Intervention de Ibrahim Aboubacar

Réunion du 20 septembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIbrahim Aboubacar :

Comme responsable du texte au sein du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je me réjouis de ce projet qui répond à une demande avérée de nos territoires. Nous sommes particulièrement satisfaits de la méthode utilisée : le rapport de Victorin Lurel et la concertation que celui-ci a organisée à cette occasion sont tout à fait remarquables. Je n'oublie pas non plus la consultation numérique lancée par le Gouvernement. À quel moment aurons-nous connaissance de son contenu et comment le Gouvernement compte-t-il l'intégrer au projet ? Car la prise en considération de l'expression des citoyens contribuera à la crédibilité de notre travail et, sans doute, à la mobilisation citoyenne en vue de l'application des mesures qui auront été arrêtées.

Le calendrier de travail est contraint, mais l'enjeu en vaut la peine. Notre groupe est donc décidé à tout faire pour que le texte soit adopté au cours de la présente législature. Les outre-mer le méritent.

Sans vouloir revenir sur les questions soulevées par nos rapporteurs, il sera sans doute nécessaire d'apporter au cours du débat quelques précisions sur le calendrier et les modalités d'élaboration des plans de convergence, afin d'y voir plus clair quant à leur valeur, notamment au regard des autres outils de planification ou de programmation.

J'en viens au suivi du dispositif. L'idée que la CNEPEOM – au sein de laquelle j'ai été rapporteur il y a deux ans, et que je préside aujourd'hui – pourrait en être l'outil n'est pas mauvaise à condition, vu la nature des plans de convergence, d'en revoir sans doute la composition et, à coup sûr, les moyens. Au-delà de la CNEPEOM, le suivi supposera un renforcement très significatif de l'appareil statistique disponible pour tous les outre-mer. Car s'il est une observation récurrente dans les travaux de la CNEPEOM depuis trois ans, c'est l'indisponibilité d'outils spécifiques comparables d'un territoire à l'autre et existant dans l'ensemble des outre-mer, fondant des évaluations crédibles, sérieuses, susceptibles de mobiliser les énergies. C'est pourtant nécessaire pour que les collectivités puissent contracter sur des bases claires.

Madame la ministre nous ayant invités à enrichir le texte, je proposerai les pistes suivantes.

L'égalité réelle est égalité entre les outre-mer, mais aussi à l'intérieur de chacun de nos territoires. À cet égard, parmi tous les indicateurs mobilisés, il ne faudra pas oublier l'égalité entre les hommes et les femmes, particulièrement à Mayotte : la question a fait l'objet d'un rapport de la délégation aux droits des femmes de notre Assemblée, présenté par sa présidente, Mme Catherine Coutelle, et par sa vice-présidente, Mme Monique Orphé ; j'en retiens particulièrement la proposition 14. D'une manière générale, l'égalité entre les hommes et les femmes doit être un fil rouge de nos travaux dans les territoires d'outre-mer concernés par cet enjeu – et ils sont nombreux.

J'ai bien entendu le président Fruteau au sujet des questions économiques, mais l'égalité réelle passera aussi par le renforcement des appareils économiques de nos territoires. Nous avons inventé des dispositifs pour dix, vingt ou vingt-cinq ans. Victorin Lurel a parlé de vingt ans. Or la permanence des outils économiques à notre disposition fait l'objet d'un débat récurrent. Certes, madame la ministre, nous avons obtenu l'année dernière une visibilité jusqu'en 2020, voire 2025, s'agissant de la fiscalité des collectivités et d'autres efforts sont en cours. Mais l'on ne peut pas inviter les acteurs concernés à réfléchir sur vingt ans si les outils économiques fluctuent comme ils l'ont fait au cours des dernières années : pour mobiliser les énergies, il faut que leur durée soit compatible avec les plans dont il est question au niveau européen comme à l'échelon national.

Il me paraît important de le dire dès le début de la discussion, même si ce n'est pas nécessairement dans le présent texte que nous pourrons traiter des questions de cette nature : il faudra bien, à un moment donné, répartir les dispositions entre ce support législatif et d'autres, notamment les lois de finances.

Beaucoup ont parlé de l'éducation. J'aimerais insister pour ma part sur un secteur qui contribue à l'efficacité de l'action publique dans nos collectivités et, en ce sens, à l'égalité : la fonction publique. Ce sujet nous a déjà mobilisés : dans la dernière loi relative à l'outre-mer, nous avons abordé plusieurs questions concernant la Polynésie française ainsi que Wallis-et-Futuna ; nous avons créé le dispositif du CIMM (centre des intérêts moraux et matériels). Le présent texte doit nous permettre de progresser encore sur cette voie ainsi qu'en matière de retraites, au-delà du cas de Mayotte.

Je suis tout à fait d'accord avec Mme Orphé : il faut renforcer le volet social pour tous les territoires, quel que soit leur statut. Toutefois, n'oublions pas que, ici comme souvent, Mayotte doit effectuer deux exercices en un. On parle d'égalité réelle mais, pour Mayotte, il s'agit d'aller vers l'égalité réelle en sautant l'étape de l'égalité sociale, ou de construire l'égalité réelle en contournant l'égalité sociale, ou encore de mélanger les deux : le chemin n'y sera pas nécessairement le même que dans les autres départements d'outre-mer, qui ont connu deux processus successifs. Ceci explique le contenu de la partie du texte relative aux prestations sociales.

Cette première réunion va nous permettre d'obtenir des clarifications concernant la démarche engagée, la portée de la loi et la force qu'il conviendra de lui donner. Puisque la plupart de nos amendements tomberont sous le coup de l'article 40, nous apprécierons particulièrement une co-construction législative raisonnable mais résolue, pour un résultat à la mesure des espérances de nos outre-mer.

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