Le rapport établit un large panorama comparatif du salaire minimum au sein des pays de l'Union européenne et il est très intéressant de remarquer les différences, parfois significatives, à cet égard.
Les radicaux de gauche sont des Européens convaincus. Nous revendiquons une Union européenne plus sociale, comme beaucoup à gauche, mais nous soutenons également une vision fédéraliste des institutions européennes, intégrant une volonté d'élargir la législation sociale européenne. Pour les radicaux de gauche, la mise en place d'un salaire minimum au niveau de chaque pays de l'Union européenne serait une mesure phare dans la construction d'une Europe plus sociale. Nous le voyons notamment comme un moyen efficace de lutte contre le dumping social, lié à la problématique récurrente des travailleurs détachés.
Aujourd'hui, force est de constater que l'Union européenne fonctionne à deux vitesses, voire davantage. Ces différences de traitement dans les droits sociaux sont problématiques dans l'idéal social que nous, radicaux de gauche, avons de l'Union. Ainsi, sur les vingt-huit pays de l'Union européenne, six n'ont pas de salaire minimum, car ils sont attachés à la négociation collective. À ce titre, je partage votre analyse sur la difficulté de mettre en place un salaire minimum au niveau de l'Union tant les différences de modes de fixation des salaires, l'absence de convergence sociale et la forte disparité entre les salaires de nos concitoyens européens sont grandes.
De manière générale, on remarque que les pays de l'Europe de l'Est, excepté la Slovénie, ont un salaire minimum dans le bas de la fourchette. Les pays de l'Europe du Sud, Slovénie incluse, ont un salaire minimum entre 500 et 800 euros, et les pays ayant un salaire minimum le plus élevé se comptent principalement parmi les pays fondateurs de l'Union européenne, à savoir le Benelux, l'Allemagne et la France, en plus de l'Irlande et du Royaume-Uni.
Il est très intéressant de voir, à ce titre, que les trois pays scandinaves, réputés pour avoir des politiques sociales étendues – on le voit notamment avec l'expérimentation du revenu de base inconditionnel mis en place par le Gouvernement de coalition libéral-national-conservateur finlandais –, n'ont pas recours à un salaire de base minimal, même si les salaires en Scandinavie me semblent plus élevés que dans une majorité d'autres pays de l'Union européenne. Mais vous pourrez m'apporter plus d'éléments ou rectifierez mes propos, monsieur le rapporteur, si je me trompe. Les pays scandinaves sont souvent cités en exemple pour leur gouvernance sociale-démocrate qui, rappelons-le, signifie, en sociologie politique, un travail étroit entre le pouvoir en place et les syndicats, et non une gauche plus à droite qu'elle ne doit l'être.
J'aurais également voulu poser la question des salaires sur des territoires situés sur le continent européen mais hors Union européenne. La question des frontaliers, notamment avec la Suisse, n'est pas anodine. En 2015, plus de 300 000 frontaliers communautaires ont traversé chaque jour en semaine la frontière pour travailler sur le sol suisse, avec cette particularité que la Confédération n'a aucun salaire minimum, sauf en République de Neuchâtel où le salaire minimum voté par le législatif cantonal a été fixé à 3 640 francs suisse, soit 3 330 euros ! Toutefois, tant en 2014 qu'il y a trois mois, le corps électoral helvétique a voté contre un SMIC national – estimé à environ 3 330 euros également – et contre le revenu de base inconditionnel, à 73 % de « non » à chaque fois. Là aussi, comme en Scandinavie, les opposants à un salaire minimum national avaient avancé le fait que les conventions collectives étaient mieux à même de régler chaque situation par branche.
Cette petite digression me semblait importante, car elle montre que, si nous voulons régler les disparités de salaires au sein de l'Union avec un salaire minimum, la question ne pourra pas être uniquement résolue de façon sectorielle. Uniformiser un SMIC uniquement dans la zone euro ne nous semble pas pertinent, car cela ne va pas dans le sens d'un renforcement de l'Europe sociale pour tous ses citoyens. Reste en suspens la question de ceux qui vivent au sein de l'Union européenne mais n'y travaillent pas, conséquence directe d'une globalisation importante au niveau de l'Europe continentale.
Monsieur le rapporteur, votre rapport d'information est très clair, détaillé et complet. En page 30, vous prônez l'inscription du salaire minimum européen dans le socle européen des droits sociaux. Pensez-vous que ce soit politiquement réalisable avec les forces politiques en présence au sein des institutions européennes ?