L'Union européenne s'efforce d'optimiser les ressources et les infrastructures dont elle dispose dans le respect des compétences nationales, à savoir le choix du bouquet énergétique, celui de l'exploitation des ressources naturelles et celui de la taxation, trois décisions importantes qui relèvent des États.
Tout ce qui a été entrepris jusqu'à présent dans l'optique de créer un marché intérieur me semble aller dans cette direction, qui s'inscrit, depuis l'accord de Paris signé en décembre dernier, dans la perspective d'une économie bas carbone. Nous devons pour cela tenir compte de la diversité des sources d'énergie : le nucléaire, les énergies renouvelables, le gaz ou le charbon, sachant que ce dernier, malgré l'hypocrisie manifeste qui a empêché le sujet d'être abordé lors de la COP21, est incontestablement un problème. Nous devons désormais être clairs : nous ne voulons plus de charbon et nous devons établir en conséquence une feuille de route pour l'éliminer.
Une autre composante du marché à prendre en compte pour la gestion de la ressource est la demande. Si, jusqu'à présent, elle se limitait à des kilowattheures vendus et consommés bêtement les uns après les autres, cette époque-là est révolue, et nous devons aujourd'hui imaginer une demande « intelligente », qui soit pleinement partie prenante au marché, ce qui exige qu'elle reçoive pour cela les signaux nécessaires.
En ce qui concerne les infrastructures, nos capacités ont augmenté de 80 % depuis l'an 2000 et sont aujourd'hui non seulement largement excédentaires mais mal distribuées. Cela peut se résoudre grâce aux interconnexions qui existent déjà et à celles que nous pouvons encore créer afin d'optimiser notre parc de génération d'électricité en rendant l'ensemble du système et notamment les réseaux plus intelligents. Cela implique d'intégrer au marché l'ensemble des acteurs du secteur, tout en repensant et en approfondissant les relations entre distributeurs, entre distributeurs et transporteurs, entre transporteurs et générateurs.
Cette optimisation requiert une confiance mutuelle entre les États membres, confiance mutuelle qui est à la base de tout ce qui a été entrepris depuis plus de cinquante ans. Sans elle, chacun organisera seul sa sécurité d'approvisionnement, pour aboutir à une production chère et excédentaire, les Européens n'ayant plus d'autre choix que de se partager le gâchis, selon le principe garbage in, garbage out.
Il nous faut donc accroître la coopération entre les gestionnaires de réseaux de transport (GRT). François Brottes a évoqué Coreso ; cet instrument fabuleux, créé en 2006 sur une base purement volontariste pourrait être un formidable outil opérationnel si les États membres y consentaient plutôt que de se borner à élaborer sur dix ans des plans de développement des réseaux strictement nationaux. Il nous faut inscrire la sécurité d'approvisionnement dans un cadre européen fondé sur une même méthodologie d'adéquation des capacités de production, sur des normes de protection communes et sans doute sur un rôle plus important confié à l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER), en tant que régulateur européen. Il faut enfin favoriser la coopération régionale ; à ce titre le forum pentalatéral qui réunit l'Allemagne, la France et le Benelux est incontestablement un excellent laboratoire. Jean Monnet disait que l'Europe devait se construire pas à pas sur des choses concrètes : grâce aux efforts accomplis ces dix dernières années, nous pouvons, me semble-t-il, nous atteler aujourd'hui à ces tâches très concrètes.