Le prix du carbone est à mettre en relation avec la baisse des prix de l'électricité sur le marché puisque c'est ce qui permet au charbon ou au gaz de schiste américains d'être compétitifs. Les phénomènes n'ont rien à voir avec les énergies renouvelables, comme l'a dit Jean-Louis Bal.
En ce qui concerne le mécanisme de capacité, j'ai voulu dire qu'il s'agit d'un problème franco-français dû à notre important problème de pointe de consommation électrique. Aux députés qui ont refusé de voter en faveur de l'obligation de rénovation des logements, j'indique que ce serait pourtant la solution la plus intelligente, à tout point de vue, pour résoudre le problème. Il ne suffit pas de gérer la pointe de consommation électrique de 100 gigawattheures du mois de février, bien connue de RTE, il s'agit de la réduire. Pour ce faire, la meilleure solution consiste à transformer les passoires énergétiques en logements bien isolés, bien chauffés, dotés de systèmes électriques efficaces et éventuellement de pompes à chaleur.
À Marc Bussieras, je répondrais que la part de l'électricité va bien augmenter dans la consommation totale de la France, mais elle ne va pas croître en valeur absolue. Comme le constate RTE, le confort augmente et, avec lui, le nombre d'objets électriques que nous utilisons. Pour autant, la consommation en kilowattheure, en mégawattheure ou en gigawattheure a tendance à stagner, voire à baisser. C'est une très bonne nouvelle, sauf pour les gens incités à vendre du kilowattheure par leur modèle économique. Ils vont devoir s'adapter au nouveau monde, d'une manière ou d'une autre.
Un élément n'a pas été cité : la connexion des marchés au niveau thématique, je veux parler de tous les ajustements rapidement évoqués par François Brottes. À moyen et long terme, des opérations comme le réglage de la fréquence ne seront plus opérées par quelques grandes installations – machines tournantes, gros alternateurs de centrales nucléaires ou thermiques –, mais elles seront régies par des milliers, voire des dizaines de milliers d'éoliennes ou de parcs photovoltaïques. La recherche appliquée s'intéresse à ces sujets, et les technologies sont déjà comprises et disponibles. Comme l'a dit François Brottes, la sécurité d'approvisionnement sera assurée grâce à la numérisation qui permettra au réseau de dialoguer avec ces milliers ou dizaines de milliers de machines.
François Brottes a aussi parlé de « l'ubérisation » que je perçois comme un risque et un danger, mais une autre évolution me paraît beaucoup plus intéressante : la relocalisation. Comme l'a dit Hélène Gassin, la consommation a toujours été diffuse et la production va le devenir de plus en plus. Le phénomène se produit dans des territoires où se trouvent des collectivités locales, des opérateurs économiques, des agriculteurs, des habitants. Ces gens-là, qui ne sont que consommateurs d'électricité, vont devenir aussi producteurs. Ces systèmes impliquent des ajustements sur le plan technique, mais ils sont solides en termes de durabilité – dans le temps et sous l'aspect environnemental.
« L'ubérisation », la blockchain et autres ne permettront pas au système électrique de fonctionner correctement ; ils vont le fragiliser. Que ce soit pour la production ou le stockage, mieux vaut compter sur une échelle locale. À notre avis, il ne faut pas installer des batteries chez M. Tout le monde, ni construire d'immenses systèmes de stockage au seul niveau du réseau de transport. Il faut réfléchir à des échelles locales, régionales, cantonales. Que ce soit en ville ou dans le monde rural, nous devons envisager des échelles collectives, à taille humaine et cohérentes avec les échelles de production que les technologies actuelles nous permettent d'imaginer.
Revenons sur les subventions aux énergies renouvelables, dont il est tant question. Qui mentionne les subventions accordées aux énergies fossiles et nucléaires ? Avez-vous une idée du nombre de dizaines ou de centaines de milliards d'euros dont ces industries ont bénéficié dans le passé ? Le dernier arrivant essuie cette critique à longueur de temps mais je pense qu'il faudrait faire la vérité des prix en remontant dans l'histoire.
Le pétrole est encore subventionné et, du reste, l'absence de taxation du CO2 est une forme de subvention déguisée qui devrait cesser. Le nucléaire aussi a des avantages : il n'est pas assuré à hauteur des risques qu'il engendre pour l'ensemble de la société ; sa R&D a été financée par les impôts et non par le kilowattheure électrique. Il serait d'autant plus malvenu de leur opposer cet argument des subventions, que les énergies renouvelables ont fait des progrès techniques et industriels absolument remarquables : elles étaient réservées à la conquête spatiale et sont devenues des produits compétitifs en quelques dizaines d'années à peine.
Dans les appels d'offres de Dubaï – certes, ce n'est pas chez nous et il y a beaucoup de soleil là-bas –, le prix du kilowattheure est de 3 centimes pour les grandes centrales au sol. Il n'y a pas si longtemps, moi qui suis dans le photovoltaïque depuis trente ans, je n'imaginais pas que cela arriverait avant 2050. Il faut relativiser cette question de subventions. Au moins jusqu'en 2030, il faut garantir aux producteurs un revenu correct pour qu'ils puissent investir. Ce ne sont pas les énergies renouvelables qui doivent s'adapter au marché, c'est le marché qu'il faut reconstruire pour que les énergies renouvelables puissent se développer correctement. Il faut respecter bien d'autres conditions que les règles du marché pour inscrire les politiques énergétiques, et les politiques électriques en particulier, dans une perspective de long terme.