Le marché européen de l'énergie fonctionne de façon efficace au quotidien, au sens où ce sont les centrales dont les coûts variables sont les moins élevés qui sont sollicitées pour couvrir la demande.
Cela étant, le fait que le mégawattheure soit actuellement à 30 euros en France et à 25 euros en Allemagne n'a aucun sens en termes économiques, et il faudrait au minimum doubler ce prix pour pouvoir couvrir les investissements, qu'il s'agisse du secteur des énergies renouvelables ou conventionnelles.
Le marché est donc extraordinairement et durablement déprimé, en proie à de forts dérèglements. Ainsi, l'Allemagne annonce-t-elle 24 à 25 milliards d'euros de subventions aux énergies renouvelables, payées par les consommateurs d'électricité. Or sa consommation intérieure annuelle intérieure est de l'ordre de 530 térawattheures d'électricité, soit, avec un coût de marché autour de 25 euros, une consommation globale d'une valeur de 14 milliards d'euros au prix de marché. En d'autres termes, mue par l'idée de libéraliser le marché, l'Europe en est arrivée aujourd'hui à instaurer une économie de la subvention, même si l'Allemagne est un exemple extrême.
À ce dérèglement s'ajoute le fait que nous n'avons pas su articuler correctement la politique de libéralisation du marché et la politique de lutte contre le changement climatique. Ainsi, avec un prix du CO2 à 5 euros la tonne, envoie-t-on aux agents économiques un signal de quasi-gratuité qui ne peut que les inciter à en produire. Et c'est ce qui se passe concrètement, les centrales à charbon fonctionnant aujourd'hui à plein. Deuxième exportateur d'électricité derrière la France à l'échelle européenne, l'Allemagne aujourd'hui n'exporte pas du renouvelable mais bien de l'électricité produite par les centrales à charbon, celles-ci ayant gagné la bataille de la concurrence avec les centrales à gaz des pays voisins.
Autrement dit, le dérèglement des prix n'affecte pas uniquement les investissements à long terme mais également le fonctionnement du système à court terme, en favorisant les émissions de CO2. Si nous voulons mettre un terme à ces dérèglements et décarboner la production, il faut donc régler la question du signal prix et donner au CO2 un prix pertinent. Cela fait partie des sujets qui sont sur la table et doit être abordé de façon prioritaire, si l'enjeu dominant est de redonner la main aux acteurs du marché pour qu'ils s'orientent vers les solutions économiques les plus pertinentes et les plus favorables au consommateur.
D'autres points importants méritent également d'être abordés, comme le marché de capacité. Il s'agit d'un enjeu majeur, dans la mesure où la fermeture d'importantes capacités de production est susceptible de remettre en cause notre sécurité d'approvisionnement.