Mme la présidente, je partage pleinement votre avis, le rapport de Philip Cordery est de nature à redonner le moral aux citoyens européens.
Il est inconcevable que le marché unique dans lequel nous vivons ait des règles si différentes aux plans fiscal, environnemental et social. C'est encore plus vrai pour la zone euro, où les États ne peuvent pratiquer d'ajustement monétaire et où il est, par conséquent, impératif que les règles suivies par les uns et les autres soient proches. Or, alors que nous espérions que l'euro entraînerait une convergence des économies, celles-ci continuent de diverger.
Votre travail, monsieur le rapporteur, s'inscrit dans un contexte plutôt favorable, puisque l'Allemagne, qui n'avait pas de salaire minimum, a décidé d'en avoir un à partir du 1er janvier 2015. Alors que certains augures prévoyaient une catastrophe économique à la suite de cette mesure, il n'y a pas eu d'augmentation du chômage et certaines personnes titulaires de contrats dits « mini jobs », à 400 euros et quasiment sans cotisation – ce qui sacrifiait leurs retraites – sont passées sur des contrats classiques, comme vous le décrivez dans votre rapport.
Votre réflexion rejoint celle du Parlement européen, qui a adopté, le 14 septembre, sur la base du rapport de Guillaume Balas, eurodéputé français, une résolution contre le dumping social. Le point 48 de cette résolution recommande l'instauration de planchers salariaux sous la forme d'un salaire minimum national. Le Parlement européen vise un objectif de 60 % non du salaire médian mais du salaire moyen : pourquoi cette distinction ? Il me paraîtrait inconcevable que le salaire minimum soit fixé en-deçà du seuil de pauvreté. Je pense donc que l'on pourrait viser 60 % à la fois du salaire médian et du salaire moyen, et prendre le plus fort d'entre les deux montants.
Il est toujours intéressant de lire les résolutions du Parlement européen. Au considérant D., on apprend ainsi que « l'un des grands principes des politiques de l'Union est la cohésion sociale, ce qui signifie un rapprochement constant et continu des salaires ». Nous n'avons pas vu, à ce jour, la réalisation concrète de ce grand principe. Il est temps d'en faire une priorité européenne.
Au plan des propositions concrètes, vous prévoyez un jeu à quatre temps : tout d'abord, l'entrée du principe dans chaque pays, ensuite son inscription dans le socle européen des droits sociaux, suivie d'une concertation entre les niveaux national et européen par le biais, si j'ai bien compris, de la conférence européenne des salaires, qui ferait des propositions pour chaque pays – ce qui montre bien que le niveau national intéresse toute l'Europe, alors qu'actuellement ce niveau ne peut faire l'objet d'une réglementation communautaire –, et enfin une prise en compte dans le cadre du semestre européen, ce qui me paraît aussi une avancée importante.
Quelles sont les difficultés devant nous ? La révision de la directive sur le détachement international se heurte à un véritable front du refus mené par la Pologne. Le même risque existe-t-il en ce qui concerne le salaire minimum et, si tel est le cas, comment l'éviter ? Les personnes que vous avez entendues ne font pas partie des pays appartenant à ce front du refus, qui sont surtout des PECO (pays de l'Europe centrale et orientale). Une partie de ces derniers pourraient-ils conduire une opposition frontale au projet ?