cette prolongation a nécessité un travail intense des deux assemblées et je tiens à vous remercier, monsieur le président de l’Assemblée nationale, d’avoir permis l’examen de ce texte dans les meilleures conditions.
Je souhaite également vous remercier, monsieur le président Dominique Raimbourg, pour avoir réuni mardi la commission des lois dans les meilleurs délais, ainsi que vous, monsieur le rapporteur Pascal Popelin, qui avez joué un rôle essentiel dans l’aboutissement de cette commission mixte paritaire.
Je crois que, lors de nos débats, nous avons su, Gouvernement et parlementaires de toutes sensibilités, le plus souvent nous retrouver sur l’essentiel. Ce travail a permis d’enrichir le texte initial de plusieurs dispositions nouvelles.
Le texte qui vous est soumis ce matin repose sur deux piliers : le renforcement de l’état d’urgence d’une part, la consolidation des mesures de droit commun de lutte contre le terrorisme d’autre part.
Le premier pilier, celui de l’état d’urgence, a été enrichi par les deux assemblées, au travers, d’abord, de l’allongement de la durée de cette prorogation de trois à six mois. À la suite des décisions du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a assorti les perquisitions administratives d’un régime de saisie des données numériques. À l’initiative de l’Assemblée nationale, la retenue sur les lieux de la personne faisant l’objet d’une perquisition administrative sera désormais possible. Vous avez adopté une mesure permettant les fouilles des bagages et des véhicules et les contrôles d’identité. Le Sénat y a également travaillé et un accord sur ce point a pu être trouvé en CMP.
Le second pilier relève de l’initiative du Parlement. Il démontre combien les parlementaires se sont saisis de cette question de la lutte antiterroriste. Certaines mesures viennent consolider l’infraction d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, qui est la clé de voûte de la politique pénale en matière de lutte antiterroriste. D’autres légalisent ce qui est d’ores et déjà la pratique des juges en matière d’application des peines dans la lutte pour des faits de terrorisme. D’autres encore consolident les mesures de la loi relative au renseignement dans le domaine de la lutte antiterroriste.
Mesdames, messieurs les députés, les Français attendent de nous une réaction à la hauteur de l’attaque que nous avons subie. Ils ne comprennent pas que l’on puisse nourrir de vaines polémiques. Ils savent parfaitement que la situation est complexe, que le combat pour l’éradication du terrorisme sera long et qu’il fera peut-être de nouvelles victimes sur notre sol.
Je crois que le débat que nous avons eu répond à cette exigence. Je veux encore une fois saluer votre travail et celui de vos collègues sénateurs car, dans votre immense majorité, vous avez examiné ce texte avec l’envie d’apporter des solutions, des outils concrets à nos forces de l’ordre et de renseignement. Vous avez examiné ce texte conformément à l’exigence de responsabilité et d’unité qui doit être celle de tous les républicains quand la cohésion nationale est menacée.