M. le rapporteur a soulevé des questions de fond qui sont essentielles : il s'agit de permettre la stabilisation du dispositif de convergence et de le rendre pleinement efficient dans la durée.
Le contexte est difficile, bien que je voie quel engouement le débat qui s'engage suscite en chacun de vous. Car les délais, très contraints, vous obligent à travailler au pas de charge. Nous avons dû, nous aussi, nous hâter de déposer ce projet de loi, pour apporter au moins une première réponse, dans les territoires, à la question fondamentale de l'égalité réelle.
« L'égalité transcende les statuts », disiez-vous, monsieur le rapporteur. Telle est en tout cas la volonté qui a présidé à l'écriture du texte. Les plans de convergence concernent les territoires régis par l'article 73 de la Constitution comme ceux qui relèvent de l'article 74. Et la démarche du Gouvernement transcende dès à présent les statuts. Je songe à celle qui caractérise le travail en cours sur les accords de Papeete : il s'agit bien là d'égalité réelle et de co-construction, fruit de la volonté que le territoire et la solidarité nationale agissent ensemble, dans le respect des règles constitutionnelles et des lois organiques qui obligent l'un et l'autre. L'exercice est donc possible, puisqu'il est réalisé ; il est voulu, puisqu'il est prévu dans la loi ; mais il doit s'inscrire dans le cadre juridique et réglementaire qui est le nôtre.
En ce qui concerne l'idée d'enrichir le texte, je l'ai dit de façon très sincère et très volontaire dans mon exposé : c'est nécessaire, d'autant que nous avons tous été soumis à des délais très contraints et que les questions abordées sont importantes. Mais l'égalité réelle est une notion très vaste, et nous pourrions être tentés d'inclure tant de choses dans le projet que nous en perdrions le fil conducteur de notre action.
Il s'agit donc de garder ce fil tout en étendant les dispositions, en les enrichissant, le cas échéant par des titres – portant, par exemple, sur la coopération décentralisée ou régionale, un sujet qui a donné lieu à de très importants travaux ; je songe à la proposition de loi de Serge Letchimy, qui contribue à renforcer l'ancrage des territoires dans leur grand bassin. De tels éléments concourent à libérer nos territoires de ce qui les emprisonnait.
Tel est le sens de la convergence. J'ai beaucoup aimé l'approche des plans de convergence défendue par le président Jean-Claude Fruteau : en effet, il ne s'agit pas seulement de rattrapage, mais d'une dynamique, de la volonté commune à un territoire ultramarin et à la nation, et c'est par cette volonté que nous pourrons déverrouiller nos outre-mer.
Outre la coopération, la culture et l'environnement sont de nature à y contribuer, et nous pouvons envisager de travailler sur ces sujets.
En ce qui concerne l'opposabilité et l'évaluation, j'établis un lien entre ces deux aspects, car ils touchent l'un et l'autre à l'efficacité de l'action que nous allons mener.
Fallait-il des plans de convergence ou des contrats de convergence ? Nous nous sommes posé la question. Mais le plan de convergence intégrera les autres instruments contractuels, dont le contrat de plan État-région, alors que l'on se demande où celui-ci trouverait sa place si nous options pour un contrat de convergence. Le plan de convergence est un document stratégique qui réunit les engagements contractuels et leur donne sens. Tel est l'état actuel de notre réflexion ; nous pourrons étudier au cours du débat la possibilité d'évoluer sur cette question, et d'ajouter des éléments qui concourraient à l'efficacité de la démarche.
S'agissant de l'évaluation, je souhaite vivement son amélioration. Si une autorité administrative indépendante peut en être l'outil – mais il faudra y travailler –, je suis favorable à cette proposition. Car c'est par l'évaluation des politiques publiques que l'on garde le fil, surtout à un horizon de dix à vingt ans : c'est elle qui permet le réajustement. Cette évaluation peut être portée par une autorité indépendante ; elle peut aussi avoir lieu lors des discussions budgétaires, puisque le présent texte fait du débat d'orientation budgétaire l'occasion, pour la collectivité associée au plan de convergence, de rendre compte de l'état d'avancement de celui-ci. Ainsi, lors des échéances fixées par une autorité, ou par la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer (CNEPEOM) comme le prévoit actuellement le texte, ou encore lors des débats d'orientation budgétaire, nous pourrons, sur la base d'éléments publics, objectifs et sérieux, ajuster les politiques et les rendre plus efficaces. C'est ce que veulent nos concitoyens.
J'en viens au titre « social ». C'est un volet sur lequel nous travaillons beaucoup, madame la rapporteure pour avis. Certes, l'égalité réelle ne se réduit pas au rattrapage ; toujours est-il que certaines prestations ne sont pas encore appliquées dans nos territoires. Vous qui avez occupé mes fonctions, monsieur le rapporteur, vous savez, comme je le sais moi-même pour avoir été députée, que nous devons y oeuvrer en commun et unir nos ambitions – bien que l'équilibre soit difficile à trouver –, car il est absolument nécessaire de progresser vers l'égalité sociale, l'un des éléments de la convergence vers l'égalité réelle.
Nous travaillons sur l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'assurance vieillesse des parents au foyer, le complément familial, madame la rapporteure pour avis. Nous avons des rendez-vous interministériels sur ces sujets et, du point de vue technique, nous avons bien avancé. Nous allons continuer ce travail ensemble, si vous le voulez bien.
En ce qui concerne le changement climatique, monsieur le président Fruteau, nos territoires souffrent en effet d'une double peine – au moins. Cette question a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport de Mme Sage et de MM. Aboubacar et Letchimy auprès de votre délégation. Lors du prochain débat budgétaire, mon ministère vous proposera donc la création d'une ligne budgétaire permettant de contracter auprès de l'Agence française de développement (AFD) des prêts affectés à des investissements structurels destinés à protéger les territoires. Nous nous inspirons ici du Fonds vert. Nous accompagnerons les collectivités locales en vue d'investissements protégeant de la houle, des risques cycloniques et des autres problèmes que nous connaissons.
S'agissant du rapport de Mme Marie-Anne Chapdelaine et de ses 37 propositions, nous avons progressé dans la prise en charge psychiatrique des personnes en crise suicidaire, en particulier en développant des actions de prévention et de lutte contre les addictions, notamment à l'alcool.
Nous travaillons aussi, monsieur Fruteau, sur le problème de l'école et de l'apprentissage de la langue. Les écoles du fleuve guyanais disposent aujourd'hui d'intervenants en langue maternelle, qui ont pour mission de faire l'intermédiaire entre les enfants qui ne maîtrisent pas le français et les enseignants. Ce système est encouragé par l'État ; le pacte d'avenir actuellement en discussion prévoit de le renforcer et de l'étendre à toutes les populations de la forêt et du fleuve.
Je terminerai par votre amendement tendant à donner une base légale à la délégation aux outre-mer. Il faut évidemment, pour toutes les raisons que vous avez citées, conserver à celle-ci sa fonction de veille. Mais son rôle va plus loin : il s'agit de défendre les outre-mer et de diffuser les bons messages, ceux qui permettront la reconnaissance de ces territoires tels qu'ils sont, avec leurs atouts et leurs handicaps. Cette démarche volontaire, beaucoup plus ambitieuse, indique le sens du travail que nous avons à faire ensemble.