Tous les intervenants ont soulevé des questions qui se posent légitimement à ce stade de la réflexion de votre commission et du Parlement.
Premier débat : certains, notamment des élus, opposent ce projet aux trains du quotidien, prétendant qu'il faudrait choisir entre les deux. Or personne ne peut faire la démonstration que ce projet va enlever quoi que ce soit aux trains du quotidien. En parallèle de ce projet, des investissements très importants, d'ailleurs parfois jugés trop importants du point de vue financier, sont réalisés sur l'ensemble du réseau. Il va également y avoir une amélioration du matériel : de nouveaux trains vont être livrés prochainement. La ligne CDG Express est un projet spécifique, et nous ne devons pas tomber dans ce faux débat qui consisterait à devoir choisir entre celui-ci et les trains du quotidien. Bien évidemment, la priorité du Gouvernement, ce sont les trains du quotidien. Et ce ne sont pas simplement des mots : il y a une traduction financière.
Compte tenu de la nature particulière du projet, notamment de ses caractéristiques physiques, se pose la question de la relation entre ce projet et le RER B en termes de fonctionnement. En fonctionnement normal, il n'y aura aucune difficulté : il n'y a pas de concurrence possible entre les deux. La seule question, à laquelle on doit réfléchir de manière anticipée, est de savoir quelles réponses pourront être apportées en cas de difficultés. Un travail a déjà été engagé sur ce point très technique. Je le dis très clairement : sans vouloir ignorer le CDG Express, les solutions techniques prendront naturellement en compte de manière prioritaire les trains du quotidien, en l'occurrence le RER B.
Un deuxième débat, tout aussi légitime, porte sur les conditions du financement. Ainsi que je l'ai indiqué, il n'y aura pas d'argent public. Le Gouvernement a fait le choix d'une société de projet, précision qui figure d'ailleurs dans la déclaration d'utilité publique de 2008, dans la mesure où il était question, à l'époque, de confier cette affaire à un concessionnaire. La société de projet sera constituée par SNCF Réseau et ADP. S'agissant de SNCF Réseau, se pose la question de la compatibilité de sa présence au capital de la société de projet et dans la gestion de l'infrastructure avec son niveau d'endettement, que nous avons pris collectivement la précaution de limiter par la « règle d'or ». En l'espèce, il s'agit d'un projet tout à fait spécifique. La participation de SNCF Réseau au capital de la société de projet sera probablement de l'ordre de 250 millions d'euros – les actionnaires préciseront eux-mêmes ce chiffre, mais je vous donne cette indication pour nourrir le débat. Sachant qu'aucun risque ne sera pris sur le réseau, puisque l'exploitation sera confiée à un tiers, et que c'est la société de projet qui va emprunter une fois son capital constitué, le Gouvernement souhaite pouvoir indiquer que la participation de SNCF Réseau au capital de la société de projet pourra, si c'est nécessaire, déroger à la « règle d'or ». Un arrêté en ce sens a été soumis aujourd'hui même au Conseil d'État.
À cet égard, un débat est ouvert : cette dérogation est-elle de nature réglementaire ou législative ? Nous connaîtrons la position du Conseil d'État. S'il s'avère qu'elle est de nature législative, le Gouvernement soumettra la disposition correspondante par voie d'amendement lors de l'examen de ce texte en séance publique la semaine prochaine. Nous avons pris la situation telle qu'elle est.
Ainsi que l'a évoqué M. Gilles Savary, nous allons appliquer pour la première fois le schéma suivant : il y a la « règle d'or », mais il revient aux représentants du peuple, c'est-à-dire au Parlement, de prendre la décision d'engager tel ou tel projet compte tenu de sa spécificité ou de son importance, nonobstant la règle générale. De toute façon, dès lors que la « règle d'or » résulte d'un vote du Parlement, celui-ci a seul compétence pour y déroger éventuellement. C'est une situation tout à fait normale : le droit n'est jamais pérenne, figé pour l'éternité. Certains veulent parfois introduire, dans la loi de finances, une « règle d'or » concernant les déficits. Or, quand les choses évoluent, ils adoptent des positions un peu plus nuancées…
Comment le financement peut-il se faire ? La société de projet va devoir emprunter. C'est tout le débat sur la « banquabilité » du projet, c'est-à-dire sur la capacité de la société de projet à trouver des financeurs qui croiront suffisamment dans ce projet pour lui prêter. Si une recette supplémentaire a été envisagée en sus des recettes d'exploitation, c'est-à-dire du prix du billet acquitté par les voyageurs, c'est bien parce que l'on se demande si ces seules recettes d'exploitation seront de nature à assurer l'équilibre financier du projet. Il vaut mieux se poser la question en amont et ne pas partir à l'aventure en se disant que l'on verra bien demain. La position du Gouvernement sur ce point est très précise : oui, nous avons besoin d'une recette de cette nature pour assurer la « banquabilité » du projet. Précisons qu'il s'agit d'une taxe sur les voyageurs et non sur Air France, qui sera certes le principal, mais pas l'unique contributeur : le pavillon français représentera 43 % de l'ensemble des recettes, la part d'Air France étant de 39 %.
Vous avez soulevé des questions sur l'assiette et sur la contribution d'ADP. À cet égard, je rappelle que les rapports avec ADP sont assez figés, puisqu'ils résultent de son contrat de régulation économique, en vigueur jusqu'en 2020. Compte tenu de la durée du projet, il sera toujours possible de tenir compte de vos remarques à ce moment-là. En tout cas, le débat est ouvert et, naturellement, le Gouvernement sera attentif aux propositions faites et aux situations exposées. Quoi qu'il en soit, à ce stade, nous avons besoin de cette recette supplémentaire pour assurer la réussite de cet important projet.
L'idée de faire bénéficier les salariés d'ADP d'un tarif préférentiel est intéressante en soi, mais il n'appartient pas au Gouvernement d'introduire une disposition en ce sens dans la loi : c'est, bien évidemment, la société d'exploitation qui pourra éventuellement répondre sur ce point.
Je pense avoir répondu aux principales questions que vous avez posées concernant les raisons du montage juridique, celles de l'instauration d'une taxe et l'application de la « règle d'or » à SNCF Réseau. Ce projet est complètement spécifique et s'inscrit dans un cadre juridique très défini. Il n'est pas comparable avec d'autres projets ferroviaires. J'ajoute qu'aucune forme juridique n'est exclue s'agissant du futur exploitant : lorsque l'appel d'offres sera lancé par la société de projet, tout le monde pourra concourir pour devenir l'exploitant, tant les sociétés d'économie mixte que SNCF Mobilités.
Toutes ces questions sont légitimes. Dans le même temps, il faut tenir compte du calendrier, de l'importance du dossier et de son histoire : nous aboutissons après une réflexion et un certain nombre d'échecs, donc les choses sont assez maîtrisées ; la volonté du Gouvernement est de poursuivre. Reste un réel débat, ainsi que je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, à propos de l'impact sur l'environnement, notamment à Paris. Cependant, le travail a suffisamment avancé sur ce point, et il y a suffisamment de bonne volonté de part et d'autre pour que ce ne soit pas une source d'inquiétude. Il y a, au contraire, une volonté de travailler ensemble.