Développés à l'origine dans un but militaire, les drones ont commencé à faire l'objet d'usages civils à partir de la fin des années 1980. Depuis les années 2000, ils sont devenus des objets de loisir de grande consommation et sont entrés dans notre quotidien, fleurissant à Noël au pied des sapins. Une course de drones a même été organisée au début de ce mois, sur les Champs-Élysées, dans le cadre du « Paris drone festival ».
L'engouement est réel : en 2015, environ 300 000 drones ont été vendus en France. Le secteur représente 5 000 emplois dans le pays. C'est une filière innovante, constituée majoritairement de start-up, mais avec un poids lourd, Parrot, constructeur français, numéro deux mondial.
Les usages des drones sont variés, du petit jouet de quelques grammes au drone de plusieurs kilogrammes utilisé à des fins professionnelles – au cinéma pour certaines prises de vues, en agriculture, dans le bâtiment et les travaux publics (BTP), dans la surveillance et la sûreté, le sauvetage en mer, en altitude ou lors d'incendies, ainsi que nous l'avons vu cet été. La miniaturisation croissante des composants, qui permet de fabriquer des drones de plus en plus légers, et la baisse des prix favorisent le développement du secteur.
Parallèlement, les risques pour la sécurité aérienne se développent. Ainsi, le nombre de pilotes d'avion signalant avoir croisé un drone est en constante augmentation. À ces risques pour la sécurité aérienne s'ajoutent des risques pour la sûreté nationale et, disons-le clairement, en matière de terrorisme. Une série de survols de sites sensibles tels que des centrales nucléaires a d'ailleurs ému l'opinion ces dernières années. Bien que ces survols ne représentent pas un danger direct pour ces installations, conçues pour résister à des crashs d'avions de ligne, ils sont une réelle atteinte à la crédibilité de l'État.
C'est dans ce contexte que le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a remis, à la fin de l'année 2015, un rapport présentant les différentes menaces liées aux drones. Selon ce rapport, bien que l'accidentologie soit en réalité très faible, elle doit néanmoins être prise en compte, car elle risque d'évoluer avec la multiplication des aéronefs. De plus, les drones peuvent capter indûment des informations sur la vie privée des individus, sur des sites sensibles de l'État, éventuellement dans le but de mener des actions malveillantes, ou encore sur de grands groupes industriels, à des fins d'espionnage économique. Ils peuvent servir d'arme par impact direct ou en transportant des charges létales explosives, radiologiques, bactériologiques ou chimiques. C'est déjà le cas sur certains théâtres de guerre dans le monde. Ils peuvent désorganiser le transport aérien ou encore permettre à des trafiquants de stupéfiants de transporter des substances interdites. Je rappelle qu'on évalue la capacité d'emport des drones à un tiers de leur masse, et jusqu'à la moitié pour certains drones professionnels. Enfin, comme je l'ai dit, ils peuvent servir à décrédibiliser l'action de l'État ou de certains opérateurs, lorsqu'ils survolent des sites sensibles.
Dans son rapport, le SGDSN a présenté une série de pistes visant à répondre à ces menaces. Nos collègues sénateurs Xavier Pintat, Jacques Gautier et Alain Fouché les ont reprises dans une proposition de loi, qui a été adoptée par le Sénat en mai dernier.
Ce texte, que nous examinons aujourd'hui, s'articule autour de quatre piliers.
Tout d'abord, il met en place une obligation d'information des acheteurs. Tel est l'objectif de l'article 3, qui impose aux fabricants et aux importateurs de drones d'insérer dans les emballages une notice relative aux règles applicables à leur utilisation.
Ensuite, l'article 2 prévoit une obligation de formation, qui s'appliquera pour les drones ayant une masse supérieure à un seuil défini par voie réglementaire. Cette formation existe déjà dans certains cas, par exemple pour les personnes qui utilisent des drones dans un but professionnel ou dans le domaine de l'aéromodélisme.
L'article 4 prévoit que, à partir de 2018, un dispositif de limitation des performances devra être mis en place sur les drones dont la masse est supérieure à un seuil fixé par voie réglementaire. Ce dispositif devra notamment empêcher ceux-ci de voler à des altitudes trop élevées ou encore de survoler des zones interdites, notamment grâce à la mise en place d'un dispositif de « barriérage électronique », ou « geofencing ».
Enfin, l'article 1er prévoit la mise en place d'un système d'enregistrement des drones dont la masse est supérieure à un seuil défini par voie réglementaire. Les informations recueillies dans ce cadre permettront aux autorités publiques d'identifier les drones grâce à l'installation, prévue à l'article 4, d'un dispositif de signalement électronique sur les appareils. Ce système permettra, par exemple, de signaler aux télépilotes qu'ils font voler leur drone au-dessus d'une zone interdite, de manière à ce qu'ils modifient leur trajectoire. Il sera mis en place à partir de 2018. Le dispositif de signalement électronique, couplé à celui de l'enregistrement, permettra de distinguer les drones coopératifs des autres drones, potentiellement malveillants, qui pourront, le cas échéant, être neutralisés.
Cet ensemble de mesures constituera une aide pour les autorités chargées de la sûreté et de la sécurité. Toutefois, de même que nos collègues sénateurs, je rappelle qu'il est nécessaire que les services de l'État chargés de la sûreté aérienne disposent également de moyens capacitaires adaptés pour répondre aux menaces. Les auditions que j'ai menées ont révélé la grande difficulté opérationnelle à neutraliser rapidement des appareils dont la furtivité et la vélocité sont très grandes.
Cette loi a aussi une vocation pédagogique : elle vise à rappeler à tous les utilisateurs de drones, notamment à ceux qui s'en servent dans le cadre de leurs loisirs, que le drone n'est pas un jouet comme les autres.
L'application de la loi sera garantie par la mise en place de sanctions, prévues à l'article 5. Celui-ci établit une gradation entre l'acte de négligence et l'acte volontaire et malveillant. Il sera possible, le cas échéant, de confisquer le drone ayant servi à commettre l'infraction.
Malgré le petit nombre d'articles qu'elle comporte, cette proposition de loi concerne de réels enjeux et soulève des interrogations, notamment pour les parlementaires que nous sommes.
Ce texte servira de support à plusieurs décrets. Je le qualifierais volontiers de « loi normande », car, en réalité, il ne tranche pas : les éléments les plus structurants sont renvoyés au pouvoir réglementaire, notamment la fixation des seuils de masse à partir desquels les obligations s'appliquent. Cela s'explique par la volonté de garantir la souplesse et l'adaptabilité de la réglementation en prévision des évolutions rapides de la technologie. Cependant, c'est aussi un manque de clarté et de lisibilité pour les acteurs.
En outre, ce texte place la France parmi les pionniers de la législation sur les drones civils en Europe. Nous pouvons en être fiers, mais nous devons surtout en profiter pour jouer un rôle proactif dans l'élaboration de la réglementation que l'Union européenne va prochainement mettre en place. Les questions que nous nous posons aujourd'hui et les réponses que nous y apporterons seront écoutées.
Enfin, sur un tout autre plan, ce texte a révélé la difficulté qu'il y a à définir juridiquement le drone et son télépilote. Il ne faut pas faire d'amalgame avec les aéromodélistes qui pratiquent leur passion depuis des décennies. C'est un vrai défi que devra relever le pouvoir réglementaire lors de la rédaction des décrets. Je souhaite obtenir des réponses à ce sujet de la part du secrétariat d'État aux transports d'ici à la séance publique.
Les amendements que je présenterai s'inscrivent dans la perspective tracée par le Sénat. À cet égard, je tiens à rendre hommage au travail de notre collègue Cyril Pellevat, rapporteur de ce texte pour la commission du développement durable du Sénat.
Tout d'abord, je vous proposerai une série d'amendements visant à instaurer un seuil de masse à partir duquel se déclencheront les différents dispositifs prévus par le texte : enregistrement, formation du télépilote, installation de dispositifs de signalement et de limitation de capacités. Je proposerai un seuil de 800 grammes, étant précisé qu'il s'agira d'un plafond que le pouvoir réglementaire aura la possibilité d'abaisser en fonction de l'évolution des technologies et des besoins constatés.
Je proposerai que l'obligation de fournir la notice relative aux bons usages s'applique aussi au marché de l'occasion, qui n'a pas été pris en compte jusqu'à présent dans ce texte.
Je proposerai aussi l'introduction d'un dispositif d'avertissement sonore en cas de perte de contrôle de la trajectoire du drone.
Enfin, une dernière série d'amendements tend à modifier les conditions d'entrée en vigueur de l'article 4, afin que les constructeurs disposent du temps nécessaire pour développer des produits correspondant aux exigences de la loi. Je proposerai également une extension de la loi aux outre-mer.