Intervention de Philippe de Ladoucette

Réunion du 20 juillet 2016 à 11h30
Commission des affaires économiques

Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie :

Nous ne pouvons pas inventer quelque chose à partir de rien. N'oubliez pas que le TURPE, comme toutes les décisions de la CRE, est susceptible d'être contesté devant le Conseil d'État. Si nous inventions quelque chose, il faudrait que nous puissions le justifier juridiquement.

S'agissant de la CSPE, Monsieur Laurent Furst, je vous ai donné des chiffres qui n'étaient pas publics jusqu'à présent et dont vous avez donc la primeur. C'est un modèle nouveau. Nous gardons le mécanisme de plafonnement de l'ancienne CSPE, pour l'instant à 22,50 euros, et tout ce qu'il est nécessaire de couvrir au-delà sera réparti entre les nouvelles taxes sur toutes les énergies – gaz, essence, fioul et autres. Nous n'en avons plus la visibilité puisque le recouvrement est assuré par la direction des douanes. Je ne sais pas non plus selon quelles modalités sera reversée la part qui reviendra à EDF, cela n'étant pas de notre responsabilité. Cette nouvelle méthode sera discutée, s'agissant de l'affectation des taxes, dans la future loi de finances. Tout ce que nous pouvons dire aujourd'hui, c'est qu'il faut couvrir 9,7 milliards d'euros.

Vous vous êtes félicité de l'augmentation de nos moyens. Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas au détriment du consommateur : il s'agit d'un transfert d'emplois. Nous n'en avons pas gagné pendant des années alors que nous avons reçu des missions de plus en plus importantes. C'est une question d'efficacité.

Les choses se mettent en place progressivement s'agissant de l'autoconsommation électrique. Le ministère de l'énergie prévoit un appel d'offres spécifique et, d'ici à la fin de l'année, une ordonnance sur l'autoconsommation, qui vient d'être soumise pour avis à la CRE. Nous n'avons pas de compétence pour établir une trajectoire de développement de l'autoconsommation. Les conditions de ce développement sont toutefois de plus en plus favorables, et je pense qu'on peut difficilement imaginer développer les énergies renouvelables sans développer en même temps l'autoconsommation et le stockage. Cela posera des questions en ce qui concerne le réseau. Si l'on souhaite devenir une sorte de village gaulois et si l'on est certain de n'avoir jamais besoin de la sécurité du réseau, on ne payera pas le TURPE. Mais je ne vois pas grand-monde se dire, même dans un quartier : « Nous n'aurons jamais besoin du secours du réseau ».

Les smart grids sont des technologies que nous soutenons depuis de nombreuses années puisque nous avons été parmi les premiers à lancer ce thème, lors d'un colloque de 2009. Depuis lors, la CRE tient un colloque régulier avec de nombreux acteurs sur tous les thèmes concernant les smart grids, et nous avons une plateforme qui leur permet de disposer de l'ensemble des informations sur le sujet et sur ce qui se passe à la fois en France et dans le monde. Le compteur Linky est l'un des premiers éléments de ce qui peut s'appeler le réseau intelligent.

Quand nous établissons nos tarifs, nous ne nous intéressons pas nécessairement à l'usine d'ampoules de votre commune, Monsieur Laurent Furst. C'est sans doute dommage, mais ce serait peut-être discriminant. Nous avons déjà pris une mesure un peu discriminante, il y a quelque temps, concernant les électro-intensifs, en décidant de notre propre chef une exonération partielle du TURPE. Nous l'avons fait car nos voisins immédiats, notamment les Allemands, l'avaient fait. C'est désormais passé dans la loi. En outre, les électro-intensifs bénéficient d'un certain nombre d'avantages puisque la loi a considérablement augmenté le champ et le montant de l'exonération, pour les mettre à égale concurrence avec leurs voisins allemands. Mais nous n'avons pas la responsabilité de la politique industrielle, pas plus, d'ailleurs, que celle de la politique énergétique.

Nous n'avons pas non plus la main pour dire quel est l'avenir du biogaz, ce qui est de la responsabilité du Gouvernement. Nous instruisons des appels d'offres. Cela dit, nous sommes à peu près certains que le biogaz a un avenir, et GRDF place beaucoup d'espoir dans cette énergie.

Madame Jeanine Dubié, nous avons déjà réalisé une interconnexion ; sa réalisation a pu énerver un peu nos voisins, car nous avons mis vingt ans, ce qui pouvait rendre suspicieux quant à notre volonté d'avancer. Je ne dis pas que la nouvelle interconnexion envisagée – il y en a trois, en réalité, mais je n'évoquerai que celle passant par le golfe de Gascogne – est inutile, mais simplement qu'avant de se précipiter pour la réaliser, même si c'est pour obtenir des subventions de la Commission européenne, il serait intéressant de connaître son tracé, son coût, la répartition des coûts entre les Espagnols et nous, et surtout son utilité. Elle peut s'avérer tout à fait utile mais ne plaçons pas la charrue avant les boeufs. Je reconnais que c'est un sujet complexe. Si l'on critique l'interconnexion, on donne le sentiment d'être anti-européen, mais si nous ne la critiquons pas, nous ne jouons pas notre rôle, qui est aussi de veiller aux intérêts des consommateurs français.

Nous devons certes nous interroger sur les pourcentages d'interconnexion de 10 % ou 15 %. C'est une vraie question, car, à l'époque où nous avons prévu 10 %, le mix énergétique européen n'avait rien à voir avec ce qu'il est aujourd'hui, depuis l'introduction des énergies renouvelables. Nous pensons qu'il serait utile de pratiquer un retour sur expérience. A priori, un objectif de 15 % nous paraît tout de même un peu exagéré.

Le rapport de l'ADEME « Vers un mix électrique 100 % renouvelable » est théorique. Le mieux placé pour vous en parler serait M. Bruno Léchevin, président de l'ADEME.

Madame Marie-Hélène Fabre, l'ouverture du gaz à la concurrence, en France, ne se passe pas mal, même si une grande partie des gens qui sont allés sur le marché sont restés chez Engie. Sur le marché de l'électricité, les tarifs réglementés de vente pour les professionnels ont disparu mais EDF a conservé près de 74 % de ses consommateurs. C'est une ouverture extrêmement faible, ce qui fait l'objet d'une des critiques qui nous sont adressées par la Commission européenne.

Nous n'avons pas de retour sur les expériences concernant le chèque énergie.

La ministre est décidée à lancer quelque chose pour l'éolien offshore, sous une nouvelle formule qui s'appelle le dialogue compétitif, dans la région de Dunkerque, je crois, mais je n'ai pas plus d'informations pour l'instant.

Nous n'avons plus, je l'ai dit, Monsieur Lionel Tardy, de visibilité sur le nouveau système de CSPE. Un comité spécial a été créé, comportant deux parlementaires, pour examiner cette question.

Le coût du changement de nom d'ERDF est minime car, au moment du premier changement de logo, j'avais dit à M. Philippe Monloubou, président du directoire d'ERDF, ce que j'allais faire. Ils n'ont donc pas investi beaucoup d'argent dans la première partie, et le coût global du changement de nom sera de l'ordre de 25 millions, ce qui sera intégré dans le TURPE.

Je suis parfaitement conscient, Monsieur Jean-Luc Laurent, de la situation très compliquée dans laquelle se trouve EDF, avec des éléments nouveaux qui n'existaient pas il y a un an : problèmes d'Areva, mise en place de la loi Nome et du système par empilement qui ne couvre plus les coûts comptables parmi lesquels figurait un coût moyen pondéré du capital (CMPC) supérieur à 10 % pour les tarifs réglementés. EDF a aujourd'hui de vrais problèmes mais ce n'est pas du fait du régulateur.

Il s'agit de sujets anciens, décidés il y a très longtemps, depuis les premières directives européennes. Je pense que nous aurions évité beaucoup de problèmes avec la Commission européenne, nous aurions bien moins de contentieux si nous avions moins traîné les pieds. L'hydroélectricité, par exemple, Madame Marie-Noëlle Battistel, fait partie des sujets de contentieux. Plusieurs parlementaires, notamment européens, ont écrit à la Commission européenne, s'interrogeant sur ce qu'ils appellent une forme de discrimination à l'égard de la France. La réponse est très simple : il n'y a d'EDF qu'en France, avec un monopole qui détenait 100 % de la production et des clients et qui reste encore de très loin le principal producteur. L'ouverture a été votée par les gouvernements français successifs, et il n'est pas surprenant de voir la Commission européenne s'agacer de la lenteur des évolutions.

Le Gouvernement serait mieux placé que moi pour répondre sur l'ouverture éventuelle du capital de RTE. Nous aurons à intervenir après l'évolution de l'actionnariat, s'il faut recertifier RTE, mais nous ne sommes pas interrogés directement sur l'opportunité de cette ouverture. Je rappelle simplement que lors de la création de RTE en 2004, le ministre de l'époque, M. Patrick Devedjian, avait déjà annoncé l'ouverture du capital ; cela fait donc douze ans que l'on en parle.

Madame Karine Daniel, je comprends d'autant mieux vos préoccupations que j'ai été président de Charbonnages de France. La taxe carbone risque d'avoir un effet extrêmement négatif sur les centrales à charbon, et je le regrette, personnellement, pour ces centrales et pour les emplois concernés, mais la CRE n'est pas dans la boucle de cette opération. J'ai lu, dans le rapport écrit sur le sujet, que l'on souhaitait un système européen, et cela me paraît s'imposer en effet. Dans les années 2004-2005, le problème n'était pas le bas prix mais le prix élevé de la taxe carbone, qui avait un effet significatif sur les prix du marché. Pour répondre aux prix hauts, a été inventé le tarif réglementé et transitoire d'ajustement au marché (TaRTAM) qui a provoqué des poursuites de la Commission européenne, puis la loi Nome ; tout se tient !

Madame Annick Le Loch, il faut, sur les compteurs Linky, répondre aux inquiétudes. Enedis fait un gros effort de pédagogie. Le compteur Linky n'est pas intelligent, il est seulement communiquant ; on a un peu trop fantasmé sur ce compteur qui permettra simplement au réseau de savoir ce qui se passe en cas de panne et rendra possible un certain nombre de choses telles que la relève automatique de facturation et le paiement de la consommation réelle, mais est incapable de dire si quelqu'un prend une douche ou un bain. Cependant, les réactions des consommateurs sont à peu près les mêmes quel que soit le pays et nous devons apporter des éléments d'information qui permettent de les rassurer. Mais vous aurez toujours des gens qui y seront hostiles, comme il existe peut-être encore des gens hostiles au téléphone portable.

La CRE, Monsieur Jean Grellier, pense qu'un tarif de soutien n'est pas adapté au développement des installations de méthanisation agricole, et l'histoire l'a démontré, car de nombreuses installations ont rencontré des difficultés financières par le passé. Nous pensons qu'il faut privilégier la voie des appels d'offres.

Je suis parfaitement conscient, Monsieur Yves Daniel, de la difficulté de s'y retrouver, dans ce maquis qu'est le système énergétique français. C'est compliqué pour tout le monde. Nous sommes dans une phase de transition, avec une effervescence dans tous les domaines. Il y a, en outre, la rencontre de deux logiques : une logique traditionnelle française, centralisatrice, et la volonté des collectivités territoriales de prendre une part dans les initiatives. Très souvent, d'ailleurs, les initiatives les plus intéressantes partent du terrain. Par ailleurs, il existe également une certaine volonté européenne de centralisation, par le biais de l'agence de coordination des régulateurs européens. Ces logiques potentiellement contradictoires devront être conciliées dans les années à venir.

Madame la présidente, le développement des véhicules électriques est un vrai sujet. Des initiatives sont lancées un peu dans tous les sens, par beaucoup d'opérateurs. Un point de vue consiste à dire qu'il faut planifier tout cela, mais c'est infaisable. Il faut, en réalité, trouver un équilibre pour que le développement des bornes électriques ne fasse pas peser un risque sur le réseau électrique.

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