Intervention de Hélène Gassin

Réunion du 12 juillet 2016 à 15h00
Commission des affaires européennes

Hélène Gassin, membre du collège de la Commission de régulation de l'énergie :

(CRE). Un des enjeux auxquels nous sommes confrontés est la crise économique durable que nous traversons et qui s'accompagne à la fois de ce que je pourrais qualifier de baisse de la valeur de l'argent et d'une modification de l'appréhension du risque par les investisseurs.

Le contexte est également marqué par la transition énergétique. Le phénomène avait beau être partiellement prévisible, il n'a été que très imparfaitement intégré dans les anticipations, et l'Europe se trouve aujourd'hui avec une capacité de production qui a augmenté de près de 80 % depuis les années 2000 – ce qui n'est pas uniquement imputable aux énergies renouvelables, la production de gaz ayant elle aussi augmenté de près de 80 % –, tandis que la consommation n'a augmenté, elle, que de 7,5 %. Il y a donc un problème d'adéquation entre l'offre et la demande sur la plaque européenne.

Il faut également souligner la forte chute des prix des combustibles – gaz, pétrole ou charbon – ainsi que la problématique valorisation du carbone, le marché européen du carbone ne donnant pas de signal prix suffisamment significatif. Dans ces conditions, la rentabilité du charbon est supérieure à ce qui avait été anticipé, ce qui entraîne des difficultés pour les opérateurs de centrales à gaz, qui voient leur compétitivité compromise.

Se pose enfin la question du rythme des changements, qui s'accélère dans un secteur encore largement régulé il y a quinze ans à peine et dont l'échelle de temps réelle s'étend sur plusieurs décennies, qu'il s'agisse des infrastructures de réseau ou des outils de production, alors que la visibilité sur les marchés de gros n'excède pas quelques années. Il y a donc aussi un problème de concordance des temps.

En ce qui concerne les prix, on a dit que les prix de marché de gros étaient trop bas – en tout cas, dans le centre-ouest de l'Europe – pour favoriser l'investissement, tandis que les prix de détail avaient, eux, tendance à augmenter ou à moins baisser, pour les raisons qu'a expliquées François Brottes : contributions au financement des infrastructures ou des filières renouvelables, à quoi s'ajoutent des dispositifs de protection des industries électro-intensives qui, mécaniquement, reportent la charge sur les autres consommateurs.

Au final, certains opérateurs sont en grande difficulté et des centrales sont fermées ou mises sous cocon. D'où des inquiétudes qui se multiplient au sujet de la sécurité d'approvisionnement et qui poussent les différents États membres à multiplier les dispositifs nationaux peu, voire pas coordonnés, au risque de perdre une partie des bénéfices de l'intégration, sachant que les objectifs ont globalement été atteints en matière de réseaux et d'intégration des marchés.

Pour conclure sur les principaux enjeux qui doivent nous occuper, il y a d'abord l'adaptation du marché européen aux énergies renouvelables et aux instruments de flexibilité – effacement ou stockage –, et réciproquement. Se pose également la question de la sécurité d'approvisionnement, sachant que le contexte de surcapacité renvoie à une réalité complexe, car l'excédent d'énergie produite n'est pas nécessairement disponible au moment où on le souhaite.

Les États mettent en place des mécanismes de capacité qui soulèvent la question de l'édiction de règles communes d'évaluation de la sécurité d'approvisionnement, afin de rendre compatibles les différents mécanismes nationaux.

La gouvernance globale du système pose à elle seule de nombreuses questions : on parle de renforcer la coopération régionale, mais cela doit-il passer par une coopération renforcée des réseaux de transport d'électricité ou par des transferts de responsabilité, ce qui est très différent, sachant qu'aujourd'hui la logique est celle de coopérations volontaires ? Qu'en est-il du futur rôle de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et du rôle des régulateurs nationaux ?

Enfin, faut-il persister dans une approche ascendante (bottom-up) du marché, consistant à consolider l'intégration à partir d'initiatives volontaires, ou doit-on désormais privilégier une approche descendante (top-down), plus normative, l'une et l'autre ayant leurs avantages et leurs inconvénients ?

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