Monsieur le ministre, chers collègues, je remercie tout d'abord la présidente Patricia Adam d'accueillir la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat pour cette réunion exceptionnelle, dans un contexte particulièrement lourd ; nous avons tous une pensée émue pour les victimes et nous ressentons tous une profonde inquiétude face à la situation imposée dans le pays, menacé par une terrible accélération de la violence.
Monsieur le ministre, au lendemain d'un conseil de défense, nous attendons vos analyses et vos commentaires sur les décisions prises. Nous nous posons quelques questions, essentielles, sur notre présence, aujourd'hui, au Levant, car il est impossible de ne pas lier à la situation actuelle en Europe à ce qui s'y passe.
Nous avons été frappés par les dommages collatéraux considérables liés aux dernières frappes effectuées en Syrie. Les forces françaises ont-elles été impliquées dans ces opérations ?
Il nous paraît également très important, Monsieur le ministre, de mesurer à quel point nous sommes exposés après le retrait relatif des Américains. Notre intervention apparaît aujourd'hui comme déterminante : nous sommes sans doute, de ce point de vue, une des nations leaders, tandis qu'autour de nous nos partenaires jouent des jeux très compliqués, pour ne pas dire doubles ou triples – Iran, Turquie, Arabie saoudite, Russie, autant de pays qui sont également des co-acteurs de nos initiatives. Nous nous trouvons donc exposés à un niveau très préoccupant, loin de la doctrine qui fut longtemps la nôtre, où nous nous appliquions à nous tenir à l'écart d'interventions dès lors que nous n'avions pas forcément les moyens d'y apporter une contribution décisive.
Enfin, vous le savez mieux que personne, nos forces armées sont aujourd'hui terriblement sous pression, très exposées, dans des opérations extérieures et intérieures. Un rapport vient d'ailleurs d'être rendu au Sénat sur les opérations extérieures. Nous le voyons bien, la situation est toujours à la limite : vous vous battez année après année pour obtenir les budgets nécessaires, mais l'équation reste particulièrement dangereuse parce que très tendue, et il est à craindre que nous nous retrouvions face à un manque de moyens au cours des prochains mois.
Je pense à nos militaires morts récemment en Libye ; il semble qu'ils appartenaient au service action de la DGSE. Quelle est notre ligne stratégique dans ce pays ? Nous soutenons un gouvernement dont nous reconnaissons la légitimité, dans le même temps, nous participons à des actions menées par les forces du général Haftar… Se posent ainsi des problèmes de coordination entre les forces spéciales et la DGSE : elle est souvent très positive mais, en la circonstance, elle peut susciter certaines inquiétudes.
Dans cette situation tragique, il ne faudrait pas que la France dévie de la ligne historique qu'elle a toujours défendue : la recherche de solutions politiques, le militaire étant conçu comme quelquefois nécessaire, mais rarement suffisant. La force de la France a toujours été de contribuer à des solutions politiques. Aujourd'hui, derrière nos engagements militaires, sommes-nous en mesure, comme cela a toujours été notre tradition, de proposer au monde des solutions politiques françaises ? C'est la question fondamentale. Notre nation s'est toujours méfiée des actes de guerre. Nous ne sommes pas une nation de faucons, nous souhaitons toujours que le dialogue et la politique l'emportent pour mettre un terme aux crises.