Nul ne met ici en cause le travail des acteurs de terrain qui sont intervenus le 14 juillet, mais les interrogations de M. Ciotti et de notre groupe portent sur le commandement et surtout sur la doctrine d'emploi des forces. La question de l'affectation des forces mobiles n'est pas anecdotique. En toute franchise, madame, nous avons été surpris, à la lecture attentive de ce rapport qui nous a été transmis dès le mois de juillet, que les motifs justifiant l'affectation de forces mobiles soient explicitement mentionnés pour chacune des villes citées à l'exception de celle dans laquelle se trouvait le chef de l'État. Il va de soi que nous comprenons très bien que l'autorité préfectorale décide d'affecter une ou plusieurs unités de forces mobiles afin de sécuriser le dîner que le Président de la République a tenu à l'Hôtel d'Europe avec des artistes, comme l'a relaté la presse ; ce choix d'opportunité est légitime. En revanche, nous comprenons moins bien qu'il soit nécessaire de poser directement la question pour obtenir cette réponse, cet élément ne figurant pas dans le rapport de l'Inspection générale de la police nationale, alors que l'affectation de forces mobiles dans les autres villes est justifiée expressis verbis, entre parenthèses – risque de violences urbaines à Marseille et de troubles à l'ordre public à Toulouse, douzième étape du Tour de France à Montpellier, « embrasement » de la ville à Carcassonne. Si nous connaissions les motifs de l'affectation de forces mobiles à Avignon, c'est parce que nous lisons la presse ; il est curieux, toutefois, que le rapport de l'IGPN ne le précise pas et qu'il faille attendre la réunion de la commission des Lois pour l'apprendre.
Ma deuxième remarque porte sur la doctrine d'emploi des forces. Peu avant ces événements du 14 juillet, la France a accueilli l'Euro 2016, qui a été sécurisé dans des conditions telles qu'heureusement pour l'intérêt général et pour notre pays, aucun incident majeur n'a été à déplorer. Nous nous interrogeons tout de même sur certains écarts de proportion. Ainsi, 1 500 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour sécuriser la fan zone du Champ-de-Mars, qui accueillait 90 000 personnes. À Nice, où 30 000 personnes étaient rassemblées le 14 juillet, comme l'indique votre rapport, 64 policiers nationaux étaient déployés, dont 39 prépositionnés. Autrement dit, il y avait 64 policiers pour 30 000 personnes d'un côté, 1 500 policiers pour 90 000 personnes de l'autre. En disant cela, je ne prétends évidemment pas qu'il fallait déployer moins de policiers sur le Champ-de-Mars, ni que les deux situations étaient exactement identiques en termes de risque, mais cette disproportion pose question et m'incite à vous demander si, du point de vue non pas des unités opérationnelles mais de l'administration centrale, une réflexion doctrinale est en cours sur la mobilisation des unités mobiles ou des unités de sécurité publique lors d'événements qui, au fond, sont assez similaires – puisque dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de rassemblements de foule à des dates fixes et dans des lieux dont le périmètre est borné. Pourquoi donc une telle disproportion ? Au vu de votre rapport factuel, qui est tout à fait intéressant, le ministère de l'intérieur a-t-il engagé une réflexion doctrinale pour éventuellement améliorer la gestion de ce type d'événements et l'organisation des forces chargées de les sécuriser ?