Intervention de Anne Barre

Réunion du 5 juillet 2016 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Anne Barre, présidente d'honneur de WECF FranceWomen in Europe for a common future :

Je vous présenterai pour ma part l'action de notre réseau et notre vision de l'objectif global d'intégration du genre dans nos politiques de développement, particulièrement de développement durable.

Notre réseau a été créé en Hollande en 1994, à la suite du sommet de la Terre de Rio. Dès cette époque, nous reconnaissions l'importance du rôle des femmes dans la protection de l'environnement et dans le développement de la communauté à laquelle elles appartiennent, donc la nécessité de les impliquer davantage dans les décisions et dans les politiques menées.

Aujourd'hui, notre réseau fédère plus de 150 organisations et apporte sa contribution à des processus internationaux, notamment ceux de l'ONU et spécialement celui qui a conduit à la définition des ODD, dans lequel nous étions l'organisation coordinatrice du Groupe majeur femmes (Women's major group). Ce dernier représente des centaines d'ONG à travers le monde, des ONG de terrain qui viennent témoigner de ce qui se passe concrètement et visent à influencer les politiques globales. Elles ont énormément travaillé pour que l'objectif 5 – l'objectif d'égalité de genre – figure dans la liste des objectifs, ce qui n'était pas évident au départ, aussi surprenant que cela puisse paraître, et qu'il soit transversal à tous les autres, grâce à des indicateurs réels.

WECF est également impliqué dans la Convention-cadre sur les changements climatiques, où nous coordonnons le groupe Women and gender constituency. Celui-ci n'existe que depuis 2009 ; en d'autres termes, la Convention avait commencé à traiter des problèmes de climat sans instituer une véritable représentation des femmes, bien qu'il ait été reconnu dès cette époque que celles-ci subissaient de manière disproportionnée les effets du changement climatique, mais aussi qu'elles jouaient un rôle décisif dans la lutte contre le phénomène. Il a donc fallu créer cette représentation et assurer sa coordination et sa présence.

Certes, l'accès des femmes, notamment des jeunes femmes, à l'éducation, ainsi qu'aux soins et aux droits reproductifs, est absolument essentiel. Il me semble toutefois que nous pouvons aujourd'hui aller encore plus loin et qu'il faut promouvoir d'autres considérations pour faire évoluer les mentalités : l'enjeu est aussi le partage du pouvoir politique et économique, un défi très difficile à relever. Car tant que le pouvoir n'est pas partagé – à nous, pays développés, de montrer l'exemple à cet égard –, la budgétisation, en particulier, ne pourra être véritablement équilibrée.

Pour le montrer, je citerai deux exemples de projets qu'a menés WECF, l'un en France, l'autre dans des pays en développement, notamment à l'Est.

Le premier est la déclinaison de la stratégie « Genre et développement » à l'échelle de la région Rhône-Alpes. Nous y avons animé pendant dix-huit mois une plateforme d'échanges réunissant des acteurs de la coopération décentralisée. Cette action a permis de mettre en relation des acteurs, notamment des ONG et des collectivités territoriales, afin de faire connaître à chacun le travail des autres, mais aussi d'élaborer un critère d'évaluation des projets. Sur ce dernier point, on a vu qu'il y avait encore énormément à faire. En particulier, ont été prises en considération la connaissance des inégalités de genre dans les pays concernés au départ, l'implication des femmes et la manière dont on crée des espaces qui permettent de les consulter ainsi que la place qu'on leur donne dans la mise en oeuvre des projets, mais non les moyens.

Pour en revenir à ce douloureux sujet, l'animation a bénéficié d'un budget de 20 000 euros, ce qui est très peu au regard de l'enjeu. En outre, la région ne semble pas vouloir la reconduire.

J'en viens au second exemple. Nous avons mis à votre disposition des documents qui présentent notre travail de terrain, mais aussi des rapports sur l'égalité au Tadjikistan, au Kirghizstan, en Géorgie, en Afrique du Sud. On y mesure l'écart entre la loi – ces pays ont ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEFCEDAW) – et la réalité. Nous avons pu constater sur place que les femmes ont encore beaucoup de mal à accéder aux organes de décision, notamment locaux, et tout simplement à la vie publique. Il leur est très difficile d'être intégrées aux projets économiques, d'exercer des responsabilités, d'occuper des postes de décision dans les entreprises.

WECF a mené dans plusieurs pays un projet de transfert de technologies financé par la Commission européenne. Il suppose un véritable travail de fourmi sur le terrain, pour aller chercher les femmes afin qu'elles participent à des formations portant par exemple sur l'énergie solaire, en vue d'un transfert de technologie durable lié aux enjeux du changement climatique. Notre objectif était que les femmes soient aussi nombreuses que les hommes dans les formations techniques que nous avons montées ; nous sommes parvenus à une proportion de 40 % après des efforts considérables, de nombreuses réunions dans les villages concernés, et certains compromis, consistant notamment à former les femmes à l'opération et à la maintenance des systèmes plutôt qu'à leur fabrication et leur installation.

Il y a donc encore beaucoup à faire sur le terrain pour que les mentalités changent, d'où l'importance cruciale du financement. À cet égard, la France n'est pas la seule à devoir combler un gros retard : aux Pays-Bas, où a été fondée la première antenne de notre réseau, et où l'aide au développement est financée par le ministère des affaires étrangères, l'aide au développement ciblée sur le genre a beaucoup diminué depuis 2011, bien que le pays se soit doté d'une stratégie genre depuis longtemps. Alors même que l'on reconnaît la nécessité d'intégrer les femmes aux projets de développement, l'aide publique régresse. Or le recours au secteur privé est possible mais beaucoup plus difficile, notamment lorsqu'il s'agit de financer une action militante qui nécessite un travail minutieux de terrain.

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