Intervention de Gilles Savary

Réunion du 20 septembre 2016 à 15h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary :

Nous soutiendrons évidemment ce texte, en droite ligne avec tout ce qui a été voté au cours des dernières années, y compris dans la loi Macron. Il y a des projets dont on parle depuis trop longtemps pour se permettre d'atermoyer au moment de passer à l'acte. Et pour que les travaux puissent démarrer, il faut créer cette société de projet.

Je ne vais pas revenir sur ce qui vient d'être dit à propos de ce projet. Je vais simplement exprimer notre sensibilité sur deux points : le financement et la « règle d'or ».

Les prévisions de financement ont flambé au cours des dernières années, ce qui est assez classique en matière d'infrastructures. Au début, on est généreux et confiant dans le modèle économique retenu, mais plus on se rapproche de la réalisation du projet, plus on s'aperçoit des lourdeurs et des aléas. J'observe que des études sont encore en cours concernant notamment l'impact du projet sur l'environnement, et que les modalités de son insertion urbaine ne sont pas totalement définies – cela relève de la responsabilité des collectivités locales. Je m'inquiète donc des conséquences que cela pourrait avoir, alors même que le dépassement financier est déjà assez significatif.

Au point où l'on en est, il faut être très clair sur le financement qui a été arrêté. On nous propose l'institution d'une taxe sur les compagnies aériennes, plus exactement sur les passagers aériens qui font escale. Or, en matière de recettes de l'activité aérienne, la situation est déjà extrêmement déséquilibrée au profit d'Aéroports de Paris. Ainsi, les passagers des avions sont présumés n'être pour rien dans les recettes commerciales d'Aéroports de Paris, mais ils seraient appelés à financer l'infrastructure qui les reliera au centre-ville de Paris. Selon moi, il y aurait peut-être un petit effort à faire du côté d'ADP. Car il y a un système de double caisse très étanche qui n'aide pas le trafic aérien. Dans un contexte de concurrence exacerbée, les compagnies se trouvent dans une situation très difficile, en particulier les compagnies historiques qui ont du mal à se réformer et qui se trouvent assiégées sur leurs différents marchés. M. Alexandre de Juniac m'avait affirmé, lors d'un colloque il y a trois ans, qu'il n'y aurait jamais de longs courriers low cost ; c'est pourtant le cas aujourd'hui. Ce serait donc envoyer un très mauvais message à la compagnie Air France et à ses personnels, auxquels on demande des efforts, que d'ajouter une autre taxe à la taxe kérosène, dite taxe Chirac, unique au monde.

Il faut bien reconnaître que le système de double caisse est fondé sur une hypocrisie : ce ne sont pas les Parisiens qui vont faire leur marché tous les matins dans les galeries commerciales d'Aéroports de Paris, ce sont les passagers des compagnies aériennes qui lui assurent un trésor de guerre. S'il y a un petit effort à faire, il faut clairement impliquer financièrement Aéroports de Paris et en faire le plus possible la variable d'ajustement.

S'il faut partager la contribution, partageons-la, mais faisons très attention à la compétitivité de nos compagnies : ce sont des colosses aux pieds d'argile, qui ont des marges très faibles et qui sont très concurrencés.

Cette première observation ne concerne pas forcément le débat d'aujourd'hui, mais le sujet reviendra bientôt, au cours de l'examen de la loi de finances, et nous devrons faire assaut d'imagination pour trouver une solution plus conforme à la justice et aux équilibres économiques existants.

J'en viens à la « règle d'or ». Celle-ci a été mise en place à un moment où l'on considérait qu'il y avait une alerte rouge sur l'endettement du système ferroviaire, qu'il fallait stabiliser. La « règle d'or » n'est pas faite pour empêcher de nouveaux développements, ni même des investissements inconsidérés décidés par le politique ; elle est faite pour que ce soit le politique qui finance ce qui pourrait fragiliser le système ferroviaire.

Je l'ai dit, rien ne doit être fait pour compromettre cette opération. Malgré tout, il est assez fâcheux qu'à la première opération, on essaie de faire en sorte que la « règle d'or » ne s'applique pas – même si je pense qu'on fera de même pour d'autres à venir. Dans ce cas, autant dire clairement que l'on s'était trompé d'objectif et que la réforme ferroviaire n'était pas faite pour stabiliser la dette. Que l'État se charge de ce qui dépasse la « règle d'or » serait plus conforme à ce qu'ont été nos priorités et notre objectif partagé pour préserver le chemin de fer. Lui aussi est soumis à des concurrences nouvelles, comme BlaBlaCar, le low cost aérien sur des distances de 700 ou 800 kilomètres ou les cars Macron, tous ces nouveaux usages des mobilités que nous n'avions pas vu venir.

Cela doit nous inciter à ne pas trop charger la barque de SNCF Réseau. Car malgré les efforts considérables que vous avez faits, monsieur le secrétaire d'État, pour recaler la politique ferroviaire sur la maintenance, il manque encore, nous dit-on, 1 milliard pour atteindre le rythme de croisière qui permettrait d'arrêter le vieillissement d'un réseau laissé à l'abandon. Or aujourd'hui, on met 1 milliard chez les financiers, et demain, ce sera 1,5 milliard. Et si l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est bien montée en gamme, ce n'est pas tout à fait compatible avec tous les projets qui ont été lancés, notamment Lyon-Turin.

Ce sont les deux points sur lesquels nous nous interrogeons. Cela étant, évidemment, le groupe socialiste ne fera rien pour compromettre ce projet, quitte à faire quelques sacrifices de principe.

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