Intervention de Shanti Bobin

Réunion du 5 juillet 2016 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Shanti Bobin, cheffe de bureau de l'aide publique au développement, au service des affaires multilatérales et du développement, de la di rection générale du trésor, au ministère des Finances et des Comptes publics :

Le ministère des Finances et des Comptes publics a pour rôle de coordonner la collecte des données relatives à l'aide au développement, mais nous nous intéressons aussi au cadre global ; je reviendrai donc un instant sur le programme d'action d'Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, avant de traiter de l'intégration du critère du genre dans les institutions internationales chargées de répondre aux enjeux du développement durable.

On constate une forte amélioration de la sensibilisation à la stratégie de genre mise en relation avec l'aide publique au développement. L'aide publique au développement a trois acteurs principaux – l'Agence française de développement (AFD), qui est l'opérateur, et sa double tutelle, le ministère des Affaires étrangères et du Développement international et le ministère des Finances et des Comptes publics –, mais d'autres ministères y contribuent à des niveaux divers, si bien qu'en tout une trentaine d'entités sont concernées à un degré ou à un autre. Des données que nous avons collectées, il ressort que, pour cet ensemble, 60 % des projets examinés répondaient à la sous-catégorie « marquage genre » de l'OCDE en 2013, et plus de 90 % en 2014. Ainsi, la problématique infuse, et cela se reflète déjà à ce niveau.

Un autre élément d'analyse consiste à déterminer quels montants d'aide intègrent la sensibilité au genre – ce sont les marqueurs 1 et 2 du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. Dans ce domaine aussi, nous avons constaté une nette progression : selon l'OCDE, nous sommes passés, sans les frais d'écolage, de quelque 600 millions de dollars en 2013 à 960 millions de dollars environ en 2014. Les montants considérés sont à la fois importants et en hausse.

Suivant la recommandation du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) tendant à la mutualisation des bonnes pratiques, nous avons diffusé à tous les contributeurs la fiche établie par l'AFD à l'intention de ses agents et qui explique ce qu'est le « marqueur genre ». La prise de conscience de l'enjeu doit encore grandir chez les acteurs de l'aide publique au développement mais, même si du chemin reste à parcourir, nous avons beaucoup avancé au cours des deux dernières années.

Pour ce qui est de la mise en oeuvre de l'Agenda 2030, je rappelle l'importance du programme d'action adopté à Addis-Abeba à l'issue de la troisième Conférence internationale pour le financement du développement. Plusieurs paragraphes du texte soulignent que l'égalité entre les femmes et les hommes, l'émancipation des femmes et leur accès aux services financiers sont des conditions du développement durable.

Le paragraphe 41 est d'une importance particulière. J'en rappelle les termes : « Nous sommes déterminés à ce que les femmes et les filles bénéficient des mêmes chances et droits que les hommes d'accéder aux décisions politiques et économiques et à la répartition des ressources, et à éliminer les obstacles à la pleine participation des femmes à l'économie. Nous prenons la résolution d'entreprendre des réformes législatives et administratives pour donner aux femmes l'égalité avec les hommes des droits exercés sur les ressources économiques, notamment s'agissant de l'accès à la propriété et au contrôle de la terre et aux autres formes de propriété, au crédit, à l'héritage, aux ressources naturelles et aux nouvelles technologies appropriées. Nous encourageons en outre le secteur privé à contribuer à l'égalité des sexes en s'efforçant d'assurer aux femmes un emploi à temps complet et productif et un travail décent, en respectant le principe de l'égalité de salaire pour un travail égal ou de valeur égale, d'accorder aux femmes l'égalité des chances, et à les protéger contre la discrimination et le harcèlement sur le lieu de travail. Nous approuvons les principes d'autonomisation des femmes définis par ONU Femmes et par le Pacte mondial des Nations Unies, et nous encourageons de plus grands investissements dans les entreprises détenues par des femmes. »

On imagine mal combien il est difficile de parvenir à faire s'accorder 193 États sur ces quelques phrases qui paraissent de bon sens… Le paragraphe a été amplement discuté. La France soutenait le point de vue ainsi exprimé ; l'Union européenne a porté notre position et elle a été à la pointe de la négociation à ce sujet.

Je fais écho aux interventions des membres des ONG qui ont souligné la nécessité d'articuler les actions en faveur du développement durable, du climat et des femmes. Il a été avancé au cours de la première table ronde que l'aide publique au développement de la France serait majoritairement constituée de prêts, les subventions ne comptant que pour 6 % de l'ensemble.

Cette présentation est quelque peu biaisée. Il est vrai que la part des prêts – quelque 20 % – dans notre aide publique au développement est importante, mais pour le reste ce sont bel et bien des subventions : que l'on parle de crédits budgétaires ou du produit des taxes affectées au développement, il s'agit d'argent public. Il existe effectivement dans ce cadre une catégorie « subventions bilatérales » qui compte pour 6 % de l'ensemble, mais sur la masse de huit milliards d'euros alloués à l'aide au développement, le rapport est de 80 % de dons pour 20 % de prêts. L'ordre de grandeur véritable est celui-là.

Nous sommes en relation avec les banques multilatérales de développement, les institutions financières internationales et les fonds internationaux. Ces établissements doivent promouvoir la prise en compte du principe d'égalité entre les femmes et les femmes dans leurs politiques. La Banque mondiale, la Banque africaine de développement et les fonds environnementaux ou relatifs au climat ont tous défini des stratégies en ce sens.

L'accord de Paris reconnaît l'importance du rôle des femmes de la lutte contre le changement climatique. On a parlé de la nécessaire restructuration de l'architecture du financement de l'aide au développement : c'est précisément ce à quoi s'attelle le Fonds vert pour le climat. Une équipe du ministère des finances suit les réunions du conseil d'administration du Fonds vert, qui négocie sa stratégie. On a là l'exemple d'une institution nouvelle qui intègre cette préoccupation dans ses textes fondateurs et dans ses critères d'accréditation. En effet, les organismes chargés de mettre en oeuvre les actions financées par le Fonds vert doivent respecter répondre à certains critères, au nombre desquels le respect des « marqueurs genre ». C'est une illustration prometteuse et enthousiasmante de l'articulation possible entre la stratégie « genre » et la lutte contre le changement climatique.

Enfin, vous avez rappelé, madame la présidente, combien il est important, pour faire changer les choses, que les femmes accèdent à des fonctions dirigeantes. C'est donc un sujet d'espoir de constater que le Fonds vert pour le climat, les fonds d'investissement climat administrés par la Banque mondiale et le Fonds pour l'environnement mondial sont tous dirigés par des femmes.

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