Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 13 juillet 2016 à 14h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, Présidente de la Commission :

Je vous remercie, madame l'ambassadeur, d'avoir accepté notre invitation. Depuis le vote du 23 juin, la situation intérieure britannique a changé : nous avons l'impression que le Royaume-Uni tangue quelque peu, tout comme l'Union européenne d'ailleurs.

Après avoir eu le sentiment, dans un premier temps, que la classe politique britannique souhaitait se remettre de l'événement avant de passer à l'étape suivante, la brusque accélération, du côté des conservateurs, fait que Mme Theresa May doit être, à l'heure où je m'exprime, sur le point de diriger le Royaume-Uni.

La classe politique britannique paraît en totale recomposition depuis le référendum. Même si Mme May, qui est, si j'ai bien compris, plutôt considérée comme une centriste que comme une proche de M. Johnson, prend les choses en main, va-t-elle, selon vous, aller assez vite pour le Brexit ? Comment, plus largement, est perçue sa nomination du côté des travaillistes ? On sent, malgré un certain flou, que M. Corbyn est fragilisé.

Nous observons également attentivement les risques de « désunion » du Royaume-Uni. Aussi souhaitons-nous vous entendre au sujet de l'Irlande et de l'Écosse. Le fait que Jean-Claude Juncker ait reçu le premier ministre de l'Écosse, Mme Nicola Sturgeon a pu conduire certains à s'interroger. Nous souhaitons par ailleurs recueillir votre avis sur la question de Gibraltar.

Après le choix du peuple britannique, qu'il convient bien sûr de totalement respecter, quel est votre point de vue sur l'activation de l'article 50 du traité sur l'Union européenne ? J'étais lundi à Bratislava, à la réunion de la COSAC marquant le début de la présidence slovaque de l'Union européenne. J'ai constaté, de la part des vingt-sept États membres, la volonté qu'on applique le plus vite possible ce dispositif. Reste que seul le Royaume-Uni peut le mettre en oeuvre, ce que nous a rappelé ce matin-même votre homologue, ambassadeur d'Allemagne en France. Y aurait-il des velléités de contournement du Brexit ? Quels sont, sinon, les points durs de la négociation du côté britannique ?

Nous avons en outre eu au cours de la COSAC deux échos très différents : l'un de Sir William Cash, membre pro-Brexit de la Chambre des Communes, qui a évoqué les relations privilégiées du Royaume-Uni avec les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ; et l'autre, de Lord Boswell of Aynho, membre de la Chambre des Lords, opposé au Brexit, qui n'a pas caché sa nostalgie de l'Union européenne et qui a souligné la nécessité de continuer de travailler ensemble, certaines solidarités ne pouvant être perdues.

Une bonne partie de la campagne, dans ce qu'elle a eu de pire, s'est faite sur l'idée que l'Europe se serait construite sur le modèle britannique et serait donc devenue un grand marché et rien d'autre, un marché qui ne protège pas. Il y a eu un rejet très fort d'une partie de la classe politique, me semble-t-il, et pas seulement au Royaume-Uni, d'une Europe qui n'est pas sociale, mais seulement une Europe des élites et des riches. De ce point de vue, comment se présente la question, beaucoup débattue, des travailleurs détachés et quelle est la perception des conséquences sociales du Brexit outre-Manche ?

La situation du secteur financier soulève bien entendu de vives inquiétudes, en particulier chez les tenants du grand marché. Reste que nous avons pu observer un comportement irrationnel, mais plutôt assez restreint. La panique annoncée n'a pas eu lieu, ce dont nous pouvons nous réjouir, et les conséquences sur l'activité économique, aussi bien du côté du Royaume-Uni que du côté de l'Union européenne, peuvent être limitées. L'avenir de la place financière de Londres et des places financières européennes est important et l'on assiste à une sorte de compétition délétère pour « récupérer » tout ou partie de la City. Il me semble à cet égard que les projets de fusion entre les bourses de Londres et de Francfort, toujours en bonne voie, adoptés par la London Stock Exchange (LSE) de la Deutsche Börse, devraient calmer quelque peu ceux qui voient un intérêt à un éclatement de la City.

J'en viens à la défense. Il y a deux grandes armées européennes : la britannique et la française. Du fait du Brexit, la défense européenne ne risque-t-elle pas de se recentrer sur l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) qui jouerait, d'une certaine manière, le rôle de valeur refuge au détriment de la lente construction d'une politique européenne de défense qui avait commencé de poindre ?

Enfin, quelle vont être les conséquences du Brexit et sur les ressortissants français au Royaume-Uni et sur les ressortissants britanniques en France ?

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