Intervention de Gilles Savary

Réunion du 20 juillet 2016 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary :

Je veux tout d'abord dire à notre collègue Bernard Roman combien j'ai été impressionné par son exposé préliminaire, qui correspond à ce que l'on peut attendre de ce type d'exercice. Je n'en suis pas étonné. Je suis de ceux qui souhaitaient qu'à cette étape du développement de l'ARAFER, qui a encore besoin de faire ses preuves, on nomme à sa tête un politique plutôt qu'un fonctionnaire qui aurait éventuellement terminé sa carrière dans son corps d'origine et dont l'état de dépendance aurait été forcément plus fort.

Le système ferroviaire et autoroutier est très opaque ; il est géré jusqu'à présent par la raison d'État et par des personnes soumises à une certaine discipline dès lors qu'elles sont nommées par décret. S'agissant des autoroutes, un protocole d'accord a été négocié par des députés qui n'y ont pas eu accès le jour où il a été signé ; il y a donc bien des dysfonctionnements considérables de l'État. Quant à notre système ferroviaire, il a à relever d'immenses défis. M. Pierre Cardo s'est efforcé d'assurer un minimum de transparence afin que nous puissions être informés de ce qui se passe dans cette boîte noire gérée par les cabinets, la haute administration et le ministre. Il est en effet très important que l'on puisse prendre conscience de l'état du système ferroviaire, ce qui n'est pas le cas de tous les acteurs, y compris des acteurs syndicaux, qui parfois le bloquent. L'autorité de régulation doit donc être suffisamment forte, sans se prendre pour l'État ou pour l'opérateur ferroviaire, pour assurer une surveillance intransigeante.

Vous devrez contrôler la trajectoire financière de la SNCF, dont la dette n'est pas de 40 milliards mais de 51 milliards si l'on ajoute à celle de SNCF Réseau celle de SNCF Mobilités. Au lieu d'être réduite de 1,5 milliard comme cela était prévu lors de la réforme ferroviaire, elle a augmenté de 3 milliards, pour des raisons qui tiennent au lancement de quatre lignes à grande vitesse. Nous allons donc dans le mur ! Pour le moment, le faible niveau des taux d'intérêt l'éloigne un peu, mais une augmentation de ces derniers pourrait provoquer très rapidement un collapsus du système ferroviaire français qui est l'un des plus brillants d'Europe au plan technique.

Vous devrez également être intransigeant sur la mise en oeuvre de la règle d'or, dont on dit qu'elle serait tripatouillée pour que puissent être acceptées de nouvelles voies LGV, alors que le modèle économique des LGV se dégrade de manière très préoccupante et que l'on souhaite, par ailleurs, développer les trains du quotidien.

Vous aurez, bien entendu, à surveiller la crédibilité des contrats d'objectifs, très importants dans la réforme ferroviaire puisqu'ils doivent conduire l'État à afficher un plan d'investissement crédible qui ne pénalise pas le système ferroviaire. Ils doivent permettre de le rénover et de le relancer, sans pour autant s'apparenter, comme ce fut le cas avec le SNIT (Schéma national des infrastructures de transport), à une corne d'abondance permettant de financer tous les projets de France.

Par ailleurs, comment mesurer la productivité du système en l'absence de comptabilité analytique ? Il y a deux ans, on nous disait, dans le cadre de la réforme ferroviaire, que des économies seraient réalisées à hauteur de trois fois 500 millions. Aujourd'hui, on nous dit que ces économies sont pratiquement atteintes : comment s'en assurer ? Nous sommes là dans le domaine de la prestidigitation…

Enfin, il faudra gérer l'ouverture du rail à la concurrence. En la matière l'ARAFER devra être non seulement une autorité de la concurrence, mais aussi une autorité du ferroviaire, attentive aux grands équilibres. S'agissant de la route, de nouveaux champs vont s'ouvrir, qu'il s'agisse du transport particulier de personnes, dans lequel l'État a du mal à jouer un rôle de régulateur, ou des poids lourds.

En tout état de cause, je voterai sans aucune difficulté en faveur de votre candidature, car il s'agit d'une bonne candidature. Pour être tout à fait honnête, ce n'est peut-être pas l'avenir du système ferroviaire qui l'a motivée, mais celui-ci n'aura pas à s'en plaindre. (Rires)

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