Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 15 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon, membre de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale française :

Étant un vieux routier des réunions du Triangle de Weimar, je suis heureux de saluer nos collègues du Bundestag et du Parlement polonais, tant il y a d'intérêt à confronter nos réflexions, d'autant plus que l'Europe vit une véritable situation de crise. Or, en période de crise, il ne faut pas hésiter à nommer les difficultés avec les mots qui conviennent, plutôt que de se cacher derrière elles.

L'Europe vit donc une véritable crise dont attestent la tentation du Brexit et toutes les conséquences qui pourraient en découler, la crise de l'euro, mais aussi l'incompréhension de plus en plus forte des peuples à l'égard du modèle européen, et son corollaire qu'est la montée des mouvements extrémistes et anti-européens dans tous les pays. La crise des réfugiés ajoute à cette situation une difficulté particulièrement grave, parce qu'outre le fait qu'elle s'ajoute aux crises que j'ai évoquées et à d'autres encore, elle se caractérise par un aspect humain très fort, auquel nous sommes sensibles. On ne saurait en effet promouvoir le modèle européen qui nous rassemble depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale tout en acceptant que des gens meurent aux portes de l'Europe, dans des bateaux en Méditerranée ou dans des camions sur les autoroutes autrichiennes.

Cependant, ces crises doivent être l'occasion de refonder le pacte européen et de transgresser – j'emploie le terme à dessein – un certain nombre de règles dont nous constatons qu'elles ne sont plus pertinentes. N'hésitons pas à dire que le système de Schengen est mort. Il ne faut pas seulement le réformer, mais le refonder totalement, et cette refondation doit être un projet commun et un défi que nous devons relever ensemble.

Il va de soi que la Turquie est un grand pays, avec lequel nous devons absolument entretenir des relations importantes, notamment sur la question des réfugiés. Toutefois, je dirai avec amitié à mes amis allemands que cette relation ne doit pas être le fait d'un seul pays, mais de l'Europe en tant qu'entité institutionnelle. Si la relation qui existe entre Mme Merkel et le président Erdoğan a suscité des incompréhensions, c'est parce que nous avons eu le sentiment que l'Allemagne faisait cavalier seul. Nous ne pouvons accepter un quelconque chantage de la part de la Turquie ; d'autre part, comme l'a indiqué M. de La Verpillière, nous sommes nombreux à ne pas hésiter à affirmer notre opposition à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

Puisque nous nous connaissons bien et que nous avons de nombreuses relations mutuelles, je tiens à conclure en disant un mot de la situation particulière dans laquelle se trouve la France s'agissant des réfugiés. Loin de moi l'intention de créer des polémiques ou d'alimenter un quelconque clivage entre droite et gauche ; regardons simplement les choses en face, car cela peut expliquer certaines des positions prises par la France, et la déception que certains d'entre vous ont pu éprouver quant à la manière dont notre pays traite ou non la question des réfugiés. La France se trouve dans une situation particulière parce qu'elle est en crise sur le plan économique et social, mais aussi sur celui de sa relation avec l'Europe, et sur le plan politique – sans les institutions de la Ve République, qui sont toujours une curiosité pour nos amis européens, la France ne pourrait en effet pas résister aux crises qu'elle traverse.

J'ajoute que notre pays, comme nous le rappelle l'actualité, constitue une cible pour les terroristes, parce que nous sommes engagés dans la lutte contre le terrorisme en Afrique et en Syrie – de ce point de vue, nous avons eu le sentiment, disons-le, que la France était quelque peu esseulée en Europe dans la lutte contre le terrorisme, même si certains pays nous ont tardivement rejoints.

Autre particularité, que d'autres pays comme l'Allemagne, hélas, partagent désormais avec nous, même si ce n'est pas dans les mêmes proportions : nous sommes confrontés à la montée croissante et régulière des extrêmes, qui inquiètent ceux qui, comme nous, sont attachés à la démocratie. Vous ne pouvez pas, chers amis, juger de la position de la France sur la question des réfugiés en omettant le fait qu'un parti extrémiste renforce son poids à chaque élection au point d'être devenu lors d'un récent scrutin le premier parti de France. Il faut tenir compte de cette situation de politique intérieure lorsque l'on aborde le problème des réfugiés, sachant en outre que la France compte une forte population immigrée provenant d'Afrique et du Maghreb, ce qui la place dans une situation bien différente de nombreux autres pays européens.

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